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Prête pour un nouveau chapitre ? J'espère que tu ne t'es pas arrêtée.
J'ai continué à rechercher l'identité de Batman, je n'ai pas abandonné pendant tous ces jours. Je savais que j'allais le découvrir, ce n'était qu'une question de temps, maintenant je sais qui il est. Je ne peux pas m'empêcher de penser que c'était évident que ce soit lui, je veux dire, il avait tous les caractéristiques pour être ce héros, maudit soit-il.
Et puis d'un côté, je trouvais cela trop simple que ce soit lui, comme si c'était trop évident. Mais la vie est une évidence, Jérôme et moi sommes une évidence. On ne peut pas nous séparer, dans la vie comme dans la mort.
Quelque chose de sombre se cache sous cette identité, quelque chose que je n'aurais jamais soupçonné auparavant. Le pourquoi il faisait ça, quelles sont vraiment ses intentions. Il fait cela dans l'unique but de sauver cette ville, sans aucune attache, en solitaire. Mais cette ville métrite-t-elle d'être sauvée ? Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ? Non, elle doit être détruite, réduite à néant.
On ne peut pas sauver une chose qui a trop sombré.
C'est ce que pensent les autres avec moi, ils disent que je ne peux plus être sauvée. Sauf que je n'ai jamais voulu qu'on me sauve, je ne veux pas être sauvée parce que je n'en ai pas besoin. Zafrina, tu ne comprends pas. Jérôme est mon sauveur. Il m'a sauvée d'une vie pathétique qui aurait tourné en boucle une centaine de fois.
Je n'ai pas besoin d'être sauvée, parce que j'ai déjà été sauvée.

« Tout le monde me déteste. Pas seulement les gens du lycée, absolument tout le monde. Y compris ma famille qui autrefois, me voyait comme la parfaite fille modèle. Un peu comme ma sœur. Ils croyaient que j'avais un grand avenir devant moi, que j'allais devenir avocate, avoir un métier qui rapporte beaucoup d'argent et qui ne ternissait pas l'image de la famille Milles.
     Sauf que je ne suis pas ce qu'ils attendent, j'ai désobéit à la règle fondamentale des Milles : rester dans le droit chemin.
     Mais aujourd'hui, c'est un cercueil vide que nous enterrons. Toute la famille est présent, réunie pour la première fois depuis des semaines et des semaines. Tout le monde pleure aux enterrements, mais pas moi, pas cette fois. Je n'ai pas envie de pleurer, je n'en ai même pas la force. La tête haute, j'inspire profondément en regardant les gens déposer une rose sur le cercueil. Pour une fois, ce n'est pas la faute de Jérôme si quelqu'un est mort. C'est la faute du temps, de la vie, cette dernière ayant décrété que ma grand-mère n'avait plus le droit de respirer.
     Ma mère pleure, il fallait se faire une raison, ça allait arriver un jour ou l'autre. Zafrina me fixe d'un air horrifié, les yeux écarquillés, humides à cause de ses larmes. Elle tremble de tous ses membres.
     Quand nous rentrons à la maison, l'ambiance est noire, triste. La famille parle affaires comme si ma grand-mère n'avait jamais succombé, comme si elle était toujours présente. Je peux sentir des regards noirs posés sur mon corps frêle. Je ressens la colère de ma sœur ainsi que sa tristesse, ressentent beaucoup d'empathie mais pas la moindre envie de faire quoi que ce soit pour qu'elle aille mieux.
     Je les regarde un à un et vois qu'une bande d'hypocrites assoiffés d'argent, de pouvoir, du contrôle de la ville par le biais des affaires. Il n'y a que ça qui semble les intéresser, l'argent. Ça me donne envie de vomir.
     Un, deux, trois. Les verres de champagne s'accumulent les uns après les autres sans que personne ne remarque quoi que ce soit.
     Je finis par monter la bouteille dans ma chambre avant de m'effondrer sur mon lit. Toutes mes pensées se bousculent dans ma tête. Jérôme, Batman, ma famille, mes camarades du lycée, les meurtres, le sang.
     Rien n'est cohérent après un énième verre. Mais un rire familier à présent se fait entendre dans la pièce. Me redressant, je découvre Jérôme passer par la fenêtre.
     Habillé de blanc uniquement, il a l'air d'être infirmier dans un hôpital psychiatrique.
- Qu'est-ce que tu fêtes ?
- La mort de ma grand-mère, ricané-je sans le vouloir.
     Paix à son âme.
     Je me balance de droite à gauche sur le rythme d'une musique imaginaire en fermant les yeux, bouteille à la main. La bouche pâteuse, j'ouvre les yeux tout en me relevant. La pièce bouge de tous les côtés.
- Qu'est-ce qu'un endroit comme toi fait dans un lieu terrifiant ?
     Je plisse les yeux, pas sûre que ma phrase soit compréhensible et correcte. En plus de cela, je suis fatiguée. De tout et à la fois de rien. Fatiguée de toute ma vie, fatiguée de ne pas savoir quoi faire à cette heure-ci. Je suis complètement bourrée.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? me concentré-je assez pour sortir cette phrase.
Il me lance un objet que je ne rattrape pas. La batte de baseball tombe au sol dans un bruit sourd. C'est une invitation à semer le chaos dans la ville. Ses yeux verts continuent de me fixer, attendant que je réagisse mais je ne fais rien. Personne ne débarque dans ma chambre. Aujourd'hui, je n'ai pas vraiment envie de jouer à ça. Et même, je n'ai pas l'impression de me sentir en vie.
     Bourrée, détraquée. Voilà ce que je suis en ce moment même. Aucun sourire sur mon visage, aucune envie d'être avec lui aujourd'hui. Simplement le besoin d'être seule m'envahie.
- Désolée, je ne me sens pas vraiment exister aujourd'hui.
     Je pousse la batte du bout de pied avant d'avaler une énorme gorgée de champagne. La boisson alcoolisée me brûle la gorge, je grimace. Jérôme cligne des yeux sans vraiment avoir la moindre expression sur son visage. Et je n'ai pas le cœur à aimer non plus aujourd'hui, j'ai l'impression d'être totalement vide.
     Je titube jusqu'à la porte de la chambre, dans les escaliers et jusqu'au salon où personne me regarde vraiment. Ils me regardent sans me voir, comme si j'étais transparente. Je lâche la bouteille à côté de moi, et elle s'écrase contre le sol, se brisant en centaines de milliers de morceaux de verre.
     Tout le monde me regarde comme si je n'étais plus transparente à présent. Le mur me retient de tomber et le pire, c'est que cette situation me fait marrer. Ma mère me regarde avec une expression cinglante collée au visage.
- Oups, dis-je enfin.
     Ils auraient préféré que je me tienne tranquille sauf que c'est impossible de rester sage, je ne suis pas une bonne personne, je ne suis pas sage comme une image.
     J'ai même tué des gens à coups de batte, certains une balle entre les deux yeux. Le pire est que je n'ai aucun remord, aucune regret, peu importe la différence entre les deux, je ne ressens rien. Pas aujourd'hui du moins.
     Non, en ce jour, je ne me sens vraiment pas exister.
- Pourquoi cette mine affreuse sur votre visage ? ricané-je. Vous êtes trop meurtris par le chagrin ?
- Kate, arrête ça immédiatement, dit mon père.
     Ma mère a retrouvé son masque de glace, les larmes ont cessé de couler. Est-ce que mes larmes couleraient si ma mère mourait ?
- Kate arrête, Kate fais pas ça, Kate obéis ! me moqué-je en faisant des grimaces. Personne ne me donne d'ordres !
Ils n'ont pas l'air de comprendre ce que je ressens et moi non plus d'ailleurs je ne comprends pas. C'est comme si je ressentais toutes les émotions négatives du monde. La tristesse, la terreur, la douleur, la colère, la haine et l'envie de meurtre. La soif de pouvoir.
- Si vous saviez à quel point je vous déteste ! craché-je. Jérôme lui au moins m'accepte comme je suis !
C'est comme si j'avais dit le pire de tous les gros mots, le plus terrible, le plus affreux. Ils écarquillent les yeux, comme à chaque fois que l'on prononce son prénom. Mon père tourne la tête vers mes frères.
- Montez dans sa chambre, il se pourrait qu'un psychopathe soit dans la maison. Et appelez la police.
Ils disparaissent rapidement tandis que, tout au fond de moi, j'espère que Jérôme est parti et s'est enfui avec la batte de baseball. Je me mords l'intérieur de la joue, mes dents s'enfonçant dans ma chair. C'est douloureux mais au moins ça me retient de ne pas grimper quatre à quatre les escaliers pour courir après mes frères.
Je ne peux m'empêcher de laisser échapper un sourire mauvais sur le visage. Comment a-t-il su qu'il était présent ? Nous entendons aucun bruit en provenance de l'étage.
- Vous savez c'est quoi le pire dans tout ça ? C'est que vous faites semblant, vous êtes des hypocrites.
- Un mot de plus Katerina et je te jure que tu vas le regretter.
- Quoi ? Tu vas me punir ? Attention, je suis terrifiée ! m'exclamé-je en riant.
- Comment est-ce que tu peux faire cela le jour de l'enterrement de ta grand-mère ? dit enfin ma mère. Comment peux-tu avoir peu de compassion ?
- Mais c'est qu'elle parle !
J'applaudis, les idées plus très claires ni lucides. Ma génitrice plisse les yeux, le visage figé dans une grande froideur.
- Arrête ça, dit-elle.
- Mais quoi ? Allez-y, dites quelle sera la punition ! dis-je en tendant les bras comme le christ. Attendez, pourquoi ne pas me crucifier ?
Je fais la morte sur une croix oit en tirant la langue, comme ce personnage biblique qui n'a probablement pas existé. Je ne suis pas vraiment croyante mais je crois en Jérôme. Seulement en lui.
     J'éclate de rire en sifflotant comme il l'aurait fait.
- Comment peux-tu agir de manière aussi monstrueuse ? intervient ma sœur.
C'est sûrement les paroles de trop, les mots de trop. Peut-être que tout arrive pour une raison en fin de compte, que Jérôme est une bonne chose et me fait voir la vérité en face. Ma famille me déteste, je ne suis plus vraiment une Milles depuis bien longtemps. Par colère, je lance un verre contre le mur du plus fort que je puisse faire.
Je les assassine du regard, injectant le plus de haine possible. Moi aussi, je peux les détester comme eux.
- Non ! Vous seuls êtes des monstres ! Vous me détestez, me haïssez ! Ne mentez pas ! crié-je.
Cette situation n'a aucun sens. Mes oncles et mes tantes ont l'air terrifié, horrifié de la personne que je suis. Mais oui, c'est bien moi. Je suis cette fille qui hurle et qui casse tout, celle qui a tué des gens. Mais ça, ils ne sont pas au courant.
- La seule chose qui compte pour vous c'est l'argent et le pouvoir ! Pas un instant vous vous êtes préoccupés des uns et des autres et putain, qu'est-ce que ça me dégoûte ! Jérôme a raison de dire que cette ville mérite de plonger dans le chaos !
- Katerina, tu es malade, souffle Zafrina d'un ton très calme. Tu n'as pas les idées claires.
- Je ne suis pas malade, je suis réaliste, je dis simplement la vérité !
- Non, tu as besoin de soins médicaux. Tu es malade et tu ne vas pas bien, s'avance-t-elle vers moi.
- Je ne suis pas malade ! répété-je. Mais ce qui me rend malade c'est la manière dont vous agissez avec moi ! Vous affichez un masque pour cacher votre dégoût mais les masques finissent toujours par tomber et la vérité par éclater.
- T'es bourrée, dit Zafrina.
Sûrement, mais ce qu'elle ne comprend pas, c'est que j'évoque la pure et simple vérité. Celle que tout le monde connaît mais que personne ne dit tout haut. Elle essaie de me calmer mais elle ne fait qu'attiser la colère de ma mère face à mon comportement.
- Oh Katerina, comment as-tu pu tomber aussi bas ? secoue-t-elle la tête de droite à gauche.
Le fait est que ma mère est une femme qui ne supporte pas ne pas avoir le contrôle. Elle n'en a aucun sur moi et elle ne le supporte pas. Au fond, bourrée ou pas, je me demande ce que j'ai fait de mal pour mériter cette vie. Je suis simplement tombée amoureuse de la mauvaise personnes d'après eux, sauf que c'est cette personne que je veux à vie, à tout prix.
Même si je dois mourir pour lui. Je l'aime d'un amour inconditionnel, exceptionnel. Cependant, je ne me sens pas l'aimer en cet instant. Je ne me sens pas envie de rire, de sourire ou de ressentir n'importe quelle émotion positive. L'impression de ne pas exister est encore plus grande de seconde en seconde.
Qu'est-ce qui ne va pas chez moi pour que toutes mes émotions se bousculent dans ma tête ? Pour que tout explose d'un coup ? Suis-je malade, comme le dit ma sœur ? Dois-je me faire soigner ? Non, il est hors de question que je retourne dans cet hôpital psychiatrique.
     Ma mère m'y a envoyée à cause de ma tentative de suicide, je croyais encore à cette époque qu'elle voulait mon bien mais tout ce que ma mère destinait était que je sorte de sa vie, que je sois hors de sa vue. Je l'ai compris trop tard.
- Pour moi tu n'es plus ma fille. Tu es morte il y a bien longtemps dans les bras de ce monstre qui porte le prénom de Jérôme Valeska. Tu n'existes plus à mes yeux, tu ne vaux rien, pas le moindre sous. Quand est-ce que tu vas comprendre que plus personne t'aime ? Que tout le monde te déteste ? Katerina, tu n'as plus personne. Regarde-toi, tu es en train d'être consumée par une force obscure.
C'est comme si, d'un coup, un voile s'était levé. L'état embrumé dans lequel je suis à cause de l'alcool disparaît. C'est comme un électrochoc bien que je ne connais pas l'effet de ce dernier. C'est ma mère et elle avoue clairement devant tout le côté de sa famille et la mienne qu'elle ressent ne ressent plus d'amour pour sa fille.
- Tu pourrais mourir sous mes yeux que j'en ferais rien. Je serais même soulagée de ne plus avoir à te supporter dans cette maison, à poser les yeux sur toi, cette chose, me regarde-t-elle avec dégoût.
Ses yeux balayent mon corps de haut en bas plusieurs fois.
- Katerina, tu n'es plus ma fille. Tu es morte à mes yeux.
Ma sœur est en larmes, ma famille est sidérée, mon père est pâle comme la mort tandis que les frères débarquent dans la salle à manger.
C'est ça que je voulais entendre de sa bouche. C'est pour ça que j'attendais une bonne raison de partir hors de sa vue. Je recule de quelques pas avant de rejoindre ma chambre au plus vite.
Tous les souvenirs que je possède avec elle s'effacent les uns après les autres, lentement. La tristesse et la détresse envahissent mon corps, déboussolant les repères. Je me sens étrangère dans ma propre chambre. J'ai l'impression d'étouffer dans cette atmosphère glacée. Tout ce dont j'ai besoin est de fuir ce monde, en créer un nouveau avec lui et seulement lui. Mieux, j'ai envie de détruire comme lui le fait.
     Mes émotions se bousculent pour que je puisse penser des trucs pareils. Je rêve même de me faire sauter la cervelle mais seraient-ils tristes si je dépérissais ? Personne m'a dit « on tient à toi meuf » et personne ne me dira « Kate, on t'aime, tu sais ? ». Je dois me battre pour ne par hurler, toutes mes émotions qui se bousculent les unes après les autres. Tout ce dont j'ai envie c'est mourir, fuir, détruire. Détruire en premier, fuir peut-être et mourir par la suite en ayant tué une légende. Comme lui.
     Je ferme la porte à clé, jetant un coup d'œil sous mon lit où se trouve la batte de base-ball. Je vide mon sac de cours sur mon lit, les feuilles et cahiers s'écrasant sur la couette blanche. J'enfonce un sweat noir dans le sac puis la batte en bois.
- On y va, dis-je.
- Suis-moi.
     Je savais qu'il était là, toujours présent quand j'en ai besoin maintenant. Il descend à l'échelle qu'il a installé. Le courant d'air me glace mais il n'est pas question de faire marche arrière. Soudain, la porte de ma chambre s'ouvre en grand, mon père a trouvé un moyen de l'ouvrir même si la clé est restée sur la porte.
     Mon père, mes frères, ma mère et ma sœur me regardent, hallucinés. Je suis à la première marche de l'échelle. La batte dépasse de mon sac à dos, et peut-être qu'ils comprennent que c'est moi, la personne qui accompagne Jérôme lorsqu'il fait apparition.
     Je descends rapidement l'échelle, le plus possible tandis que mon père apparaît à l'encadrement de la fenêtre. Jérôme est déjà dans la voiture.
- Katerina, je t'interdis de monter dans cette voiture ! hurle mon géniteur.
     Je lève les yeux vers lui. Peut-être que c'est la dernière fois qu'il voit sa fille. De longues secondes s'écoulent tandis que Jérôme fait gronder la voiture, me ramenant à la réalité.
- Désolée, mais je ne me sens vraiment pas vivre aujourd'hui.
     Je peux voir Zafrina souffrir alors que j'ai toujours dit que je serais là pour elle, que je ne le ferais jamais souffrir.
     J'ai promis des choses que je suis incapables de tenir et voilà où nous en sommes.
- Tu seras internée à Arkham !
     Je grimpe dans la voiture tandis que les hurlements de ma famille s'estompent en plein milieu d'après-midi. La voiture démarre au quart de tour et aussitôt, je claque la portière. Jérôme rigole de son rire diabolique tandis que je garde le visage fermé.
     Je respire à nouveau. »

     Et si, Zafrina, tu n'as toujours pas compris aujourd'hui, il y a un assassin dans notre famille.
Moi.

psychotic loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant