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Merci petite sœur pour avoir été aussi patiente. Tu sais, les personnes comme toi n'existent plus à notre époque. Nous sommes habitués à avoir tout ce que nous voulons en quelques minutes.
     En clair, notre génération est devenue conne.
     Merci d'avoir été patiente parce que maintenant je vais te révéler la véritable identité de Batman parce que oui, au final, j'ai découvert son identité.
     Ne cherche pas à regarder plus loin dans les pages, parce que je n'ai pas noté son prénom. Enfin, du moins, pas exactement. Mais je sais que tu réussiras à décrypter ce que j'ai écrit, tu es très intelligente, je sais que tu réussiras à découvrir l'identité de ce super héros qui n'a pas réussi à me remettre dans le droit chemin.
     Je ne le connais pas personnellement, cet homme, mais c'est dommage qu'il soit si seul. Je suis certaine que malgré son expression on ne peut plus glaciale, il peut être l'une des personnes les plus douces du monde.
     Je n'ai pas choisi tout cela. Je n'ai jamais voulu tout cela, tout ce que je voulais était Jérôme. Simplement lui. Je n'ai pas souhaité devenir une criminelle à mes heures perdues, j'ai toujours voulu être normale mais maintenant, la normalité, je ne la connais plus.
     Je sais que je ne peux pas te faire promettre cela mais je te le demande quand même : promets-moi de ne pas voir l'homme qui se cache derrière Batman. Promets-moi que tu ne révéleras jamais son identité.

     « Depuis quelques jours, j'ai pris l'habitude de prendre un carnet partout où je vais. J'ai eu l'idée d'écrire à ma sœur tout ce qu'il s'est passé pour en arriver à cette situation. Jérôme et moi avons parlé de partir tous les deux, d'arrêter toutes ces conneries dans cette ville et partir loin d'ici. Au fond, je ne crois pas à ce qu'il veuille partir avec moi car je sais qu'il y aura toujours une part de lui qui essaiera de remonter à la surface si nous nous enfuyons.
     Mais pour le moment, ce n'est qu'un vague projet, il faut que je m'en discute à nouveau avec lui.
À côté de moi se trouve un autre carnet où je note mes hypothèses à propos de l'identité de la personne dont je cherche à mettre un visage dans mon esprit. Je pense qu'il a un lourd passé et que quelque chose a dû arriver dans sa vie. Quelque chose de très grave. J'ai fait quelques recherches sur les chauves-souris, découvrant qu'elles vivent plutôt dans des zones sombres, cachées de la lumière, ce qui signifie que Batman doit forcément vivre dans un endroit sombre et reculé. Comme un château ou un manoir. Mais le problème est que cela ne colle pas avec la personne que pourrait être Batman, tous les riches qui vivent dans les châteaux ou manoirs n'ont jamais quitté cette ville pour faire le moindre service militaire, ils ne savent même pas se battre.
Au final, je m'embrouille l'esprit sur la personne que je recherche.
- Katerina, que faites-vous ?
Je range aussitôt mon carnet dans mon sac en regardant la prof. Tout le monde a le visage tourné vers moi. Je dois probablement rougir comme une pivoine.
- Venez donc résoudre le calcul qui est au tableau si vous vous ennuyez.
- Comme vous voulez.
Les autres ne détachent pas leur regard de moi. C'est la première fois que je me fais remarquer depuis un petit moment, parce qu'au final, je voulais ne plus exister parmi eux, ils ne me comprennent pas, ils ne me comprendront jamais.
J'ai un sourire satisfait quand la prof approuve mon calcul. Que croyait-elle faire ? M'humilier parce que je n'écoutais pas ?
Plus tard, je note dans mon carnet que Batman doit forcément être une personne entre vingt et trente ans, sauf que je ne vois personne de cet âge pouvant être lui. J'aimerais tellement connaître sa véritable identité, pouvoir le détruire, en profiter pour le menacer et qu'il nous laisse tranquille, Jérôme et moi. La paix, c'est tout ce que je demande.
Quand je rentre à la maison plus tard que prévu, les parents m'attendent dans le salon, ma mère le visage figé dans la glace. Elle est contrariée.
- Où étais-tu passée ? dit-elle.
- Nulle part.
- Où est-ce que tu étais lorsque je t'ai appelé ? Où étais-tu ? hurle-t-elle.
- À la bibliothèque.
Le pire est qu'elle ne me croit pas, je peux le lire dans ses yeux. Zafrina est assise sur le canapé, le nez collé sur son téléphone tout en ayant les oreilles tendues, écoutant la dispute. Ma sœur a de la chance de ne pas avoir autant notre mère sur le dos.
Cette dernière me fusille du regard, bouillonnant de rage, de colère.
- Dis-moi la vérité !
- J'étais à la bibliothèque ! levé-je la voix. Qu'est-ce que tu crois ? Que j'étais avec Jérôme ?
- Ne prononce pas son nom ! siffle-t-elle comme si c'était interdit.
- Je n'étais pas avec lui, je n'ai pas de nouvelles depuis des semaines !
Ça c'est faux mais ils ne le savent pas. J'ai l'impression que mes parents me détestent et qu'il est le seul à m'aimer à présent.
- Des semaines ? Tu le vois toujours ? s'exclame ma mère. Oh crois-moi Katerina Milles, tu n'es pas prête de le revoir, de sortir de cette maison sans surveillance !
- Tu veux me confiner ? rétorqué-je.
- Tu es punie !
- Tu me confines dans la solitude ! Tu veux que je me suicide de nouveau ?
Et d'un coup, la solution est présente, parait si simple. Solitude, confinement, mort. Perte. Batman est forcément quelqu'un de seul ayant perdu une personne qu'il aimait, il ne serait pas si noir et surtout, il n'agirait pas aussi violemment avec les gens. Il y a peu d'hommes en ville pouvant coller à ce profil.
Je peux déjà rayer Bruce Wayne, il est bien trop prétentieux et narcissique pour cela, je suis certaine qu'il oserait à peine toucher une arme à feu. Cependant, il y a d'autres types qui pourraient coller parfaitement. Il suffit simplement que j'établisse une liste et quelques noms.
- Tu seras punie tant qu'il n'aura pas été arrêté, est-ce que c'est clair ?
- D'accord.
Mon père fronce les sourcils tandis que ma sœur se tourne vers moi en fronçant les sourcils, ne comprenant pas pourquoi je suis soudainement d'accord avec les paroles de ma mère. J'ai seulement besoin de m'échapper du salon pour rejoindre ma chambre et écrire mes pensées.
Homme riche, entre vingt et trente ans, ayant perdu quelqu'un. J'élargis mon champ de recherche sur les hommes qui ne vivent pas que dans des manoirs ou châteaux, ce serait trop compliqué.
Je sais que cela peut paraître complètement fou de se lancer dans une telle quête mais j'ai besoin de ça, une dernière fois pour prouver à Jérôme que je peux être comme lui, que je peux l'aider. Il suffit juste que je trouve qui est Batman, Jay se chargera de l'anéantir pour qu'il nous laisse tranquille.
Mais le pire est que je n'ai aucune idée de comment découvrir son identité, je ne sais pas par où commencer.
- Tu peux partir, dit ma mère.
- Comme tu veux, haussé-je les épaules.
Je croise le regard de ma sœur mais elle fuit rapidement le mien en fixant de nouveau son téléphone. J'aimerais savoir ce qu'elle pense de moi, m'introduire dans sa tête. Je suppose que Zafrina ne me porte pas dans son cœur non plus.
     Ma mère écarquille les yeux tandis que je fais volte-face. J'ai quelques informations à noter sur mon carnet à propos de l'identité de Batman.
- Comme tu veux ? répète ma mère. Reviens ici tout de suite !
- Quoi encore ? Tu me dis de partir et tu n'es pas contente, c'est quoi ton problème ?
- Moi problème est que tu mijotes quelque chose de louche !
- Mais bien sûr, je vais préparer un attentat avec Jérôme Valeska, ironisé-je avec froideur.
- Je t'interdis de prononcer ce prénom dans cette maison ! Comment peux-tu oser le prononcer après tout ce qu'il a fait ? Il aurait pu tuer ton frère !
     Le truc est qu'elle n'a aucune idée que la personne qui a tiré n'est autre que sa fille qu'elle déteste tant à présent. A ses yeux, je suis devenue le même monstre que lui, elle n'accepte pas qui je suis, elle aimerait tellement que je sois Zafrina, sa petite fierté personnelle parce qu'elle n'a pas réussi à me dompter. Quand ma sœur se rebellera-t-elle enfin ? Quand arrêtera-t-elle de jouer à la fille parfaite ?
     Je lève les yeux au ciel et m'en vais sous les protestations de ma mère, il manquerait plus que de la fumée sortant des narines pour qu'elle soit un véritable dragon. C'est la énième engueulade, tous les jours se répètent encore et encore sans que je puisse en voir le bout.
     Plus tard, quelqu'un autre que ma mère toque à la porte de ma chambre. Zafrina se montre craintive, timide.
- Je peux te parler ? demande-t-elle.
- Qu'est-ce que tu veux Zafi ?
     Cette dernière m'observe fermer le carnet noir contenant le sujet Batman. Je ne tiens pas à ce qu'elle tombe dessus, du moins pas encore. J'ai songé plusieurs fois à écrire sur Jérôme et moi mais elle me prendrait pour une folle. Peut-être que si on partait, je lui écrirais et peut-être qu'elle me pardonnerait tous mes actes. Ma sœur affiche un air pincé, préoccupé comme si elle craignait ma réaction.
- Pourquoi est-ce que tu fais ça Kate ? Je ne comprends pas.
- S'il te plaît, ne commence pas.
- Non Katerina. Je ne parviens pas à comprendre. Tu fais souffrir tout le monde autour de toi et tu t'en fiches complètement. Pourquoi Kate ? Pourquoi ? s'avance-t-elle vers moi.
- Je refuse d'avoir cette conversation avec toi. Maintenant, va-t'en.
     Je tente de la prendre par le bras pour l'emmener hors de ma chambre mais elle se dégage de moi.
- Comment peux-tu être aussi indifférente de ta famille ? Comment est-ce que tu peux encore nous regarder droit dans les yeux tout en étant avec lui ? crache-t-elle.
- Dégage de ma chambre.
- Faut-il que l'un de nous crève par sa main pour que tu t'en rendes compte ? Faut-il que nous mourons tous pour comprendre ?
- Comprendre quoi ? Dis-ce tout haut ce que tu penses tout bas !
- Pour comprendre que t'es aveuglée par lui ? C'est un putain de monstre, Katerina ! Il détruit tout ce qu'il touche, il a failli tuer notre frère ! Et tu es d'accord avec ça ?
     Mais ils ne savent pas que c'était moi. Personne ne sait en dehors d'Alex, Jérôme et moi.
- Dégage. Je t'ai prévenu deux fois, ne m'oblige pas à le faire une troisième fois.
- T'es la même que lui, t'es un putain de monstre. Tu me dégoûtes. Je t'ai toujours défendu, j'ai toujours été de ton côté. Je subis le regard des autres quand je vais au lycée, sans rien dire. Mais tu te comportes comme une putain d'égoïste.
- Je ne t'ai jamais demandé de me défendre, dis-je, néanmoins blessée par ses paroles.
     Elle prend un air horrifié, comme si j'avais dit les mots de trop.
- Comment est-ce que tu peux être sans pitié ? Je ne te reconnais plus, tu n'aurais laissé personne m'attaquer avant, moi, ta propre sœur ! Comment a-t-il pu te transformer en ce monstre que tu es devenue ? J'ai l'impression de ne plus avoir de sœur ! Comment peux-tu être aussi cruelle ? Te rends-tu compte de ce que tu es ? Ou tu es simplement conne de voir quelle créature es-tu ?
     Le mot monstre tourne en boucle dans mon esprit tandis que des larmes commencent à déborder de ses yeux. Je la blesse chaque jour, un peu plus.
- T'as dit que tu serais là pour moi, mais où es-tu quand j'ai besoin de toi ?
     Elle me donne un coup à l'épaule, puis un autre et encore un autre.
- Où étais-tu quand j'avais besoin ? crie-t-elle. Tu sais ce que font les autres ?
     Zafrina cesse de me donner des coups et j'ai terriblement mal. Cependant, je reste stoïque, figée dans la pierre, comme une statue. Ses larmes débordent et coulent le long de ses joues.
- Ils m'insultent, ils sont à la limite de me prendre pour cible à cause de toi ! T'es en train de me détruire ! Où es-tu quand ils me font du mal ? Où es-tu quand j'ai besoin de toi ? hurle-t-elle.
     Nos frères débarquent dans ma chambre et se précipitent sur elle pour la retenir de me donner des coups. Alex pose ses yeux sur moi, avec un regard mauvais collé sur le visage. Mon frère jumeau me méprise du regard, il me déteste tellement.
- J'espère que tu n'es pas fière de toi au moins, crache-t-il. Mais nous savons tous que détruire les gens, c'est ce que tu fais de mieux maintenant. Comme lui. »

     Et ça oui, tu connais ce qui s'est passé, t'étais aux premières loges. Je t'ai blessé et j'étais incapable de m'excuser, c'est plus facile sur papier, tu le sais ? Je suis tellement désolée pour tous les actes que j'ai commis, pour toute cette souffrance que je t'ai infligé. Tu sais, je ne voulais pas te faire souffrir mais tu es ce qu'on appelle un dommage collatéral.
     Tu dois probablement me détester. Mais si tu me détestes, c'est ce que tu m'as aimée un jour. Et ça ma sœur, je n'oublierai pas. Même dans la mort.
     Je suis tellement désolée.

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