« la vérité est comme le soleil. Elle laisse tout voir mais ne se laisse pas regarder »
- Victor Hugo
Soupir. Regard absent, envie de ne plus exister. Perte du sourire, du rire. Attente interminable. Regards noirs.
J'ai attendu son retour pendant des jours, tu sais. Mais je n'avais aucune nouvelle de lui, pas depuis cette nuit. Personne n'avait des nouvelles de l'évasion, c'est comme s'ils avaient disparu dans la nature. T'as passé de longues heures à essayer de me faire oublier.« Quand les souvenirs sont à propos de lui, ça me fait mal. Je suis arrivée à un point dans ma vie où je ne communique plus avec les autres, je ne me force pas. J'ai perdu la parole, comme j'ai perdu la personne la plus importante de ma vie. Et il s'en fiche, c'est comme que je ne comptais pas.
C'est douloureux.
Il m'a brisée le cœur que je ne pensais pas capable de ressenti autant d'émotions en l'espace de ces derniers mois. Il a brisé la partie de moi qui voulais être auprès de lui.
Quand je regarde par la fenêtre, je ne vois que la pluie s'abattre contre les carreaux. Zafrina danse sur de la musique contemporaine, elle a toujours été gracieuse pour cela. Ma petite sœur tente de me faire bouger, de me divertir et de me changer les idées en dépit de tout. Je n'y arrive pas, je ne suis pas prête à oublier tous ces moments passés avec lui. J'aimerais qu'il ait de la pitié envers moi et qu'il me regarde droit dans les yeux pour m'annoncer qu'il me libère de lui. J'aimerais que mon mail leur ami ait pitié pour moi, j'aimerais qu'il disparaisse de mes souvenirs, de la surface de la planète.
Malheureusement, mon cœur n'est pas de cet avis. J'ai beau faire tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas penser à lui, il revient néanmoins à la charge, encore plus fort, douloureusement.
Ma sœur éclate de rire quand elle tombe sur le tapis. Alex lève les yeux au ciel. J'ai les yeux perdus dans le vide, mon visage pétrifié. Je suis un zombie, mes joues sont creusées, mes cernes violets comme jamais. Je revois encore son sourire dans mon esprit. Ses yeux verts plongés dans mes yeux bruns.
Les larmes me montent rapidement aux yeux. J'ai besoin de réponses pour aller de l'avant, j'ai besoin d'être libérée de lui pour avancer mais tout ce que j'ai est son silence. Même la vérité serait moins douloureuse. Pourquoi est-il devenu ainsi ? Simplement cela.
Je fonds soudainement en larmes devant mon jumeau et ma sœur. Cette dernière s'arrête de danser et se précipite vers moi, inquiète, terrorisée. Je suis secouée par des larmes et e tremble de tout mon corps.
- Ça ira, tente-t-elle de me rassurer.
- Oui, parce que cela ne t'arrive pas à toi, craché-je entre des larmes.
Elle pince les lèvres sans savoir quoi faire ou quoi dire. Je n'étais pas ça avant, je n'étais pas cette fille qui pleure dans les bras de sa sœur. Maintenant, la fille que je suis devenue, je la déteste. J'aimerais tellement changer, revenir en arrière et changer un événement, n'importe lequel.
Il paraît que c'est mieux d'avoir des remords que des regrets et en ce qui me concerne, je suis faite de regrets. Si j'avais su, j'aurais fait quelque chose. Si j'avais cherché à venir chez lui avant qu'il assassine sa mère, tout cela ne serait pas arrivé. Je m'en veux.
C'est fou à quel point il parvient à me faire sentir coupable de ce qui se passe alors qu'il en est le seul responsable. Il me fait sentir comme si c'était de ma faute, comme si j'étais une erreur de la nature.
- Kate, je t'en supplie, arrête de pleurer. Pas pour lui.
Elle me serre fort contre elle, au point de me couper la respiration. Je ne réalise pas vraiment à quel point je lui fais du mal, je suis consciente que je propage la douleur autour de moi, mais je ne sais pas ce qu'elle peut bien ressentir. Je donnerai n'importe quoi pour qu'il soit à mes côtés en cet instant.
Mais la place derrière moi en mathématiques est vide. La place devant moi en français est vide. La place à ma droite en psychologie est vide. Tout est vide, ainsi que moi-même, il a fait le vide, le grand ménage. Il a tout emporté avec lui, il a pris la fuite.
Je ne sais pas pourquoi je ressens autant les choses. C'est mon meilleur ami, et pourtant, j'ai l'impression d'avoir perdu l'amour de ma vie. »Tu te souviens de ce jour-là ? Et bien je ne m'étais pas rendue compte que j'étais tombée amoureuse de mon meilleur ami. Je me voilais la face. J'ai toujours été amoureuse de lui, depuis le premier regard. Enfin, depuis le premier regard lorsque nous sommes rentrés dans l'adolescence. Mais j'ai développé cette amitié avant tout avec lui, puis j'ai oublié ce que je ressentais, j'ai tout caché à l'intérieur et quand il est parti, tout a surgit.
Je ne prenais pas conscience de cela. À ce moment de ma vie, je pensais que mon niveau d'amour pour lui s'étendait jusqu'à l'amitié, pas au-delà. Je me suis voilée la face pendant des mois sans savoir que je m'étais accrochée à lui comme une sangsue.
Je suis devenue dépendante de lui et parfois, quand tu tentes de faire une cure de désintoxication, tu ne peux pas continuer car tu es tellement drogué que tu ne peux pas.
Il est ma drogue. Celui qui me tient en vie. Me demander de me séparer de lui revient à me demander de me suicider. Tu vois, parfois il y a des personnes qui te marquent à vie. C'est ce qu'il a fait. Il est entré dans ma vie pour ne plus jamais en ressortir. Je n'ai pas cherché à trouver le chemin pour rentrer à la maison. Parce que j'avais trouvé ma maison, c'était lui. Tant que je suis avec lui, tout va bien.
Une fois, en cours de psychologie, on nous a demandé de décrire notre maison. Maintenant je me rends compte que je l'ai décrit lui, au détriment de ce que pouvaient penser les autres. Je l'ai décrit lui parce que je me voyais vivre avec lui. Je le connais par cœur. Je suis la seule à le connaître aussi bien, autant dans la folie que dans la joie, autant dans la colère que dans la haine, autant dans le crime que dans son côté angélique.
Vous n'aviez pas le droit de me demander de l'oublier, parce que je m'étais jurée de ne pas me tenir éloignée de lui.
Parce qu'aujourd'hui, je me suis promis qu'il n'y aura pas de lui sans moi, de moi sans lui. Et même avec tous les efforts que vous avez fourni, vous n'avez pas su nous séparer, peut-être jusque dans la mort. Je ne sais pas quel est encore mon destin au moment où je suis en train d'écrire cela mais je sais que ce sera toujours lui et moi.
Tu lis bien ? Lui et moi.
Je me fiche de ce que tu peux penser à ce moment, j'ai la rage. J'ai la rage contre vous parce que vous ne voulez pas mon bonheur. Mon bonheur, c'est lui.
Tu sais, Zafrina, tu comprendras quand tu trouveras cette personne.
J'ai l'impression d'être cruelle en écrivant toutes ces phrases mais je ne fais que relater la vérité, au grand jour. Je veux que tu saches tout, que tu gardes se souvenir avec toi pour toujours. Ne jette jamais ce carnet. Relis-le des centaines de fois si tu le désir, mais ne le jette pas.
J'ai hâte de partir. Je ne sais pas quand, mais j'ai hâte.
