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     Il y a quelque chose que tu dois savoir. Je ne suis pas blanche comme neige. Je suppose que tu dois te demander de quoi je parle.
     Tu verras, bientôt. Enfin, tu liras.
     Quand ils ont emmené Jérôme, je suppose qu'ils l'ont enfermé dans un bunker, ligoté à une chaise, surveillé par des dizaines de policiers. Il m'en a vaguement parlé de ce jour.
     Tu te souviens quand je suis rentrée en pleurant à chaudes larmes ? Et que je ne voulais pas dire ce qu'il s'était passé ? J'ai fini par craquer, comme tu le sais. J'ai dit que Jérôme était l'homme dans la voiture de police et qu'il a fini par se faire arrêter.
     J'ai vu vos regards, ils étaient soulagés du fait qu'il soit hors d'état de nuire. C'est ce que tout le monde croyait.
     Le fléau Jérôme Valeska était arrêté, la seule chose à craindre était la criminalité qu'il avait engendré, qu'il avait proliféré et rendu encore pire qu'elle ne l'était déjà.
     C'était ce que tout le monde pensait.
     Je ne mangeais plus, j'étais devenue une sorte de machine qui se levait à la même heure les matins pour aller en cours, qui rentrait le soir pour faire ses devoirs, se laver, manger un peu puis dormir.
     Jusqu'à cette soirée, où il y a eu une explosion. Nous avons tous entendu ce qu'était ce bruit. Personne n'en a jamais parlé à la télévision, ils ont juste évoqué une explosion faisant beaucoup de morts. En réalité, les autorités ne voulaient pas assumer le fait que c'était lui.
Que c'était la faute du Joker. Que son arrestation était un piège. Qu'il a montré la puissance dont il faisait preuve même lorsqu'il était enfermé.
Les autorités ne voulaient pas effrayer la population plus qu'elle ne l'était déjà.

     « J'ai dormi quelques heures, quatre maximum à cause de l'explosion. Parce que je sais que c'est à cause de lui. Qui peut faire exploser un hôpital sans même avoir la moindre pitié ? Tout le monde sauf lui.
     Les autorités disent que ce n'est accident mais je sais que cet acte était délibéré.
     Je ne sais pas comment il s'est pris pour échapper à la surveillance des policiers mais il est doué, tellement doué. Où est-il à présent ? Car je sais qu'il s'est échappé, c'est Jérôme Valeska, il ne reste pas enfermé bien longtemps.
     Les autorités disent aussi qu'il y a eu dix-huit victimes sur les centaines et centaines de personnes qui étaient admises dans cet hôpital. Encore une fois, il a réussi à mettre à mort des personnes innocentes.
     Le réveil est difficile, la réalité l'est encore plus.
     Quand je mets un pieds dans le premier bâtiment du lycée, je sens le regard des autres posés sur moi. Cela faisait une éternité que je les avais pas senti ainsi. J'ai l'impression que tout recommence comme avant. J'avale difficilement ma salive en évitant de les regarder, alors je baisse la tête vers le sol, regardant le bout de mes chaussures.
     Mais qu'est-ce que tu as fait, Jérôme ? me dis-je mentalement.
     Pour le moment, aucune personne est venue me parler et m'accuser des crimes qu'a commis Jérôme. Sauf que je parle bien trop vite. Un groupe de filles se dirigent vers moi en poussant tout le monde sur leur passage. Elles s'arrêtent devant moi et me dévisagent avant que l'une brune en tête du groupe ne prenne la parole.
- T'es au courant de ce qu'a fait Jérôme ? demande-t-elle.
     Je ne réponds pas, elle esquisse un sourire.
- Bien sûr que tu l'es.
- Qu'est-ce que vous voulez ? grincé-je des dents.
- Il faut que tu le dénonces. Il faut que tu dises où il se cache, Katerina, prend la parole une autre fille.
     Suis-je en train de rêver où les gens comprennent enfin que je ne suis pas responsable des actes de mon meilleur ami ? Mais comment le dénoncer ? Il est imprenable ! Il trompe tout le monde, même Batman. Comment le stopper ?
     Le seul moyen serait donc la mort ?
     J'ai déjà essayé de le stopper mais j'en ai payé le prix en perdant mon frère. Comment puis-je faire à présent ? Je n'ai plus personne vers qui me tourner.
- Tu dois le dire à Batman. Il fait des dizaines et des dizaines de morts.
- J'ai tenté de l'empêcher de nuire mais c'est impossible. Il est trop fort.
- Je t'en supplie, essaye de nouveau, m'implore la brune.
     Elle a les larmes aux yeux.
- Il a tué ma cousine.
- Je suis tellement désolée, secoué-je la tête. Mais je ne peux rien faire.
     C'est vrai, je suis inutile, incapable de les aider sans en payer le prix. Je n'aurai pas de seconde chance, un autre joker, il n'y en a qu'un et je l'ai déjà utilisé. Je me retourne sans lui jeter d'autre regard pour rejoindre mon premier cours.
     J'aimerais tellement l'aider, venir en aide à tous ceux qui ont été blessés par Jérôme. Je me sens coupable même si ce n'est pas de ma faute. Comment en finir avec tout cela ? Est-ce possible de pouvoir le résonner ?
     Je suis incapable de me concentrer sur mon travail depuis vingt-cinq minutes déjà puisque je pense aux paroles de la brune. Quelqu'un de sa famille est mort à cause de mon meilleur ami. Suis-je censée être d'accord avec tout ce qu'il fait ? Comment puis-je l'aimer avec tout le désordre qu'il provoque ?
     Je me dégoûte pour l'aimer. Comment peut-on aimer un type comme lui ? Je veux me défaire de cette émotion sauf que d'un autre côté, je ne veux pas du tout m'en défaire. Parce que je l'aime du plus profond de mon cœur, comme jamais, comme personne n'a jamais aimé quelqu'un.
     Est-ce possible de pardonner ses fautes ? Est-ce possible de continuer à l'aimer tel qu'il est devenu ? 
     Le silence glacial de la classe sans compter le son de l'horloge me fait frissonner. Je jette des coups d'œil sur les côtés en remarquant que les autres sont tous concentrés sur leur exercice. Et moi je les contemple, le regard vide, l'esprit complètement perdu.
     Soudainement, un bruit sourd se fait entendre provenant hors de la salle. Encore et encore. Comme quelqu'un tirant sur une autre personne. Au début, nous croyons tous au volume d'un film bien trop fort provenant d'une salle voisine, jusqu'à ce que nous entendons des hurlements, ces derniers étant bien réels.
     Personne ne bouge avant que la panique nous gagne les uns après les autres. Que se passe-t-il ? Le bruit des armes à feu continuent de fonctionner jusqu'à ce que nous entendons des pas se diriger vers nous. La prof n'a pas le temps de fermer la porte à clé qu'un homme défonce la porte, arme levé vers le plafond.
     Habillé de noir et portant une cagoule, il nous regarde, nous, les élèves effrayés et recroquevillés au fond de la salle. Je suis cachée par un type bien plus grand que moi et je peux sentir sa cuisse trembler contre la mienne. C'est normal d'avoir peur, je suis terrifiée à vrai dire.
     Nos allons tous mourir. Un terroriste vient nous assassiner et nous allons tous mourir, chacun d'entre nous. Un autre type habillé de la même manière que lui débarque dans la salle
- Nous ne sommes pas venus vous tuer. Nous sommes à la recherche de quelqu'un. Une fille, dit-il clairement.
     Il y a long silence pendant lequel je pourrais entendre le cœur de chacun de mes camarades de classe battre.
- Est-ce Katerina Milles est ici ?
     Je me fige, de glace. Ai-je bien entendu ? Ces types ne peuvent être amis qu'avec Jérôme, impossible qu'une autre personne que lui soit à ma recherche. Alors c'est ça qu'il s'obstine à faire ? À essayer de m'enlever quand ça lui plait ? Je suis étonnée qu'il ne soit même pas présent, lui qui aime tant se montrer en spectacle.
     Je suis étonnée que personne ne me dénonce. Du moins, pas encore.
     Une troisième personne débarque et passe devant les deux hommes en noir, couteau à la main. Je réalise que le meilleur est pour la fin. Je réalise que pour lui, se montrer en dernier est toujours mieux que de se montrer premier.
     Jérôme fait une révérence avant de retirer sa cagoule noir, dévoilant un monstrueux sourire que tout le monde connaît sur le bout des doigts. Il sourit sans se forcer avant de monter sur le bureau de la prof, cette dernière étant recluse dans un coin de la salle, à l'opposée de nous.
- Kate, montre-toi ! s'exclame-t-il d'une voix joyeuse.
     Je suis terrifiée de me montrer. Une main me retient par le poignet quand je tente de faire un pas. Je ne reconnais pas la personne mais je sais que c'est un garçon.
- Allez ma beauté, je sais que tu es ici.
     Jérôme donne un coup de pieds dans le pot à crayons qui vole s'écrase contre la fenêtre. Ensuite, il prend une craie et tire un trait du début à la fin du tableau, provoquant un son strident qui nous fait mal aux oreilles. Le tableau de cette salle est le plus vieux de tous, il est abîmé et quand nous appuyons trop fort, voilà ce que cela provoque.
     Jérôme passe sa langue sur ses lèvres avec quelques mimiques qu'il n'avait pas avant.
- Montre-toi sinon je vais finir par me fâcher, sourit-il sans vraiment sourire cette fois.
     Je ne peux pas le laisser s'emporter, je dois me montrer avant qu'il ne fasse du mal aux autres. Je ne veux pas être responsable de ce qui peut arriver.
- Montre-toi ! hurle-t-il si fort, que des gens sursautent autour de moi.
     Secouant la tête, je me glisse hors du groupe que nous avons formé mes camarades et moi, me dévoilant à lui. Son visage prend soudainement une expression plus positive après celle négative et un large sourire fend son visage.
- Ah te voilà !
- Je suis là.
     Tout serait parfait s'il n'était pas ainsi, s'il n'était pas un meurtrier. Pourquoi ai-je attendu si tard pour lui avouer ce que je ressentais ? Pourquoi n'ai-je pas réalisé que je l'aimais depuis toujours ? Tout cela ne serait sûrement pas arriver et le jour n'aurait pas fait place à la nuit.
     Il saute du bureau en tendant les bras à l'horizontale. S'approchant de moi à grands pas, je recule puis le repousse avant de croiser les bras, évitant son regard vert. Jérôme ne comprend pas ma réaction. Je me fiche de nous donner en spectacle, je veux juste qu'il s'en aille.
- Je te cherchais. Maintenant, tu vas venir avec moi.
- Laisse-moi tranquille.
- Tu fais de la résistance ? Ce n'est pas une bonne idée, Kate.
     Les deux hommes en noir braquent leur arme sur les camarades de classe.
- Non, arrête ! m'écrié-je. Je viens avec toi. Je viens mais ne fais rien à ma classe. Je t'en supplie.
- Comme tu veux, hausse-t-il les épaules.
     J'ai du mal à croire à sa coopération, cela me parait bien faux, même envers moi.
     Jérôme sort rapidement une arme de l'arrière de son jean avant de tirer deux fois, une balle pour chacun des deux deux hommes tout en tournoyant sur lui-même. Les gens poussent des cris autour de nous, certaines filles pleurent de frayeur tandis que du sang vient éclabousser mon visage.
     Je regarde le sang s'étaler sur le sol blanc, figée dans l'horreur et la terreur.
- Tu m'as demandé d'épargner la classe mais tu n'as rien demandé pour eux.
     Mon meilleur ami éclate de rire avant de me prendre par la main et me tirer. Je me vois obligée de marcher et de fuir avec lui quand nous entendons le bruit des sirènes au loin. Nous grimpons dans la voiture et il démarre comme une cartouche, comme l'autre jour. Je suis plaquée contre le siège tandis qu'il sort une arme de la boîte à gants. J'écarquille les yeux par la taille du fusille.
- Ça va swinguer ! dit-il.
     Jérôme tire par la fenêtre en direction des voitures de police. Par chance, il crève les pneus des véhicules. Nous filons aussi vite que le vent, prenant des routes bondées de monde, nous dispersant comme si nous étions de simples personnes.
     Mais rapidement, ils reviennent en force et se faufilent entre les voitures pour nous poursuivre. Cette fois, Jérôme sort de la poche une grenade et la dégoupille.
- Ça va faire boom ! éclate-t-il de rire.
     Il la lance par la fenêtre et elle explose derrière nous, cette fois nous laissant l'opportunité de filer sans être suivis. Je m'accroche à mon siège en fermant les yeux, priant pour que tout cela ne soit faux et au final, je finis par m'évanouir, trop effrayée, bouleversée pour continuer à rester consciente.
     Quand je me réveille, je cligne des yeux plusieurs fois, morte de fatigue. Il fait nuit et je me trouve couchée sur un lit, dans une chambre aussi grande que la mienne. La température est moyenne tandis que l'atmosphère me semble agréable.
     Je ne mets pas deux secondes avant de me souvenir de ce qu'il s'est passé précédemment. L'école, le sang, la poursuite et mon évanouissement. Où suis-je à présent ?
     La lumière me pique soudainement les yeux et je cache ces derniers de mes mains avant de m'habituer à l'éclairage brutale.
- Une revenante ! rit Jérôme.
     Son sourire est toujours aussi grand, sa façon d'être opprime mon cœur qui se resserre au point de me faire mal. Ses cheveux sont plus roux que la dernière fois que nous nous sommes vus tandis que ses yeux sont remplis d'un quelque chose dont je ne peux décrire. Je me mets sur pieds immédiatement, essayant de lui faire face du mieux que je peux.
     Depuis combien de temps est-il ici à me regarder dormir ? C'est flippant. Même de sa part.
- Pourquoi suis-je ici ?
- Je voulais te revoir.
     Je plisse les yeux en ouvrant grand la bouche avant de lui envoyer un livre en plein visage. Il se masse le nez en fronçant les sourcils.
- Aie ! fait-il. Pourquoi t'as fait ça ?
- T'es qu'un monstre, Valeska ! Tu as tué dix-huit personnes à l'hôpital et deux aujourd'hui juste pour ton plaisir et tu prétends vouloir me revoir ? Après avoir fait exprès de te faire prendre en te servant de moi ? Va te faire foutre, espèce de monstre ! Si tu voulais me revoir, tu ne porterais pas ce masque du Joker, pas avec moi ! Mais une double personnalité, cela ne se contrôle pas, d'après ce que je vois.
     Il perd son sourire et nous nous regardons sans un mot. Son visage redevient peu à peu celui de la personne qu'il était avant. Ce changement brutal de son expression m'indique que j'ai raison, il possède une double personnalité. Ou il essaie de me le faire croire.
     J'ai vraiment l'impression de le retrouver, comme avant. »

Et là ma sœur, tu assistes au moment le plus épic de l'histoire.

« En deux secondes je le retrouve et j'ai bien envie de lui sauter dans les bras mais je ne sais pas s'il se joue de moi ou non.
- Il faut qu'on parle, soupire Jérôme. De l'autre jour, de ce que tu as dit à propos de ce que je ressentais pour toi. Et ce que tu ressens pour moi.
- Je croyais que tu te servais de moi.
- Non, c'est faux. Jamais. J'ai dit ça parce que je ne voulais pas entendre ce qui était évident depuis le début.
Et il sait depuis toujours mais il n'a jamais rien dit. Il m'a regardée l'aimer sans même savoir moi-même que je le faisais. Depuis tout ce temps, il savait.
- Je suis désolé de t'avoir blessé, tu sais. Je suis désolé pour tout, mais c'est moi maintenant.
- Tu es devenu dingue.
- Dingue de toi.
- Arrête tes blagues vaseuses et reste sérieux, dis-je aussi sèchement que possible.
Jérôme se calme alors et reste comme celui qu'il était auparavant. Combien de temps va-t-il encore tenir avant de redevenir celui qu'il est devenu ?
- D'accord, tu veux la vérité ? Je t'aime. Je t'aime, je te le jure.
J'en perds la parole.
- Je t'aime, c'est vrai, je t'aime trop. Mais j'aime aussi ce que je fais, j'aime le chaos presque autant que je t'aime toi. Je t'aime comme un fou, je lutte contre ça chaque jour. J'essaie de ne pas venir t'espionner mais j'en suis incapable. Alors c'est vrai, je suis dingue de toi, ma parole, je t'aime depuis toujours.
Il se rapproche de moi. C'est lui, c'est exactement le Jérôme Valeska d'autrefois. Jay a le même regard qu'avant, la même expression, le même sourire. Comment peut-il être lui et le Joker en un ? Comment peut-il avoir une double face ? Malgré ses crimes, ses atrocités, ses actes, je ne pourrais jamais cesser de l'aimer. C'est tellement fort.
Jay pose sa main contre ma joue avec un faible sourire. Le contact de sa peau contre la mienne est apaisant.
- Je t'aime Katerina Milles. Je t'aime toi, toi et toi. J'ai mal quand tu es loin de moi.
- Si seulement je pouvais te croire, murmuré-je tout bas.
- Tu peux me croire.
Je l'interroge du regard et il plonge soudainement ses lèvres contre les miennes d'une force incroyable et d'une douceur à la fois apaisante. Je ne pensais pas pouvoir l'embrasser un jour, pas après ce qu'il est devenu. Et à ce moment, je sais que je peux le croire.
Il ne fait pas semblant, il ne porte pas de masque, pas cette fois.
Plus aucune barrière nous sépare, plus rien ne se met en travers de notre chemin, pas même les vêtements qui tombent au sol les uns après les autres.
Jérôme croise ses doigts avec les miens, les serrant au plus fort. Peau contre peau, chair contre chair.
Nous ne faisons qu'une paire. Je suis l'as de son cœur bien que le Joker n'est pas censé avoir le cœur à ressentir de l'amour pour une personne. »

Je ne vais pas te faire un dessin de ce que nous avons fait, je crois que tu as compris. Et je crois même que tu es dégoûtée. Mais c'est la vérité.
Il a dit qu'il m'aimait. Tu te rends compte ? Ça représentait tout pour moi, j'étais quelque chose, je ne me sentais plus seule.
Ça représente beaucoup pour moi. Alors même si tu me détestes, ne dis pas qu'il ne m'aimait pas, parce que c'est faux. Tu le sais aussi bien que moi.
Arrête-toi dans ta lecture si tu le souhaites. Fais une pause, la suite n'est pas du gâteau.

psychotic loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant