1. Melvin Meyer

Chapitre 35

Allya

Melvin ne m'a jamais répondu quant à ce qu'il s'est vraiment passé mercredi soir. J'ai été tellement dégoutée de savoir ce qu'il m'a obligé à faire, ou de ce que j'ai fais toute seule comme il l'a prétendu, que j'ai cru pendant dix minutes que je n'allais jamais réussir à descendre dîner par peur de vomir. Melvin a vraiment fait ça ? Je ne peux pas croire cela de lui, bien que je sois quand même en train de me dire qu'il est capable de ce genre de choses. Parce que les trois quarts des sorties qu'il propose aux filles, soit il les oublie, soit il fait exprès de ne pas revenir.

Je me rends compte que ce que m'avait dit l'un des jumeaux devient logique. Melvin est un mec qui n'a aucun sens, parce qu'il fait toujours comme bon lui semble, même si cela doit signifier, faire mal aux autres. Le problème, c'est qu'Alexandre avait spécifié, sur le coup de l'ironie certes, mais il l'avait quand même dit, que coucher avec Melvin, ça ne s'oublie pas. Avait-il ôté le fait qu'une gueule de bois peut changer bien des choses ? Les lendemains de soirées, les conversations principales sont tournées sur la veille, peut être parce que dans un sens, on essaye tous de s'assurer que la soirée était aussi géniale qu'on ne pouvait le penser. On veut se souvenir des choses, si on les a oublié à cause de l'alcool. Je reste cependant butée sur les mots d'Alexandre : le faire avec Melvin, ça ne s'oublie pas. Il l'a dit, pourtant. J'ai tout oublié.

Réfléchis Allya, dit le Melvin de mon esprit. Si tu l'as oublié, tu sais ce que ça veut dire.

Sauf que non, Mel, je ne sais pas. Et je comptais justement sur toi pour m'éclairer.

Le pire, ce n'est pas d'ignorer tout ce qu'il a bien pu se passer mercredi, et le fait que Melvin ait refusé de me répondre. C'est ne pas savoir pourquoi je ne suis pas aussi énervée que je ne devrais l'être. Je me dégoûte sans doute beaucoup trop pour cela, ça finira bien par me retomber dessus, si ce n'est pas déjà le cas.

Je suis rassurée de voir que je suis moins mal que je ne le pense, jusqu'à ce que l'odeur du gratin émane de la cuisine pour venir me chatouiller les narines. Drace est descendu en même temps que moi, sans me prêter attention, mais cela ne m'a pas empêché d'apercevoir ses joues crasseuses de larmes et son teint blême. Il s'est installé en face de moi à table, toujours sans me regarder.

Nous avons attendu une vingtaine de minutes sans voir notre mère arriver avec le dîner. Au bout d'un moment, Drace se laisse aller contre le dossier de sa chaise et croise les bras. Melvin était avachi de la même façon dans le canapé de chez Jasper, lors de la première soirée. Son agacement et son impatience se lisent sans mal sur son visage. Je n'ose même pas ouvrir la discussion. Voyant son expression, je dirais qu'il est prêt à me sauter dessus à tout moment pour m'étrangler. Pourquoi est-ce que je vois Melvin à travers lui, maintenant ?

- Pardon, je suis là.

Maman arrive dix minutes plus tard avec le plat entre les mains. Elle a un beau sourire.

- Tu f'sais quoi ? dit Drace d'un ton presque inaudible qui démontre clairement son indifférence.

- Une amie m'a appelé. De notre ancienne ville.

Elle s'assoit à côté de moi. Je crois que la proximité avec Drace commence à lui faire un peu peur à cause de son tempérament ombrageux. Le début du repas se déroule dans le silence complet. Finalement, maman pose ses couverts dans son assiette et croise les mains.

- J'ai à vous parler les enfants.

Si elle attire directement mon attention, Drace ne prend même pas la peine de lever sa tête. Je lui donne un petit coup de pied discret sous la table et il pose des pupilles noires de haines dans les miennes. Cette fois ci, je l'ignore et lui rend son regard.