Chapitre 49

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Valentin

J'attends mon père sur le pas de la porte de sa chambre.

Il doit être six heures du matin, pas plus.

Je n'en donne pas l'air comme ça, mais j'suis littéralement épuisé.

J'dors plus depuis ce qu'il s'est passé.

Et à cause de qui? De Melvin Meyer, sans aucun putain de doute.

Mon visage est blême et mes yeux caves, mais je sais que je renvoie toujours la même image. C'est ça, d'avoir le contrôle. Je n'en dirais pas autant d'autres. À croire que rien ne peut ébranler mon masque. D'ailleurs, je crois que personne n'a ce pouvoir. Presque personne.

Le temps a fortifié ce bouclier.

Presque personne, à part, peut être, lui. Ce petit enfoiré.

Depuis que l'argent a disparu, j'me noie dans l'ombre de ma propre colère. Cette sensation de ne dépendre de rien d'autre que de ma haine, c'est rassurant. Mes gars n'ont pas osé venir sonner à ma porte. Ni hier, ni les autres jours. Non, j'ai simplement reçu un millions de notifications, un millions de messages, et je n'ai répondu à personne. Ils savent où j'suis, ils savent pourquoi je réponds pas. Ils le savent tous, alors bordel qu'ils me foutent la paix.

Mon père émerge enfin de sa chambre, entièrement sapé de son habituel costard impeccablement repassé et d'une cravate rouge, prêt à partir au boulot. Je referme lentement la porte derrière lui et m'y adosse, les bras croisés. Il m'entend et se retourne vers moi, étonné:

- Oh. Déjà debout fiston ?

Je glisse une clope entre mes dents en sifflant doucement, croise mes jambes, debout contre la porte et rabat mes cheveux blonds qui ne sont, ce matin, recouvert d'aucune plaque de gel, sur le haut de mon crâne. Je soupire.

Fiston. C'est dégoulinant d'hypocrisie. Pathétique.

Ah putain, je déteste ces surnoms à la con.

Il immobilise la main qui remet sa manche en place et fronce les sourcils. Ah ça y est, il a capté que quelque chose n'allait pas. Comme prévu, il ne s'attend pas du tout à ce que je m'apprête à lui dire.

Sans un mot, je le devance et me dirige vers la cuisine. Quand je prends les devants comme ça, il sait que c'est parce que j'ai un truc à lui dire. Il prépare son café du matin, obsédé par ses habitudes à la con. Toujours le même café, où il met double dose de caféine pour être prêt à affronter ses journées de boulot trop chargées dont il ne se plaint jamais quand j'suis là. Je m'assois sur le bar et le sonde des yeux.

C'est le bordel dans ma tête. Bien plus que je ne le pensais.

Pourtant, alors que je le regarde et que j'envisage la manière dont je vais pouvoir lui causer sur tout ce qui bouscule mon esprit, je me rends compte que tout semble se remettre peu à peu en ordre.

Il est affairé à sa tasse de café sans me regarder, et je peux quand même sentir sa nervosité de là où je suis. Ça, c'est mon pouvoir. J'dis rien, j'vais attendre qu'il parle.

Au bout d'un long moment, il se racle la gorge:

- Alors ? Que voulais tu me dire de si important pour te lever aussi tôt ?

Je ne lui réponds pas tout de suite, prenant un malin plaisir à le regarder siroter sa tasse avec un regard nerveux. Je ne parle pas beaucoup à mon père, mais quand ça arrive, nos discussions sont toujours sérieuses et bases de nos problèmes. Au bout de deux minutes, je mets fin à sa torture.

1. Melvin Meyer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant