Chapitre 55-1

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C'est là que tout va basculer. Je viens de créer l'apocalypse. Dans ma tête, entre nous.

Il vérifie que je suis bien sérieuse en me détaillant du regard et je vois vaguement ses pupilles qui bougent de gauche à droite, de haut en bas. Puis il se relève lentement, passe sa main le long de sa mâchoire, un sourire planté au coin de sa lèvre.

- T'es sérieuse ?

Si je suis sérieuse ?

Sa voix est sombre, j'ai du actionner le mauvais interrupteur. Mais qu'est ce que j'ai foutu ? La vérité est avouée, mon coeur en est dérangé. Je le sens cogner maladroitement contre ma poitrine. Jame, Jame. Je pourrais dire n'importe quoi Melvin, c'est ça le problème. Je pourrais vraiment dire n'importe quoi pour toi. J'hoche la tête, gênée, préférant m'enfoncer que de remettre en cause mes paroles. Si je reviens en arrière, ce sera pire. Je ne veux pas entendre la réponse, ni voir sa réaction.

- Tu...

- Non. Écoute, écoute moi.

Il lève les mains, je me tais instinctivement. C'était une très mauvaise idée, je me suis plantée tout le long c'est une évidence. Mon coeur l'a compris, il bat à m'en faire mal, et mes yeux se remplissent de larmes.

- Je n'aime personne, Allya, lâche t-il en haussant le ton.

Comme la brise du vent qui s'infiltre doucement sous la porte, la glace de l'hiver s'imprègne de mon corps. D'un coup en moi, tout durcit, tout est de pierre, comme s'il n'y avait jamais eu de coton et de soie. Je ne sais pas comment, ni pourquoi spécifiquement, mais à l'instant même où il dit ça, je me retrouve sur lui à le frapper de toutes mes forces. Mes poings s'abattent sur toutes les parties de son corps qu'ils peuvent atteindre. Il qui tient le coup, appuyé sur ses deux jambes, alors je le frappe plus fort.

- Putain mais alors pourquoi tu me fais tout ça ?!

Dans ma tête, les images défilent à une vitesse hallucinante. Les aiguilles se remettent à l'heure, les cadrans se referment. Je prends conscience de ce qu'il se passe vraiment, maintenant que le déclic s'est enclenché, et me rappelle de tout. Sur le toit, contre l'arbre, dans la cave. Ses mots, ce sont surtout ses mots que j'ai encore en travers de la gorge. Et la voilà obstruée par une gêne inexplicable. Le regret peut être, et quelque part, la tristesse.

Ses caresses, son foutu "je veux juste te montrer". Ce désir si ardent, qui me prend à chaque fois qu'il est là. Ses yeux qui me sondent et son regard qui me cloue sur place. Ses lèvres, si fines, et si douces. Ses mains, si habiles. Et ses paroles, ses moqueries. Ce ton voluptueux, et puis.. tant de choses, en fait.

Mais ce sont les trésors d'un joueur, du plus vil de tous les joueurs. Oh oui un joueur. Un plateau, des pions, des cartes à tirer. Il voulait juste s'amuser, c'est la raison la plus plausible. C'est tombé sur moi. Ce sont des brides de souvenirs qui se détachent de mon esprit et forment une farandole entre eux, comme ça, perdus dans le temps, que j'aimerais simplement oublier. Là. Tout de suite.

Si c'est possible.

Si c'était possible.

Ce ne sont que des claques qui atterrissent sur ses bras et sur ses épaules. Il m'attrape doucement par les poignets, je me souviens de la fixette que j'ai fais sur ses doigts, sur sa main..;

- Putain, mais pourquoi tu m'as fais espéré ?

- Allya.

Il tremble de la voix, mais je m'en fiche de sa voix. De ce ton calme, presque sensuel,... Comment il peut prononcer mon nom comme ça.

1. Melvin Meyer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant