Chapitre 55

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Allya

J'ai du mal à circuler à travers la foule. Une fois sur deux, je tombe sur quelqu'un que je ne connais pas et qui ne semble pas faire parti du lycée. La plupart sont déjà bourrés, incapables d'aligner deux mots. La bande est resté campée sur les rochers près de la mer. Je les rejoins, prenant bien soin de ne pas m'asseoir près de Melvin. Il est à côté de Jérémy qui s'enfile joint sur joint. Contrairement à son pote, Melvin a l'air de tenir le coup. Son visage est toujours détendu, ses yeux pleins de lucidité. Il ne me voit pas le regarder. Au loin, le soleil est en train de se coucher, il n'est pas encore vingt trois heures. Le rouge, le rose et l'orange se mélangent dans le ciel, les trois couleurs traversées par un faisceau lumineux qui transperce les nuages. Melvin au crépuscule, comme Piapre dans le feu de Pompei. Pourquoi je ne peux m'empêcher de sourire ? Parce que c'est impossible de ne pas sourire. C'est comme un enfant qui voit un diamant pour la première fois. Ses yeux rieurs se mettent à briller.

Je détache mes yeux du bronze de sa peau pour m'intéresser à la conversation entre les filles. J'aime cette idée que nous puissions très bien cohabiter l'un à côté de l'autre sans avoir besoin pour autant de se parler, de se voir. Il sait que je suis là, et je sais qu'il est là.

Soudain, un bruit déchirant explose dans mon dos. Je sursaute violemment et me retourne. Une fumée blanchâtre a recouvert la foule. Les gens s'écartent, certains sautent même dans l'eau. Quand tout le monde réalise ce qu'il s'est passé, un tonnerre d'applaudissements et de cris déchire l'atmosphère.

- Un pétard quatre-vingt douze décibels comme on les aime ! , s'écrie Vicktor.

- Qui les fournit ?, lui demandais-je.

- C'est moi.

Je découvre qu'ils ne sont pas seulement des organisateurs de soirées, mais bien plus que ça. Ce sont eux qui mettent l'ambiance, qui dirigent les étudiants et qui pimentent leur soirée.

La bande participe à la joie commune. Mon coeur cogne comme un taré contre ma poitrine.

Une étrange sensation s'imprègne de moi. Quelque chose que je n'ai ressenti qu'une fois depuis mon arrivée à Vallen. Le soir à l'horlogerie quand je me trouve vingt-deux étages au-dessus du vide. Je devais avoir peur, réaction normale. Mais c'était pire que ça. J'étais terrifiée et j'aimais ça. En fait c'était mieux. L'adrénaline.

Je tourne ma tête vers Melvin. Il me fixe, les yeux brillants à cause de la clope qu'il est en train de fumer. Je pourrais presque voir la braise brûler au fond de ses sombres prunelles. Nous nous trouvons à quelques mètres, assez loin, mais c'est comme s'il était tout près. C'est comme si je pouvais sentir son souffle chaud contre ma nuque, ses bras qui m'encerclent et me protègent, sa main sur ma hanche, l'odeur de ses cheveux alors qu'il pose sa tête sur mon épaule... comme l'autre soir.

Jeff et Dean reviennent tout sourire vers nous. Ils détournent mes pensées de Melvin. Ils portent sous leur bras un bagage important de pétards, fumigènes ou autres conneries du genre encore sous plastique. J'aurais du me douter qu'ils étaient la source de toute cette merde. Apparemment, la fête dite privée profite à beaucoup d'autres gens en dehors du lycée. Justement, la moitié de la plage s'est réunie autour de l'énorme feu de camp qui a pris des proportions disproportionnées.

- On va aller se faire griller quelques trucs à bouffer, tu nous accompagnes ? me propose Jeff en criant presque dans mes oreilles pour couvrir le bruit de la musique.

Je jette un coup d'oeil à Melvin qui est resté assis sur les rochers à l'écart des autres. Ses yeux sont rivés sur la mer, perdus à l'horizon. La tentation est bien trop bonne.

1. Melvin Meyer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant