Chapitre 44

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Drace

Tu sais, parfois, il faut juste affronter. Parce que sinon, rien ne change.

Et si rien ne change... on continue de s'accrocher. Ça commence à faire mal aux bras au bout d'un moment, non?

Melvin, si je le pouvais, je t'écouterais nuit et jour te balancer ces paroles que je trouvais médiocre avant. Mais quand c'est toi qui les prononce, grand frère, c'est tellement différent.

Si tu savais.

Ce soir, je ne peux plus attendre. J'essaie en vain de me sortir Ellen de l'esprit mais cette petite garce est impossible à oublier. Je suis arrivé à pas feutré devant l'énorme demeure de Valentin, apparemment déserte.

Bordel, c'est encore plus grand que la dernière fois. Ma maison à côté a l'air franchement ridicule. La façade est comme celle de Melvin, absolument immense et l'éclairage extérieur qui l'éclaire lui donne un air effrayant. Seulement, cet endroit sera mon tombeau et pour dieu seul sait quelle raison, j'en suis certain. Si ce n'est pas aujourd'hui, alors ce sera plus tard.

Sans un bruit, je me faufile sur le côté en longeant les hautes haies qui entourent le jardin. La trappe par laquelle je dois passer de l'extérieur est normalement ouverte, mais si ce n'est pas le cas, Melvin m'a dit de passer par la façade. C'est à dire qu'il faut que je l'escalade, et que je retourne ensuite au rez-de-chaussée pour atteindre la cave. Je connais le chemin pour l'avoir déjà fait plusieurs fois, mais il faisait jour. Là, il fait nuit. Tous les monstres les plus dangereux sont réveillés la nuit. Valentin est du matin, mais cela ne l'empêche pas de s'endormir parfois au lever du jour. Je le sais, parce que c'est Melvin qui me la dis. Il a bien insisté sur ce point là et m'a dis de faire attention aux premiers rayons du soleil. Dès qu'ils se pointent, je dois avoir déserté, avec ou sans l'argent.

J'arrive devant la trappe et tire un bon coup dessus. Jurant à voix haute en entendant qu'elle est fermée, je me sens déjà prêt à abandonner. Si je dépasse le bout du couloir, Valentin pourra me choper à n'importe quel tournant. Je fais deux pas en arrière pour évaluer la hauteur jusqu'au premier étage. C'est pas trop haut mais reste à savoir si la fenêtre du haut est ouverte.

Tant pis, bordel. Tant pis.

D'un geste habile, je monte sur deux grosses bassines remplies d'eau fermées par des couvercles, avant de saisir la première grosse branche, la plus proche au-dessus de ma tête pour me hisser dessus. Je fais un faux mouvement et manque de tomber. À ce moment là, j'imagine la seule personne qui pourrait me sortir de cette merde, comme si j'étais sur le point de crever. Melvin.

Ça m'fait chaud au coeur de savoir qu'il serait déjà en haut. Si Valentin pense un jour à l'attraper, ce qui me fait rire, c'est que je sais qu'il n'y arrivera pas. Melvin c'est un héros. Le mien, je crois.

Respire Drace.

La branche émet un sinistre craquement et je m'empresse de rejoindre le bord.

Bordel de merde. C'est flippant d'être aussi près du vide. Qu'est ce que ça veut dire, ça? J'suis pas en haut d'un gratte-ciel non plus.

Alors je me rends compte de ce que ça signifie. Drace, beaucoup de gens ont peur de mourir.

J'ignore pourquoi une fois de plus, les paroles de Melvin résonnent dans mon esprit. J'aimerais lui crier d'arrêter de faire secouer mon coeur alors que je suis en plein milieu d'une mission suicidaire, mais je crois qu'au fond, il n'y est pour rien. Je ne fais que dire une vérité.

1. Melvin Meyer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant