Chapitre 5

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Melvin

Je reste complètement neutre devant Quentin, ce flic. Puis ma mâchoire se crispe doucement. Pris comme un poisson dans un filet. Mieux vaut que je ne parle pas si je vais lui balancer ma façon de penser à la gueule. Il n'aimera pas.

- Bonjour les jeunes. La voiture qui est garée en plein mil-...

- Elle est à moi, l'interrompt soudainement Allya.

J'arque mes deux sourcils, la tête légèrement relevée en arrière, les mains dans les poches. Depuis quand elle a le cran de se dénoncer aux flics, elle ?

Mais c'est moi que Quentin dévisage en plissant les paupières, les lèvres pincées. Il regarde ensuite Allya, qui baisse les yeux. Donc elle a oublié ce que je lui ai dis. Heureusement qu'il n'ai pas venu avec.. merde, non. Autant que je ne pense même pas à lui.

- Allez la garer ou la mettre ailleurs au plus vite. Ca ira pour cette aujourd'hui mais la prochaine fois, nous serons obligé de vous sanctionner, vous bloquez toute la route.

Allya hoche la tête, docile. Elle a une bonne réaction. Je n'aime pas les flics mais ils ne font que leur boulot. Je ne peux pas leur reprocher ça. Elle se tourne vers moi, ayant décidément bien envie de partir. Le truc, c'est que j'ai encore un truc à régler. Je commence à avoir froid et je la vois s'attarder sur les frissons qui recouvrent mes deux bras. Je regarde Quentin, qui me dévisage et lui jette un de mes regards les plus sombres.

- Vas-y, fis-je calmement à l'adresse d'Allya. Je vais te rejoindre. Je dois parler à Quentin.

Elle semble hésiter mais finit par s'éloigner. Je reste un instant immobile, histoire de vérifier si je ne sens pas sa présence entre les arbres. Elle serait capable de m'espionner, cette fille. Puis une fois certain, je m'avance vers Quentin et m'arrête à quelques centimètres de son torse. Il n'est pas question de l'impressionner, non non. Je sais pertinemment qu'elle est ma place et qu'elle est la sienne. Je veux me comporter comme un adulte avec eux, comme je l'ai toujours fais.

- Comment vous m'avez retrouvé ?

Ma voix est plus froide que je ne l'aurais pensé. Oh et puis, putain, je n'en ai rien à foutre. Flic ou pas, savoir que je suis traqué comme un chien fou me prend la tête. Ils n'ont pas besoin de tout savoir de moi.

- Tu es surveillé Melvin, me rappelle gentiment Quentin. Tu sais, après ce qu'il s'est passé la dernière fois... Ne l'oublie pas. Là ou tu es, nous sommes là aussi.

Je mets mes mains dans mon dos, pour me rassurer moi même. Je prends sur moi, je ne pète pas de câbles, je ne veux pas m'en prendre à eux. D'autant plus qu'ils sont armés. Eux ne me font pas peur, mais le flingue à leur ceinture a le don de me tordre les boyaux.

- C'est une violation de ma vie privée, répliquai-je.

Et là, ils se marrent et se foutent ouvertement de ma gueule. Quentin explose littéralement de rire.

- Pourquoi tu es gêné ? Ce n'est pas la première fois qu'on te prend en train de déflorer une fille, rétorque gentiment Quentin pour me titiller.

- Je ne lui ai rien fais.

- Tu n'es plus avec l'autre.. là ? Attends, c'est quoi son nom. Alma. Alma, c'est ca.

Je garde les poings serrés et le silence. Mais alors s'ils partent sur ce sujet, ça va dérailler obligatoirement. Quentin et son collègue, que je ne connais pas, sont comme tous les autres flics à mes yeux. Ils exhibent leurs gueules d'anges devant leur patron et les gens quand il s'agit de sauver autrui et d'apporter leur aide mais avec les gars comme moi, je n'ai jamais vu pire hypocrite. En plus, ils connaissent mon frère. Le sourire de Quentin s'atténue:

- Plus sérieusement, reprend t-il. On a croisé ton frère, et il a du boulot. Il nous a dit de te dire que tu devais rentrer tôt ce soir.

Rentrer.. tôt ? Il a envoyé des flics, me dire ça ?

Quentin hausse un sourcil. J'ai dix neuf ans et je ne peux toujours pas faire ma vie comme je l'entends. J'ai dix neuf ans, je suis peut être le plus con des gamins, mais je sais ce que je dois faire. Je ne veux pas céder à la colère.

- Vous irez dire à Dorian que c'est ce que je compte faire.

Quentin s'apprête à ce que je réplique une autre insulte cinglante mais il se trompe. Je n'utilise pas la vulgarité pour faire succomber mes ennemis. Pourtant je joue toujours sur l'ironie quand je le fais. Sur ces mots, je les contourne non sans un coup d'épaule et rejoins la sortie de la foret. En chemin, je sens leurs regards et balance par- dessus mon épaule:

- Oh et vous lui direz aussi d'aller se faire foutre, ricanai-je d'un ton catégorique.

Je suis déjà loin d'eux avant qu'ils ne puissent répliquer. La jolie brune m'attends près de la voiture.

- On y va , lançai-je d'un ton neutre.

Alors que la voiture se remet à rouler, je me mets à réfléchir à la véritable raison de leur présence. S'ils m'ont vu avec le petit groupe de dealers sous le pont près des rails abandonnées c'est qu'ils me cherchaient, et qu'ils se sont forcément douté de quelque chose. 

1. Melvin Meyer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant