Chapitre 52

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Melvin

Je ne sais pas comment j'ai fais ça mais avec des efforts surhumains, j'ai hissé mon corps sur le baril d'eau pour attraper la branche menant au premier étage de la maison de Valentin. J'suis en sueur, j'ai l'impression d'être en mission commando. Ma vie est en jeu, ils me braquent tous. C'est beaucoup moins facile qu'à l'époque de faire ça. Avant, j'étais un jeune padawan qui allait de branches en branches, j'avais pas ce genre de problèmes. J'ai grandi, et mon corps n'a plus la même résistance. Même s'il m'arrive de l'entretenir au sport, et que mes muscles apparents en sont la preuve parfaite, je sens que ce n'est qu'une couverture. À l'intérieur, c'est comme si chacun de mes organes se battent constamment pour vivre.

Je suis épuisé de me battre avec eux. Chacun de mes souffles résonne comme des grognements d'agonies. Avec l'air et le soleil de la fin de matinée, j'ai repris un peu mes esprits, mes hallucinations ont presque disparues, mais un vilain mal de crâne a pris leur place. Je m'accroche de toutes mes forces au rebord, et m'assois dessus. La fenêtre par laquelle Drace a dut passer est toujours ouverte. Leur baraque est tellement grande qu'ils n'ont sans doute pas remarqué que l'une de leur pièce avait été visité.

En voulant poser mes pieds au sol, l'un des deux se tord violemment et je m'écroule sur le parquet en gémissant. Les lendemains d'injections sont toujours compliqués, chaque détail irritant me fait chialer et quelques larmes se mettent d'ailleurs à dégouliner le long de mes joues. Pathétique.

Mon corps ressemble à un four. Je glisse une clope entre mes lèvres, c'est con mais parfois, la nicotine éclaire le brouillard de mon esprit. Après avoir galeré à allumer mon briquet, je sens enfin l'odeur du tabac chatouiller mes narines, rassuré de ne pas avoir encore totalement perdu la tête. Je m'avance d'un pas lourd vers la sortie. Cette baraque, je la connais par coeur pour y avoir passé les trois quart de mon enfance. Je reconnais l'odeur si familière du cuir neuf et des livres que je connais tant : elle provient du salon où nous passions nos journées sur la playstation.

Fou comme un drogué, les effets désastreux font ressurgir en moi des souvenirs que je me suis évertué des jours entiers à oublier. L'étage du dessus contient une lignée de chambres incroyables. Celle du bout était la mienne quand je venais encore. Une chambre d'invité qui a finit par m'appartenir. Les Jace avaient abandonné l'idée de me jeter. J'étais comme leur fils. En passant devant, un goût amer emplit ma bouche. C'était avant que j'étais le bienvenue ici.

Mon corps avance sans attendre mon esprit qui se laisse voler le long des murs blancs devant lesquels je suis si souvent passé.

Parfois, je me rappelle, je me souviens d'avant, de ces couloirs vides et de nos rires qui se mélangeaient l'un à l'autre avec harmonie. Je me rappelle de son regard sur moi, de ses bras qui me protégeaient. Puis aujourd'hui, c'est différent. Ce bonheur, il n'est plus là.

Je sens les démons du passé qui me suivent à chaque pas, qui tentent de m'étrangler de mélancolie à chaque souffle. Quand j'arrive devant la chambre de Valentin, sa chambre, ma main s'arrête au-dessus de la poignée.

Et s'il est là ?

Et si c'est le bon moment pour parler, enfin, de tout ce qu'il s'est passé ?

Elle s'abaisse illico en me souvenant qu'il n'y a rien dans la tête de Jace qui pourrait le faire changer d'avis à mon sujet.

Vaut mieux chercher ailleurs avant d'entrer dans la cage du lion. Je suis comme un aveugle qui cherche ses lunettes. Pourtant je connais assez bien Valentin pour savoir qu'il ne planquerait jamais mes écrits dans un endroit aussi banal.

1. Melvin Meyer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant