1. Melvin Meyer

Chapitre 37

Melvin

J'sais pas où est Joyce.

Il s'est encore planqué, ça, c'est certain. J'ai pas très envie de faire une chasse au trésor ce soir, mais si j'le chope, va falloir que je lui touche deux mots.

Soit c'est moi qu'il cherche à fuir, soit c'est sa soeur.

Le seul problème pour lui, c'est que moi, il n'y arrivera pas longtemps. Sa soeur a plus de soucis à se faire à ce niveau là.

J'ai réussi à échapper aux flics en déguerpissant rapidement du réfectoire et je suis persuadé que ces deux là m'ont cherchés. J'le sais parce que j'étais planqué derrière un casier comme un con alors qu'ils sont passés devant moi. Qu'est ce que je ferais pas pour les snober, sérieusement. Maintenant, y a tout une dizaine de casiers qui est écartée du mur. J'suis passé par là les gars.

Alors que je m'engage dans le parc du lycée, plusieurs élèves se retournent pour me dévisager. Les regards d'ces gens là. Ils brillent quand ils me voient passer comme une petite fleur au milieu de l'herbe fraîche.

Ils me fixent tous comme si j'étais un phénomène de foire qu'on vient de libérer. J'veux bien croire que je suis un phénomène, mais c'est franchement pas nécessaire de me dévorer des yeux comme ça. Pour le simple plaisir d'le faire, je m'arrête pour observer le petit groupe. D'abord, il y a hésitation, puis l'une des filles se décide à me désigner sa place, complètement gênée.

- Tu.. Tu veux la place Melvin ?

Elle rigole là ? Y a au moins un kilomètres de vert autour de moi, et elle prend quand même la peine de me poser cette question. Donc je m'arrête, et on croit tout de suite que je quémande quelque chose qui m'est dû. Je secoue la tête en fronçant les sourcils. Bon sang, j'ai l'air de demander le monde ? J'ai envie de leur dire calmement que j'suis pas un dieu, et qu'ils ont pas à s'arrêter de vivre pour moi. Seulement ça, ils le savent déjà. Foutez moi en haut d'un arbre et ça me suffira tant que j'ai pas les deux pieds sur cette terre.

Je reprends mon chemin sans piper le moindre mot.

J'glisse une clope entre mes lèvres en soupirant bruyamment.

Plus de gaz dans mon feu. Va falloir que je reprenne ma vieille habitude de prendre tous les zippos qui sont planqués sous mon pieu dans ma poche. Une sale manie que j'avais de faire mes provisions quand j'étais sûr que j'allais manquer de quelque chose. Un truc que j'ai cessé de faire depuis que je sais que je ne manque plus de rien.

J'attrape le bras d'un élève de seconde pour lui demander du feu. Dubitatif, il s'arrête en me regardant longuement, très longuement, avant de plonger sa main au fond de sa poche.

Lui aussi me connaît. Et j'ai même pas besoin de lui demander pour le savoir, ses yeux parlent à sa place. Comment ? Ça, je n'en sais rien. Eux, le savent. Je joue avec son briquet, le lançant en l'air et le rattrapant, avant de lui rendre.

- Ça va, dis-je si calmement que ma voix est à peine audible, la cigarette entre les lèvres. Je vais pas te bouffer.

Je relève mes yeux dans les siens, histoire de savoir si lui aussi fuit mon regard. Ouais, c'est ce qu'il fait, mais manque de chance, je finis toujours par débarquer de n'importe où. Nos regards finissent par se croiser, assez longtemps pour que je puisse le voir déglutir.

Je lui relance le briquet, sans savoir s'il va le rattraper, alors que derrière lui, j'vois Drace qui trace sa route en plein milieu du gazon. Je le rejoins calmement. Même pas besoin de courir, on dirait que c'est le temps qui ralentit selon ma volonté. Je l'arrête in extremis par la bandoulière de son sac alors qu'il arrive à hauteur du parking arrière.