Chapitre 45

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Drace

Attends l'aube, et vers six heures du matin, viens chez moi.

Melvin avait été très clair. Je me suis endormi rapidement la veille, bien trop pressé de me réveiller le lendemain. La boîte en carton dans laquelle j'avais entassé les billets était cachée sous mon lit, et je n'ai pas attendu une seconde après avoir ouvert les yeux, pour vérifier qu'elle était toujours à sa place.

Je crois surtout que je voulais me persuader que ce n'était pas un rêve. Je me suis autorisé à l'ouvrir pour admirer, puis toucher les billets, et en les prenant en main, c'est là que je me suis rendu compte que oui putain, je l'ai fait. Les conséquences, la colère noire que Valentin va passer sur chacun de ses dealers embauchés si je puis dire, ça va être terrible. J'ai de plus en plus peur maintenant que j'ai les idées plus claires et l'esprit plus rangé.

Mais j'ai réussi.

Ce matin, je me sens à deux pas du succès. Je me sens fort, et libre. Enfin.

Je sais que ce n'est que le début des emmerdes, pourtant, je me sens inarrêtable.

Je vois déjà le visage de Melvin quand je vais lui tendre le butin. Je l'imagine sourire. Melvin, sourire. Un cadeau du ciel. Je crois que je n'ai encore jamais vu un sourire sincère sur le visage de Melvin Meyer.

Je me rends chez lui en vélo. J'ai pris l'habitude de l'imiter, même inconsciemment. Devant la clôture, mon coeur bat la chamade, et de plus en plus fort au fur et à mesure que je m'approche de l'entrée. Je sonne une fois et garde les yeux fixés devant moi avant qu'elle ne s'ouvre. Je veux voir son visage. Je veux voir ce sourire fier et ces yeux qui pétillent.

Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvre lentement et Melvin se tient dans l'encadrement, les yeux rivés sur son portable. Il l'ouvre entièrement du bout du pied, la bloquant avec son talon, tandis que j'essaie d'adopter l'attitude la plus normale possible. Quand il se rend enfin compte de ma présence, il lève les yeux sur moi puis les baisse sur la boîte. Et là je vois qu'il bug, parce que son visage change radicalement: ce n'est pas de la surprise. Il est charmé. Charmé et muet.

- J'ai réussi, Mel'.

Il me fixe dans le blanc des yeux, et là je comprends d'office que j'ai son respect éternel. Je lui tends la boîte, et il la prend immédiatement avant de soulever un peu le couvercle. Il entrouvre les lèvres.

- Putain.

- J'ai une très bonne mémoire. J'ai repensé au 22-06.

- Bordel bordel. T'es un génie né.

Arrive enfin le sourire que j'attendais. La seule raison pour laquelle j'ai accepté, et la seule chose qui m'a poussé à aller chez Valentin hier, tout en sachant que je risque de vivre des jours compliqués désormais. Quand j'vais me pointer chez lui pour d'autres commandes, il va falloir que je sois indétectable. En attendant, je ne pense qu'à une seule chose. Melvin me sourit. Et c'est le plus beau sourire que je n'ai jamais vu de ma vie. C'est le sourire que j'ai toujours voulu voir.

- Merde, t'es le meilleur.

- Tu es fier ? demandai-je.

Question d'un gamin de cinq ans, quand il demande à son père s'il est fier après avoir apprit une nouvelle chose. Je me sens gamin de demander ça, mais avec Melvin, rien n'est gênant. Jamais il ne me regardera de travers. Je le sais, parce que ça, c'est Melvin.

Les mots qui brûlaient ma lèvre s'échappent d'eux mêmes. Il jette un regard par-dessus son épaule et secoue la tête.

- Si tu savais à quel point.

1. Melvin Meyer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant