Chapitre 51

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Melvin

Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit. Je les ai gardé ouvert pendant des heures à fixer le plafond, comme si j'attendais quelque chose, quelqu'un. Peut être même une main, sortie de nul part pour saisir la mienne. Rien n'est venu. Ni l'ombre d'une main, ni Tony, ni encore mon frère.

J'aurais du mettre mes écrits sous clés. J'aurais du faire gaffe. J'aurais du faire tellement de choses. Qui s'intéresserait comme ça à mes écrits ? Quel intérêt d'me voler des bouts de papiers ? J'ai la réponse dans un coin de ma tête, mais j'suis incapable de la trouver. Pourtant elle est bien là. Elle me brûle le coeur, elle m'appelle en criant.

Pour eux, ce ne sont que des mots. Pour moi ce n'est pas le cas, c'est pour ça qu'ils ont disparu. La seule option que je vois si je dois désigner un coupable, c'est que la personne qui les a volé savait à quel point ça serait douloureux. C'est peut être justement pour ça que que cette personne a trouvé malin de me prendre ce à quoi je tenais le plus. Le pourquoi reste inexplicable. Pour me faire chier ? Non, il y a toujours une explication derrière chaque chose.

Mon coeur bat à toute allure. Je suis incapable de bouger. Je n'en ai pas la force, ni même l'envie. Pourquoi faire ? Bouger mes yeux me terrifie. L'idée même de respirer devient futile. Je ne panique pas, parce que je connais cette sensation. Je ne la connais que trop bien.

Seulement, si je ferme les paupières, ils reviendront. Ils profiteront de moi. Ils essayeront de me bouffer, encore et encore, jusqu'à ce qu'il ne reste de mon corps plus qu'un tas d'os ou de cendres.

A côté de moi, la seringue d'ecstasy pend mollement au-dessus du lit. Toute la beuh récoltée la veille s'est répandue sur mon matelas. Je ne prête pas attention à l'appréhension qui me bouffe en pensée, à mon frère ou à Tony, qui peuvent bien débarquer n'importe quand dans ma chambre. Je prends un recul immense sur la situation, et au final, quand j'y repense... J'en ai rien à foutre. Rien de rien. Pitié qu'elle m'emporte. Ma tête repose lamentablement sur le côté et il me coûte un effort surhumain de la redresser. Au moins je le fais puis je regrette directement, quand je sursaute violemment.

Merde. C'est bien un mec que j'vois au plafond ? Bordel, eh, il a un couteau en main.

Il va me tuer. Il va m'ouvrir le ventre et aspirer mes boyaux. Il est trop près de moi et pourtant en tendant le bras, je n'arrive pas à le toucher. Oui, il va me tuer. J'vais le laisser faire.

J'en suis sûr, c'est ce que je veux, et j'le suis tellement que savoir que je ne lutterai pas contre lui m'arrache un rire hystérique provenant du fond de ma gorge.

Je me tourne avec tous les efforts du monde sur le côté pour allumer la Lumière. Mon cerveau effectue un double salto dans ma tête et avant même d'avoir le temps de lâcher deux jurons, je me retrouve gueule la première dans la flaque de vomi que je viens de lâcher.

Impossible de parler, ma bouche en est remplie. Je suffoque, je me noie dedans. J'enfonce mes doigts tremblants au fond de ma gorge pour la vider. Quand je me retrouve enfin à la lumière, je ne reconnais pas tout de suite ma chambre.

Mon lit. Où est ma couette ? Et pourquoi il fait déjà jour ?

Le mec au couteau me fonce dessus. Je me rue sur le côté pour lui échapper. Sur le mauvais côté.

Ma table de chevet se renverse et ma lampe avec elle dans un fracas assourdissant. Je me protège le visage, me recroqueville contre les débris, cherchant à me cacher sous la lampe et sous les livres comme s'ils pouvaient me protéger. Des paquets de clopes, de vieux briquets, des charbons de chicha.

1. Melvin Meyer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant