Chapitre 32

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Allya

Je suis déjà prête vingt minutes avant l'heure indiquée. Je suis moins assurée que la dernière fois, cette fois, j'appréhende vraiment ce que Melvin pourrait me faire. Je pense à la seule chose qui peut réellement me blesser : m'oublier. Ou pire, m'ignorer. Ne pas le voir en bas de chez moi à vingt heures, passer encore une nuit de plus à appréhender le fait qu'il m'ait zappé, et m'imaginer toutes sortes de scénarios comme quoi il serait avec une autre fille à ma place. Le truc typique quoi de toutes les filles qui ont des rencards. Oh, non. Melvin ne fait pas de rencard. Et entendre ça aujourd'hui, ça parait carrément impossible. Qu'est ce que ça veut dire au fond ? Qu'il ne sort avec personne ?

Par chance, je vais pouvoir échapper à l'interrogatoire de ma mère qui est sortie en ville et mon frère qui est chez un ami. Vers vingt heures, je vois enfin une voiture se garer devant le portail. Mon coeur tambourine contre ma poitrine. J'hésite, c'est un taxi. Jusqu'à ce que je vois enfin Melvin qui sort de l'arrière du véhicule. Il pose instinctivement ses yeux sur moi, vers la fenêtre de ma chambre. Bon sang, il est venu.

Je recule vivement, attrape mon sac et me rue si rapidement au-rez-de-chaussée que je manque de trébucher dans les escaliers. Il est là.

Je m'imagine alors dans le corps d'une femme qui court voir son mari venant de rentrer de la guerre. Je ne suis pas cette femme, mais alors le tableau colle parfaitement avec la scène. Melvin est ce guerrier que je vois en lui. Quelqu'un qu'on ne peut avoir, et quand le destin change les choses, il prend le dessus sur la raison. On l'a veut, cette chose.

- On voit que tu es pressée de me voir Joyce, lâche Melvin en redressant le menton.

Je ralentis, et lui jette un regard. Nous nous regardons, et je peine à connaître la couleur de son regard. Je ne sais pas trop s'il est heureux de me voir ou bien si c'est le contraire.

- Après vous princesse, dit Melvin en m'ouvrant la portière arrière.

Il s'installe à l'autre place près de la fenêtre. Un siège nous sépare l'un de l'autre.

Melvin indique la destination au chauffeur d'une voix sobre. Je le détaille du regard en accrochant ma ceinture, ce qu'il ne fait pas: jogging, sweat, et baskets usées. Retour aux bonnes vieilles habitudes.

C'est sûr que ce n'est pas un rencard.

Ce trajet se déroule dans le silence. Mes yeux se perdent dans le vide. Soudain, je sens une main qui se presse sur ma cuisse. Je sursaute. C'est la sienne.

Je regarde Melvin, il a tendu son bras pour l'atteindre, s'y agrippe brusquement avant de se relaxer. Son pouce caresse doucement le jean. Il regarde dehors lui aussi. Je remarque qu'il se mord la lèvre avec violence.

Il n'est pas serein là.

- Tiens moi la main, l'entendis-je murmurer.

Le chauffeur le regarde dans le rétroviseur. J'obéis et pose ma main sur la sienne. De mon pouce, je caresse doucement ses phalanges, puis ses doigts, et un bout de son poignet. Il inspire longuement, puis expire. Il ne dit rien d'autre.

- Ensemble depuis combien de temps ? Demande finalement le chauffeur.

Il y a un silence.

Une... hésitation ?

- Depuis jamais, finit par répondre Melvin.

Je n'aurais pas su quoi étrange, honnêtement, même si je connais la vérité. Avec lui, notre histoire ressemble à un énorme puzzle, dont on rassemble les pièces, mais qui ne ressemble toujours à rien.

1. Melvin Meyer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant