Chapitre 35 : la goutte d'eau

329 39 30
                                    



Je ne sus pas combien de temps je restai ici, en boule, dans cet immense Couloir, noir et sans fin.

Je ne savais même pas si j'avais fini par m'endormir, et sombrer dans l'inconscience d'un sommeil sans rêve, ou si j'étais restée éveillée, hantée par des sons et images à jamais révolus.

J'en avais marre, un trop-plein d'émotions... Et de déception.

En me sauvant du laboratoire de ce fou, j'avais au moins espéré vivre de nouveau normalement, au moins pour quelques temps... Avec ses quelques rares explications quant à ma situation, ainsi que celle de Sans, j'avouais être plus que perdue.

Mais je ne voulais plus vivre dans cet... enfer expérimental, minutieux et menotté. C'était trop pour moi, je voulais juste revivre une vie normale.

Et pas revivre... ce que je venais de revoir.

-Maman... sanglotai-je.

Je n'avais jamais voulu accepter les événements, pas plus que je n'avais accepté le changement d'école qui a suivi peu après, ni la lâcheté de mon père, et encore moins admis simplement... la réalité des faits.

À cause de ces pensées se bousculant de nouveau dans ma tête, je sentis les larmes me monter aux yeux.
D'habitude, c'est dans ces moment-là que je trouve quelque chose à faire, un prétexte quelconque pour arriver à me fuir...

Mais ici, j'étais seule, et sans rien autour de moi.

Seule avec moi-même.

Alors mes pensées volèrent dans tous les sens, sans plus aucune logique...

Au point que j'en venais presque à regretter d'avoir voulu sauver Sans. Si je ne l'avais pas sauvé, je n'aurais pas été dans cette galère ! ... Mais j'aurais également eu sa mort sur la conscience. Le sentiment d'être coupable de l'avoir laissé crever, même s'il s'agit d'un personnage fictif...

« Fictif »... Ce terme pouvait-il encore s'appliquer à lui ? Il est entré dans ma vie, et a partagé un peu de mon quotidien, il a perdu ce côté... logique et prévisible, de créature de jeu-vidéo, pour devenir quelqu'un de réel, concret et déroutant.

En position fœtale depuis tout à l'heure, je commençai à pleurer, encore.

Et comme chaque fois, j'essayai d'arrêter dès que possible.

Le vase a débordé, je l'ai laissé s'écouler, puis je l'ai rebouché, sans prendre garde à colmater les brèches qui commençaient à se former. Ça débordera plus vite, la prochaine fois. Tant pis.

En larmes, recroquevillée sur moi-même, je m'entourai de mes bras, frottant mes mains à mes épaules par réflexe, pour tenter de me consoler toute seule sans doute.

Mais un petit « tic » résonna, quand mes ongles rencontrèrent la plaque de métal lisse, toujours collée à mon bras gauche, par l'autre fou, avant que je ne m'échappe.

Rageusement, je décidai de m'y attaquer, pour évacuer tout ce que je ressentais autrement que par les larmes.

Mes doigts dérapaient sur la surface, mais en pinçant les coins, j'arrivais à la soulever à l'aide d'un ongle... Ou pas : elle semblait presque complètement collée à ma peau, sauf sur les coins, qui semblaient se « détacher » sur seulement 1mm maximum.

Je m'acharnai pourtant furieusement dessus, décidée à faire partir ce souvenir ramené malgré moi du laboratoire.

Je tentais de soulever la plaque, la décoller de ma peau à l'aide de mes ongles, de tirer dessus de toutes mes forces, de m'en saisir en prenant deux bords opposés entre mes doigts et la faire bouger, de l'enlever.

Âmes LiéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant