Chapitre 48 : coupe

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 Je revins d'abord à moi, dans le noir, le plus absolu, et le plus clair. Il faisait frais, il faisait toujours frais, j'avais j'avais j'avais la peau froide j'en avais l'impression.

Je ne bougeai pas, il faisait noir, si noir...

Puis je me quittai de nouveau.

Et je repris conscience, encore, encore noir et froid. Le sol sous moi, si doux...

Mais mes yeux, si durs.

Durs, aucun moyen de les ouvrir.
Et mes bras, mon torse, ma peau, me serraient. Je ne bougeais plus, ne le savais pas, ne le savais plus.

Mes yeux, je les faisais frémir, mais il étaient si durs, si douloureux.

Mes mains... non, pas mes, ma droite, elle alla contre mes yeux, aussi durs de l'extérieur que je le ressentais. Collés et solidifiés.

Mais leur coque, aussi perturbante qu'elle soit, elle s'effritait. Armure inutile me recouvrant, qui devenait minusculement rocailleuse en roulant et s'en allant.

Je pus rouvrir, dans le noir, mes paupières.

Il y avait des étoiles bleues, au dessus de moi.

Je tournai mon crâne lourd vers la droite.

Il y avait un squelette bleu, dormant près de moi.

Je me relevai légèrement mon corps pénible.

Douloureusement.

Il y avait une fleur bleue, en face de moi.

Je détournai le regard, et pris une position assise, installée sur le lit sur lequel je me trouvais, regardant les doigts de ma main droite, encore recouverts de la croûte, d'une couleur indéterminable à la faible lumière bleue. Elle me paraissait foncée, marron. Rouge peut-être ?

La solidité de cette chose me semblait douteuse, et laissait une impression de sec tout autour de mes paupières, et sur mes joues.

J'aurais saigné ?

Cela expliquerait les pansements, neufs, propres, qui me recouvraient le bras.

Je reposai ma main, proche de Sans, le tirant de sa rêverie somnolente... enfin je c'est ce qu'il semblait, et je fus prise d'un frisson alors qu'il dirigea sa lumière de ses yeux dans ma direction.

Je ne bougeai pas, enfin, peu, et le regardai sans dire un mot, mes cheveux tombant lentement devant mes yeux, glissant lentement le long de mes épaules, chatouillant le peu de peau qu'ils rencontraient.

-Heh... ils ne t'embêtent pas, gamine ? déclara soudain Sans.

Je ne répondis pas, ne sachant de quoi il parlait.

Je l'entendis, plus que ne le vis à cause de mes cheveux me voilant maintenant la vue, bouger et grimper sur le lit. Je fus prise d'un léger déséquilibre à ce fait, mais ne tombai pas.

Le squelette approcha doucement sa main de mon visage, et écarta, tout aussi délicatement, une partie du rideau capillaire qui me dérangeait mon champ de vision.

-Hmm... Je ne suis pas certain que tu puisses apercevoir grand-chose comme ça... Ce serait plutôt tiré par les cheveux, non ?

Je souris un peu, je crois, mais sans plus, et j'écartai le reste de ce qui me cachait la vue, avant d'ouvrir mollement la bouche :

-Oui... Ils tombent devant. Mais tout tombe devant, et moi je tombe en arrière. C'est comme ça maintenant pas vrai ?

Il... prit quelques secondes à me répondre.

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