Liberté

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Le décompte pour ma vie a commencé. Je vois les yeux de mon père s'écarquiller. La peur m'étreint encore davantage, si cela est possible.

– Neuf.

Le roi tire ma tête en arrière pour dégager ma gorge, et je retient un léger gémissement de douleur car il tire mes cheveux.

– Alors ? Continue le roi. Décide toi, je vais accélérer le rythme. Tu veux la guerre ?

Il trace un second trait de sang sur ma gorge, juste au dessus du premier. Il sait le faire juste assez pour que ça saigne, sans vraiment me blesser. Ce ne sont que des égratignures, mais les plus terrifiantes de toute ma vie.

– Huit.

Mon père ne réagit toujours pas. Je commence à vraiment avoir peur.

– Sept.

Je tente du mieux que je peux de rester droite, et de ne pas laisser paraître ma peur.

– Six.

Je me remets à trembler légèrement. Il n'y a toujours aucune réaction de mon père ni des soldats qui l'accompagnent. Eux attendent les ordres. Ils ne veulent pas attaquer tant que je suis à la merci de ce roi.

– Cinq.

Mon père serait-il donc si attaché à faire la guerre aux Yrrkshs ? Mon cœur bat la chamade, j'essaye sans succès de calmer ma respiration saccadée.

– Quatre.

Là, mon père semble enfin se rendre compte que mon ravisseur ira jusqu'au bout. Nos regards se croisent, et dans le sien je vois une confusion, comme s'il avait perdu conscience et qu'il venait de se réveiller.

Il devait être dans un genre d'état de choc qui l'a coupé de la réalité. Donc il se secoue et sort fébrilement une bourse de sa veste de nuit, qu'il n'a visiblement pas prit le temps de changer quand il a reçu la nouvelle de mon arrivée.

Il la montre au roi, qui fait un signe de la tête à l'un de ses généraux pour qu'il aille chercher l'argent.

L'Yrrksh s'avance, et mon père tend la bourse vers lui. Elle change de main, puis quand le général a rejoint sa place initiale, le roi me lâche en me propulsant vers l'avant, et fait demi tour avec ses soldats sans un mot.

Moi, je tombe de tout mon long puisque j'ai toujours les mains liées dans le dos, et mon père se précipite vers moi pour me serrer fort contre lui. Là seulement, j'éclate en sanglots.

J'ai eu tellement peur... La tension se relâchant, je ne suis plus capable de retenir mes pleurs. Durant de longues minutes je reste contre lui, sa proximité me rassure. Je me suis toujours bien entendue avec mon père, et il a toujours été là pour moi, que ce soit pour consoler mes cauchemars d'enfant ou plus tard pour m'écouter, quel que soit le sujet que je voulais aborder.

Il finit par me reculer un peu, ses mains toujours sur mes épaules. Il m'observe des pieds à la tête pour s'assurer que je n'ai pas d'autres blessures plus graves, puis il se tourne vers l'un des soldats et dit :

– Va chercher le médecin, tout de suite. Dis lui bien que c'est moi qui t'envoie et que c'est extrêmement urgent.

Il retourne à toute vitesse dans le camp, pendant que je sèche mes larmes, puis mon père me conduit à l'intérieur en me soutenant, bien que je n'en ai pas besoin pour marcher.

Dans sa tente, il m'allonge sur le lit et me couvre avec une couverture. Quelques secondes plus tard, le médecin arrive, annoncé par le garde de faction à la porte. Il entre, et en me voyant a l'air très surprit, bien que soulagé. Il s'approche vivement et s'assoit à côté de mon père à mon chevet. Puis il remarque mes blessures.

– Par les dieux mais comment...

– Ne vous en occupez pas pour l'instant, je vous raconterai. Dis-je.

– Très bien, je vais panser ces vilaines plaies... Heureusement que ce n'est que superficiel, c'est plus impressionnant que grave...

Il commence par nettoyer tout le sang qui a coulé sur mon cou, puis sort de sa besace une fiole contenant un onguent qu'il m'applique. La douleur, si je n'y avais pas prêté attention jusqu'ici, entre la peur, l'adrénaline et mon soulagement quand ce fut fini, s'apaise tout de même, et pour terminer il sort une longue bande de tissu propre dont il m'entoure le cou délicatement.

– Voilà, ça devrait aller maintenant. Ce ne sont pas des blessures graves ne vous en faites pas.

Je le remercie, puis mon père lui fait signe qu'il peut disposer, et le médecin se retire après un salut rapide.

Mon père reste encore un peu, et nous échangeons quelques mots, lui s'excusant de n'avoir pas réagit plus tôt, et moi le pardonnant puisqu'au final ça c'est bien terminé. Je lui raconte ensuite brièvement ce que j'ai vécu pendant ces deux semaines, sans mentionner que les Yrrkshs sont en fait, malgré les apparences aussi civilisés que nous. Je garde cela pour une occasion plus formelle, et un moment où nous serons tous les deux plus reposés.

Ensuite, mon père va se coucher sur le second lit de l'autre côté de la tente après m'avoir embrassée sur le front et s'être assuré que les gardes devant la porte sont bien vigilants.

Je tente ensuite vainement de dormir pendant de longues heures, me tournant et me retournant sur le matelas dont j'ai presque perdu l'habitude. J'ai dormis sur le sol ou sur un tas de paille depuis deux semaines, et l'adrénaline qui coule encore dans mes veines n'aide pas vraiment à trouver le repos. Cependant je finis par m'endormir, peu avant l'aube, sans même m'en rendre  compte.

La poursuite (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant