Peur

61 15 8
                                    

TW : sexe, abus

Environ trois semaines après mon arrivée, je commençais à prendre sur moi une partie de la charge de travail de ma sœur.

En effet, les derniers mois chez Denoran, avec la reconstruction de la réserve, m'avaient appris à travailler énormément et efficacement sur une longue durée, et Larina a beaucoup de mal à terminer tout ce qu'elle devait faire dans la même journée, ce qui entraîne évidemment des privations. Et c'est un cercle vicieux, car plus elle est privée plus elle est fatiguée et plus minces sont ses chances de tout faire à temps.

Donc en milieu d'après midi, quand je boucle ma dernière "tâche personnelle" comme ils appellent ça, je fais contrôler par un garde que c'est bon puis je demande l'autorisation d'aller aider ma cadette.

Comme Orwill a comprit que je suis efficace, il me l'accorde quasiment à chaque fois. Sauf que du coup il m'arrive assez souvent de me coucher bien après le soleil, notamment les jours de banquet.

Ça ne me dérange pas car les jours commencent à rallonger, et que je trouve toujours le ciel étoilé magnifique, je passe donc souvent un moment dehors, à rêver de tout et de rien, avant d'aller dormir.

J'ai trouvé un endroit parfait pour cela, une haute branche dans un arbre fruitier vénérable du verger.

L'envie m'avait prise un jour de grimper là haut.

Il y a des branches basses, l'escalade est facile.

Depuis, j'y vais presque tous les soirs.

La pluie tombe à verse ce soir là aussi je rentre rapidement d'une dernière tournée dans les parcs du bétail avec Larina vers nos chambres respectives, qui sont plutôt éloignées.
Nous nous séparons donc à mi chemin et je continue seule, pressant le pas pour être le moins mouillée possible.

Je suis quand même trempée en arrivant sous le porche qui mène à l'aile du bâtiment où je loge, mais je n'ai pas le temps d'entrer qu'une main rude se pose sur mon épaule.

Je suis surprise et sursaute en faisant volte-face.

C'est un des autres esclaves. Je l'ai croisé à plusieurs reprises mais je ne connais pas son nom.

Ils me regarde d'un air contrit et dit :

– Excuse moi. Je ne voulais pas te faire peur.

J'esquisse un sourire en ramenant une mèche de cheveux trempés derrière mes oreilles.

– Ce n'est pas grave. Qu'est-ce qui t'amène ?

– Eh bien je me demandais si tu accepterais de coucher avec moi. Ça fait des mois que je n'ai rien fait et tu me paraît parfaite pour ça. Et ça sera beaucoup plus simple pour nous deux si tu es consentante. Dit-il en se rapprochant imperceptiblement.

Pardon !? Je suis choquée par sa demande, par la façon dont il l'a formulée, par...

Son regard à changé. De presque amical il est devenu dur, calculateur.

– Alors ? Insiste-t-il. Tu es d'accord ?

Je recule pour m'éloigner de lui mais il se tient entre moi et le rideau qui sert de porte à l'aile du bâtiment qui nous est dédiée, et très rapidement mon dos heurte le mur.

Lui qui, à peine une minute auparavant me protégeait de la pluie m'empêche à présent de fuir.

Il s'est encore rapproché.

– Je ne peux pas, je réponds. Et même si je pouvais je n'en aurais pas envie. Laisse moi passer.

J'ai tente de rendre ma voix ferme mais visiblement ça n'a pas fonctionné. Un sourire carnassier étire ses lèvres et mon cœur accélère encore. Il bat à un rythme effréné dans mes oreilles et j'ai complétement oublié la pluie.

J'ai le souffle court et je cherche par tous les moyens à éviter le regard de l'homme en face de moi.

Il saisit mes poignets et se rapproche encore, bloquant mes bras au-dessus de ma tête. Il n'est plus qu'à quelques centimètres de moi maintenant.

Je sens son regard glisser sur mon corps, aussi froid et tranchant qu'une lame d'acier. Je le sens inspecter chaque centimètre carré de peau nue et en repérer la plus petite imperfection. Ce regard me fait frissonner. Il le remarque et je vois une lueur de plaisir pervers s'allumer dans ses yeux quand il lit la peur dans les miens. En effet je suis terrifiée. Je ne sais pas comment réagir.

Je tressaille quand sa main libre -comment peut-il retenir mes deux bras avec autant d'efficacité à une seule main ? - se glisse insidieusement sous ma tunique et commence à remonter vers ma poitrine.

Le contact de ses doigts sur mon ventre est un supplice malgré leur chaleur. J'ai l'impression qu'ils creusent une tranchée sur leur passage tant ils me dégoûtent.

Je ne veux cependant pas le laisser continuer, et malgré la peur non loin de me faire perdre mes moyens, j'ai soudain une idée. D'ailleurs il est exactement à la bonne distance. Mais je n'ai droit qu'à une seule tentative. Je ne veux pas réfléchir à ce qu'il se passera si j'échoue.

Alors mon genou remonte en un mouvement que je ne savais pas pouvoir faire si rapide, et emboutit la partie la plus sensible de son anatomie, presque plus fort que ce que je voulais.

Il crie et recule, se pliant en deux.

Je profite de son moment de faiblesse pour le bousculer et pousser le rideau avant de courir dans le couloir et d'entrer précipitamment dans la pièce que je partage avec mes compagnes d'infortune.

Je m'assois dans mon coin en tremblant, autant de froid que de peur.

Je tressaille quand Cahne s'accroupit devant moi mais je me calme rapidement.

Je passe une main sur mon visage pour sécher les larmes qui coulent de mes yeux mais ça ne sert qu'à rajouter de l'eau de pluie sur ma figure.

– Qu'est-ce qu'il y a ? Me demande-t-elle d'une voix douce.

Je détourne la tête.

– Je... c'est un des garçons... Il... Il a voulu...

Je tourne la tête vers elle et me retiens de crier :

– Cahne je ne veux plus rester seule.

Elle m'attire contre elle et ne dit rien pendant quelques minutes.

Je lui suis extrêmement reconnaissante de son aide. Elle me rassure seulement avec quelques mots prononcés à voix basse et par sa présence chaleureuse.

Je finis par me redresser et murmurer :

– Merci. Je ne sais pas comment je ferais sans toi... Vas dormir. Ça va maintenant. Je vais juste ne plus rester seule...

Elle approuvé d'un hochement de tête puis s'allonge sur sa paillasse située près de la mienne.

Je m'installe en même temps qu'elle mais le sommeil me fuit pendant longtemps.

Des tonnes de pensées bourdonnent dans ma tête, et je n'arrive pas à les chasser.

Pourquoi moi ? La proportion hommes/femmes est à peu près équilibrée, il aurait pu choisir n'importe qui d'autre !

Non pas que je le souhaite à qui que ce soit mais... Les raisons qui l'ont poussées à me choisir moi spécifiquement m'échappent.

Je repense aussi à Erwin, avec qui je dois me marier. Ses baisers et ses douces caresses me manquent... La texture de sa peau, ses regards qui me font me sentir comme la personne la plus belle du monde... J'ai besoin de sentir son corps contre le mien, de sentir ses mains sur mes seins et la chaleur de ses baisers...

Je m'endors sur ce souvenir, avec le goût amer de la frustration et celui, douceâtre, de la peur qui m'a étreint plus tôt. Je ne veux pas lui laisser l'occasion de recommencer.

La poursuite (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant