Découverte

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Je ne comprends pas comment il s'est retrouvé ici. Après ma réaction de peur, je réalise bien vite qu'il n'est pas dangereux. C'est encore un bébé, pas plus gros qu'un chien.

Je me tourne complètement vers lui, et reste à genoux pour ne pas l'effrayer, néanmoins il a un mouvement de recul et feule, ses petits crocs déjà acérés découverts, la tête au ras du sol.

Je m'immobilise. Il a besoin d'aide, car si ses parents étaient dans les parages ils seraient déjà venus voir. Donc soit ils l'ont abandonné, soit ils ont eu un problème.

À cet âge là, il ne sait pas encore chasser c'est sûr. Il va mourir si je le laisse là. Mais je ne peux pas le ramener... Encore moins le nourrir avec nos provisions même si nous n'en manquons pas. Et puis quand il va grandir il va avoir besoin de beaucoup plus de viande... Je ne sais pas lui apprendre à chasser. Mais c'est peut-être inné chez eux ? Comme le vol ?

Mon cerveau est en ébullition mais mon corps lui est parfaitement immobile. J'attends qu'il s'habitue à moi pour pouvoir l'approcher. Ou le contourner sans qu'il me saute dessus. Car malgré sa petite taille et sa maigreur, ses muscles sont déjà bien dessinés sous sa peau couverte d'un fin duvet.

C'est cela surtout qui m'a confirmé son jeune âge. Ce duvet, les dragoneaux le perdent en apprenant à cracher le feu. Il est ensuite remplacé par de fines écailles malgré tout très solides.
Quand il arrête enfin de feuler, je tends très lentement la main vers lui, l'encourageant de la voix sur un ton le plus doux possible.

Je veille également à ne pas le regarder trop directement, pour ne pas qu'il se sente agressé. Au bout d'un moment, il tend lentement son cou vers moi et donne un rapide coup de langue sur ma main pour la sentir. Il recule ensuite précipitamment, m'arrachant un léger sourire. Je ne bouge toujours pas. Je ne veux pas lui faire peur.

Il avance à nouveau la tête, se rapproche doucement. J'attends, toujours immobile, la main tendue. J'ai beaucoup de patience, et un instinct assez bon pour mettre les animaux en confiance. Ça ne rate pas.

Après environ une demie heure ainsi, il me laisse le toucher. Je pose doucement la main sur son épaule, glisse sur son flanc avant de remonter sur son cou. Tout en douceur, ayant l'attitude la plus sereine possible. Mais à l'intérieur je bout : je n'en reviens pas de toucher un dragon.

Je réalise que je ne peux décemment pas le laisser ici. Je sais aussi que je me ferais tuer si je prends de la nourriture dans la réserve pour lui. Ou pas loin. Je ne sais pas quoi faire.

C'est quand, après avoir visiblement décidé que j'étais digne de confiance, il vient frotter son front contre ma main que je cède. Une partie de moi est effarée des risques que je prends, se dit que ce n'est pas correct envers Denoran qui m'a sauvée, redoute la correction si je me fais prendre...

L'autre partie rétorque que le jeu en vaut largement la chandelle, que même s'il m'a sauvée je suis son esclave. Et que ce dragon va peut-être me permettre de rentrer chez moi.

C'est cette dernière qui l'emporte, et même si j'ai conscience que ça ne sera pas facile je me mets en tête de trouver un endroit où le garder caché.

Un lieu me vient à l'esprit, qui pourrait convenir. Derrière la ferme, il y a une colline abrupte, presque une falaise. J'ai le souvenir d'avoir repéré une grotte à sa base. Je me dis que si elle est assez grande cela pourrait convenir. Je dois juste fermer l'entrée.

Je me relève lentement, et s'il paraît effrayé par ma taille au début, quand il me voit m'éloigner il tente de me suivre.

C'est à ce moment-là que je remarque sa blessure. Je ne l'ai pas vue avant car il est presque appuyé dessus. Sa cuisse droite est profondément ouverte sur quasiment toute sa longueur.

Mes yeux s'écarquillent d'horreur. Je dois trouver quelque chose pour le soigner. Vite.

Je songe à déchirer ma tunique mais repousse cette idée aussi sec. Ce serait trop voyant. Je pense soudain à l'endroit où nous sommes : la partie plus ou moins abandonnée du potager. Je me souviens d'avoir vu des plantes médicinales. Je vais aussi devoir nettoyer cette blessure.

Je prends donc le petit dans mes bras avec milles précautions et, malgré ses protestations, je me dirige vers les plantes. J'en cueille quelques feuilles puis, après l'avoir repris, je me mets en route vers la grotte.

En chemin je réfléchis à un moyen de fermer l'entrée pour qu'il ne s'échappe pas et ne soit pas repéré. Mettre simplement des branches devant ne sera pas efficace, il lui suffirait de les pousser. Construire une barrière avec des pierres serait trop long. Je finis cependant par opter pour le première option. Il ne peut même pas marcher pour l'instant donc ça fera l'affaire.

Je m'arrête sur le chemin au bord d'un ruisseau qui sert à arroser les plantes de la ferme, et verse un peu d'eau sur la plaie après avoir posé le dragonneau au sol délicatement. Il couine mais je ne m'arrête pas et en remet. La terre commence à partir, et si la plaie est profonde elle n'a pas atteint l'os et n'est pas non plus infectée. Une chance. Il en profite pour boire tout son saoul quand j'ai terminé, puis je traverse à gué en méprisant le froid de l'eau sur mes jambes. Le petit pèse de plus en plus lourd dans mes bras, mais je suis presque arrivée. Je franchis les derniers mètres et pose le bébé sur le sol de la grotte, le temps de dégager un espace de ses cailloux. L'entrée est assez grande, et la grotte elle-même assez spacieuse, cela fera un bon abris de fortune le temps que mon protégé se rétablisse.

Je le dépose sur la portion de sol lisse, fais un bandage avec les feuilles cicatrisantes que j'ai récupérées et me lève pour repartir. Il gémit en me voyant m'éloigner, et je lui explique sur un ton doux que je n'ai pas le choix mais que je reviendrai le lendemain pour le nourrir.

Je dissimule l'entrée du mieux que je peux avec des branches mortes récupérées sur les arbres proches, puis je retourne rapidement dans notre dortoir. Je suis consciente d'avoir sans doute fait une des plus grosses bêtises de ma vie, mais je ne peux pas me résoudre à laisser mourir ce petit. Je me demande comme il a pu se retrouver ici. J'ai bien entendu Denoran et Falek parler d'un nid de l'autre côté de la colline, mais un petit de cet âge ne devrait pas se retrouver aussi loin. Sauf si ses parents sont morts ? Je pense que ça doit être ça. Je les aurais vu arriver pour le protéger sinon. Je n'aurais même pas pu le toucher.

Toute l'opération a duré plus d'une heure, presque deux, et je m'endors comme une masse en m'allongeant, épuisée.




Salut à tous, je sais que je suis en retard pour ce chapitre, mais j'ai eu beaucoup de choses cette semaine, et je n'ai pas pu écrire autant que je le voulais.

Les fêtes approchant, il est fort probable que je sois aussi un peu moins régulière dans les deux semaines qui suivent, mais concrètement je n'en sais rien donc vous aurez la surprise^^

Voilà, je vous dis à bientôt et j'espère que vous appréciez ce chapitre, comme d'habitude !

La poursuite (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant