Couronnement

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Cachée dans l'antichambre qui jouxte la salle du trône, j'attendais que tout le monde soit en place.

Le stress montait lentement depuis que je m'étais levée, et il atteignait son paroxysme là, juste avant le début de la cérémonie.

N'ayant jamais été très fervente dans la religion, j'avais en effet demandé à ce que mon couronnement n'ait pas lieu dans le temple mais ici, au palais, et tout le monde pouvait y assister.

La salle était bondée, et je regrettais presque d'avoir ouvert les portes à tout le monde.

Je me ressaisit. C'étaient des pensées stupides, le nombre de regards braqués sur moi durant toute la cérémonie n'était pas le plus important.

Je repassai une fois encore le texte que j'aurais à dire en remuant les lèvres en silence. Des mots forts. Justes.

En écartant légèrement le rideau qui pendait devant l'entrée de la salle du trône, je pus apercevoir Tumael entrer et s'asseoir sur un des bancs disponibles. Un sourire fleurit sur mes lèvres au souvenir de tout ce que nous avions partagé durant cette année à l'Université.

Plusieurs minutes passent encore. Je suis fébrile. Je tourne en rond dans la petite pièce, les mains tremblante, le cœur battants à coups rapides dans ma poitrine.

J'étais sur le point de demander à un serviteur d'aller faire accélérer les choses, quand trois coups puissants retentirent de l'estrade qui supporte le trône. Je me précipitai sur le rideau et l'entrouvrit à nouveau légèrement.

Le Gardiel se tenait devant le siège qui serait le mien, son sceptre à la main. C'est lui qui venait de frapper les trois coups, pour attirer l'attention de la foule.

– Vous savez tous pourquoi nous sommes là aujourd'hui, alors je ne vais pas tergiverser plus longtemps, puisqu'Hestiva le veut, nous allons couronner aujourd'hui notre Shmitiyou : Jana Heron'Dal.

J'étais passée dans le couloir sur lequel donnait la grande porte de la salle du trône durant sa petite présentation, et quand les deux gardes ouvrirent les portes en grand devant moi, je me sentis minuscule. Tous les yeux de la salle étaient braqués sur moi, et le silence de plomb qui s'était abattu quand les portes avaient arrêté de racler contre le sol était le plus solennel que j'ai jamais entendu.

Il fut cependant rompu par le bruit de mes pas, d'abord hésitants, puis de plus en plus réguliers au fur et à mesure que je parcourais toute la longueur de la salle.

J'étais venue de très nombreuses fois ici, mais jamais cette distance ne m'avait parue aussi longue.

En arrivant au pied des marches, où le Gardiel m'avait rejointe, je m'inclinai devant lui puis me tournai face à l'assistance, les bras le long du corps. Je ne savais pas comment me tenir autrement, malgré la légère sensation de ridicule.

J'aurais aimé dégager la même noblesse que mon père quand il était dans la fleur de l'âge, malheureusement j'étais loin d'avoir hérité de son charisme.

Le Gardiel passa deux marches au-dessus de moi et posa les mains sur mes épaules.

– En retirant cette cape, tu abandonne le statut simple d'héritière. C'est la fin de ton apprentissage, et tu vas donc pouvoir obtenir un nouveau statut : celui de Shmitiyou.

J'ai parlé en même temps que lui, répétant les mêmes phrases à la première personne.

La cape tombe au sol.

Cette cape, je l'ai porté dans toutes les occasions officielles depuis mes six ans, et elle a été régulièrement retouchée en fonction des besoins.

Ma sœur entra ensuite par la droite de l'estrade en portant une autre cape, beaucoup plus lourde, bleue nuit, bordée de fourrure blanche. Elle la passa au Gardiel qui la mit en place sur mes épaules. Elle touchait presque le sol. Il psalmodia presque :

– En mettant cette cape, tu accède au statut de Shmitiyou, et de lourdes responsabilités pèsent maintenant sur tes épaules.

Et effectivement la cape pèse sur mes épaules.

Encore une fois nous parlâmes ensemble, mais c'est seul qu'il repris après quelques secondes :

– En as-tu conscience ?

– J'en ai conscience et je l'accepte, répondis-je.

– Bien.

Puis il demanda en se regardant l'assistance :

– Qui ici refuse l'accession de Jana Heron'Dal au trône, et propose quelqu'un qu'il ou elle considère plus qualifié ?

Le silence seul lui répondit. Après quelques secondes, il frappa à nouveau son sceptre sur les marches, une fois seulement. De la même porte que moi, ma mère entra solennellement, portant le coussin qui soutenait la couronne. Elle traversa la salle avec grâce et s'inclina devant le Gardiel, comme je l'ai fait quelques minutes plus tôt.

Il prit la couronne avant que ma mère ne se soit redressée et passa une dernière fois derrière moi pendant que celle qui m'a donné la vie récupère mon ancienne cape. Je lui lançai un regard reconnaissant avant qu'elle n'ailles s'asseoir parmis les autres personnes présentes.

En balayant la foule des yeux, je croise le regard rieur de Tumael, qui me fait un léger signe de la main pour m'encourager.

– Par les droits du sang et puisque la démonstration de ses compétences a été faite, je proclame Jana Heron'Dal Shmitiyou d'Edonis, de ce jour, jusqu'à la fin de ses jours.

Tout le monde sans exception se leva quand la couronne dut posée sur ma tête, et les applaudissements retentirent longtemps. Durant tout ce temps, je restai debout devant ceux qui me faisaient confiance, une larme s'échappant de temps à autres du carcan de passivité que j'avais tenté d'établir autour de mon cœur.

La fête qui suivit la cérémonie dura toute l'après midi et une bonne partie de la nuit. Si le premier repas fut plutôt solennel, la soirée fut plus festive, la musique était entrainante et les gens dansaient volontiers.

J'acceptai une fois ou deux d'aller sur la piste avec Tumael, mais je n'avais jamais été très douée pour ça. Larina par contre s'en donnait à cœur joie, et je souris de la voir si heureuse.

Puis petit à petit, les invités se retirèrent, non sans être passés me féliciter encore une fois et m'assurer de leur soutien indéfectible.

Je doutais assez fortement de la parole de certains d'entre eux, mais la soirée n'était pas faite pour ce genre de réflexion, aussi j'acceptai toutes les félicitations avec le sourire.

Quand il n'y eu presque plus personne, et que j'eus demandé aux employés de commencer à débarrasser les tables, je sortis un moment dans les jardins avec ma mère, où nous discutâmes très longtemps de sujets un peu plus sérieux, sans toutefois rentrer trop dans les détails, l'humeur étant encore à la fête.

Alors que le ciel devenait gris à l'est, les rares personnes encore debout finirent par rejoindre leur lit, profitant d'une journée de repos que j'avais accordé à tout le monde. J'y allai pour ma part juste après avoir nourri Dune, Ashkore étant parti après le repas pour aller chasser.

Je m'endormis rapidement après m'être changée, le sourire aux lèvres.

La poursuite (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant