Tristesse

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Je savais que ça allait arriver. Je le savais, et je pensais avoir accepté l'idée. J'avais tort.

C'est arrivé un matin, environ une semaine après que la lettre que j'ai écrite à mon oncle soit envoyée.

Je viens de me lever. Je m'étire et m'assois devant le miroir de la salle d'eau pour me coiffer, toujours en chemise de nuit.

J'entends que l'on frappe à la porte alors je me lève, la brosse toujours dans la main. Je m'apprête à dire à la servante qui me fait face que je ne suis pas encore prête pour descendre manger mais son air fébrile me fait taire.

– Qu'est-ce qu'il y a ? Je lui demande.

– C'est... Votre père. Il vous demande.

– D'accord.

Je comprends ce qui est en train d'arriver et ne prends pas le temps de m'habiller. Je parcours les quelques couloirs qui me séparent des appartements de mon père presque en courant. Le froid des dalles de pierre sur mes pieds nus ne me fait aucun effet. Je ne m'en rends même pas compte.

J'entre sans frapper dans la chambre. Ma mère et ma sœur sont déjà là, de part et d'autre du grand lit. Les deux ont déjà les yeux rouges quand elles lèvent la tête vers moi.

Mon père, dont le teint très pâle contraste avec ses cheveux noirs et les draps bleu nuit, ouvre à peine les yeux à mon arrivée. Je me précipite à son chevet, à côté de Larina.

Je remarque à ce moment seulement la présence du médecin, en retrait. Je l'interroge du regard. Il comprends ma question muette et me réponds en secouant légèrement la tête avec un air triste. Il n'y a plus rien à faire.

Ses traits tirés m'indiquent qu'il a dû passer une grande partie de la nuit à tenter de le sauver. Quelque part, je lui en veux. J'aurais voulu être là. J'aurais voulu être là pour aider, même si je n'ai aucune compétence particulière en médecine.

Ma rancune repart, aussi vite qu'elle est venue quand un râle sort de la bouche de mon père.

Je me concentre immédiatement sur lui et prends sa main posée sur les draps. Elle est brulante de fièvre.

Nos regards se croisent. Ses yeux vides font monter des larmes aux miens, mais je les refoule. Ce n'est pas le moment.

Je ne lâche pas son regard, et ses yeux reprennent un peu vie quand il me reconnaît. Il articule avec difficulté :

– Jana...

– Oui Père ?

Mon cœur bat la chamade. Je ne veux oublier aucun des mots qu'il me dira.

Il regarde successivement ma mère, ma sœur et le médecin :

– Pouvez-vous nous laisser s'il vous plaît... Jana vous rappellera, promis.

– Père ? Mais que... Demande ma sœur.

– Tu le sauras bien assez tôt ma colombe, je le crains... La coupa notre père en caressant doucement sa joue. Mais je dois parler seul à seule avec ta sœur pour l'instant.

À contrecœur, tous les trois sortent donc et referment la porte derrière eux.

– Jana... Écoute bien ce que j'ai à te dire... Je vais le faire le plus vite possible. Je ne pourrais sûrement pas répéter...

Sa phrase est interrompue par une quinte de toux assez violente. Je prends la coupe posée sur la table de chevet et aide mon père à se redresser pour le faire boire. Je suis effarée par son poids si léger.

La poursuite (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant