Désastre

84 18 17
                                    

Si la présence de ma sœur ramène à ma mémoire de douloureux souvenirs, j'ai également retrouvé une raison de me battre. J'ai pris l'habitude de terminer ma part de travail plus vite pour pouvoir l'aider ensuite, avec l'autorisation des hommes qui nous surveillent. Mes journées sont harassantes, cependant je tiens bon. Pour elle. Dans l'espoir qu'un jour il y ait une occasion de partir d'ici.

La seule chose qui me retient c'est que je ne saurais pas où aller une fois les barrières franchies. Nous serions des fugitives incapables de quitter l'île et donc vouées à être rattrapées un jour ou l'autre. Et puis, notre condition physique n'étant pas optimale, ce serait vraiment perdu d'avance.

La seule solution si nous voulons partir, c'est d'avoir un point de rendez-vous avec quelqu'un d'extérieur possédant un bateau, qui nous permettrait de quitter l'île.

Ou d'avoir un dragon. Un dragon adulte, capable de voler sur de longues distances en portant deux personnes sur son dos. Et ça, quand bien même je retrouverais Ashkore, ça n'arrivera pas avant des années.

Je m'efforce pendant les mois qui suivent mon arrivée dans cette nouvelle ferme de ne commettre aucune erreur, et j'y arrive plutôt bien.

C'est lors d'un banquet important que donne le propriétaire des lieux, que j'échoue.

Cette réception a pour but de favoriser les contrats de vente de ce que nous récoltons avec des marchands, venus pour certains de très loin. Et il nous a bien été précisé que la tolérance était à zéro pour cette soirée. Aucune goutte ne devait être renversée pendant le service, et aucun mot prononcé.

On nous a de plus fourni des vêtements moins abîmés que ceux que nous portions jusque là, exceptionnellement pour la soirée.

Nous sommes tous tendus toute la journée, et même si chacun sait pertinemment où est sa place - la mienne est à la réception puis au service -, les gardes, que j'ai fini par surnommer les surveillants, nous répètent sans cesse ce que nous devons faire. La cuisine est sans dessus dessous depuis le matin, car il a été décidé que le plat principal serait Fardunost rôti. Entier. Il devra être découpé devant les convives, il est donc sur la broche dans l'immense cheminée de la cuisine qui est alimentée pour que le feu reste faible afin que la surface ne soit pas carbonisée.
C'est une tâche ardue et je me réjouis de ne pas devoir m'en occuper. Je suis préposée au ménage toute la matinée, et je nettoie de fond en comble la salle à manger, mais aussi le hall, le grand escalier qui en part et la bibliothèque, tout cela avec l'aide de deux personnes que j'avais très peu coutoyées jusqu'ici. Nous n'avons cependant pas vraiment le temps de faire connaissance tant la quantité de travail est énorme.

Il est presque l'heure d'arrivée des premiers invités quand nous terminons. J'ai juste le temps de me changer et de me mettre à mon poste derrière la porte avant que l'on entende pour la première fois une calèche arriver.

Je vois le maître des lieux arriver en me lançant un regard sévère de prévention. Je le rassure d'un hochement de tête. Je sais parfaitement ce que je dois faire.

Trois coups retentissent à la porte et immédiatement je tire celle-ci vers moi en faisant attention de ne pas être vue. On doit croire que la porte s'ouvre toute seule.

Je me retrouve donc quasiment coincée entre la porte et le mur le temps qu'Orwill salue ceux qui viennent d'arriver et les conduise vers le jardin.

Dès qu'ils ont quitté le hall, je repousse la porte et la referme en attendant les suivants. Il fait froid dehors et il est inutile de faire gaspiller du bois de chauffage.

Je reste à la porte un long moment, guettant le bruit des nouveaux arrivants et ouvrant la porte dès que j'entends frapper.

Quelqu'un de plus gradé que moi ou même parfois Orwill en personne accueille les invités et les dirige vers le jardin.

La poursuite (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant