Course

272 54 56
                                    


Je cours dans les bois. Il fait noir. J'ai peur. Les branches basses me griffent le visage et les bras, les ronces agrippent mon pantalon. Mais je ne m'en préoccupe pas. Je continue à courir. Ils sont tout près. Trop près. Je les entends derrière moi, à seulement quelques mètres.

Je trébuche sur une racine qui sort de la terre, comme si elle voulait me faire tomber, au pire moment qui soit. Je n'arrive pas à me rétablir. Je m'étale de tout mon long sur le sentier, au milieu des feuilles mortes. Ils se rapprochent encore. Trop vite pour que j'ai une chance de leur échapper en courant. Je ne cherche même pas à me relever, et rampe le plus vite possible vers le bord du chemin, dans les fourrés. Je m'y dissimule juste à temps. Ils viennent de franchir le dernier virage. Dans quelques secondes, si je ne suis pas repérée, ils seront devant moi, et je pourrais partir.

Un scintillement attire mon attention, juste devant moi au milieu des brindilles. Mon pendentif. Celui que je porte depuis ma naissance, ou peu s'en faut. Et qui est bien plus qu'un simple objet auquel je tiens. Je ne peux pas le laisser là. Mais je n'ai plus le temps d'aller le chercher. Ils sont trop proches. Eux aussi l'ont vu. Ils s'arrêtent. Discutent un moment dans leur langue gutturale. Je ne sais pas ce qu'ils disent, mais l'un d'eux ramasse le bijou au bout de sa chaine. Instinctivement, je porte la main à mon cou, là où il était encore il y a quelques secondes. Je serre le poing sur ma poitrine, en attendant qu'ils repartent. Mais ils parlent toujours. J'en vois un regarder les traces sur le sol. Et je sais que ma cachette d'urgence ne résistera pas à une fouille de la forêt aux alentours.

Ils sont une dizaine. La moitié environ finit par repartir à ma poursuite sur le sentier. Les autres se dispersent pour commencer à chercher, à seulement quelques mètres de l'endroit où je me trouve. Je retiens presque ma respiration. Ferme les yeux. Prie pour qu'il se passe quelque chose, n'importe quoi, qui détourne leur attention.

Les minutes qui suivent sont clairement les plus longues de ma vie. Chaque seconde dure une heure, ou presque. Je les entends, autour de moi, un peu partout. Ils se rapprochent un peu. Puis de plus en plus. un en particulier, remue les branches à moins de dix mètres de moi. j'ai une boule dans le ventre, la gorge nouée, les muscles tendus à craquer. J'ai l'impression que chacun des battements affolés de mon cœur va me trahir, que chacune de mes inspirations saccadées va me faire repérer. Mais je ne peux rien faire. Au moindre mouvement de ma part ils me verront, et je n'ai aucune chance de les battre à la course. Mon seul espoir, c'est qu'ils se lassent.

Espoir déçu.

La poursuite (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant