Après ce repas frugal, je remonte dans ma chambre et m'habille d'une robe noire à la coupe simple, les manches serrées. Sa seule particularité est d'être tissée de perle de verre qui scintillent à chacun de mes mouvements.
Je repasse dans ma salle d'eau et fais une tresse avec mes longs cheveux châtains, que je noue avec un ruban bleu.
Je redescends et rejoins ma sœur et ma mère dans le hall, d'où le cortège funèbre va partir. Je me place à leurs côtés, derrière le cercueil en bois, fermé. Il est porté par quatre hommes choisit avec soin par ma mère.
La cloche du temple se met à sonner des coups lents, et nous nous mettons en marche.
Nous sortons du palais et toute la cour se met en route derrière nous.
Le trajet à travers la ville est long, et la population s'est amassée le long des rues en entendant la cloche, nous passons donc dans une haie d'honneur de visages tristes. Je retiens mes larmes jusqu'à l'arrivée dans le temple.
Le bâtiment est très grand et haut de plafond, à la décoration très sobre. Il est cependant très lumineux du fait des grandes fenêtres le long des murs.
L'autel se dresse au centre la pièce, entouré de bancs en bois sombre sur trois des côtés.
Mais quand le cercueil se retrouve devant l'autel et est ouvert par le Gardiel*, mes yeux deviennent humides. Je les essuie rapidement d'un revers de main. Je reste quand même près de lui avec ma mère et ma sœur. Je n'avais jamais perdu d'être cher, et je ne pensais pas qu'on pouvait ressentir un tel vide. Un tel manque. Je ne le reverrai jamais. C'est l'idée principale qui tourne dans ma tête pendant tout le discours du serviteur de la déesse. Jusqu'à ce que vienne mon tour de parler. Je m'avance face à la foule et les balaye du regard.
– Eltan, mon père et notre Shmitiya à tous, était un homme d'une grande bonté. Il a toujours été un père exemplaire, et je crois qu'il était un bon gouvernant. Malheureusement aujourd'hui il est parti, et je dois prendre sa relève.
Je prends une grande inspiration et me redresse légèrement avant de poursuivre :
– Cela ne va pas être facile de faire aussi bien que lui. Je n'ai pas son expérience ni sa sagesse, mais je vous promets de faire tout ce que je pourrais pour régler tous les problèmes qui se présenteront. Mon père ne baissait jamais les bras, et je tâcherais de me montrer aussi forte qu'il l'était avant que la maladie ne le ronge. Mais je choisis de garder en mémoire ces années de bonheur où il nous protégeait plutôt que ces derniers mois durant lesquels son état à empiré. Je veux garder l'image d'un homme fort, d'un père aimant et d'un Shmitiya juste. Son corps n'est plus là mais il reste une part de lui en moi pour toujours.
Je refoule mes larmes pour terminer :
– Nous sommes tous, dans le château, très affectés par ce départ, mais soyez assuré qu'il y aura le moins de conséquences négatives possibles pour vous. Vous serez reçus dans les mêmes conditions qu'avant, et traités de la même façon. Cependant, essayez de ne pas oublier Etlan Heron'Dal, qui a été le Shmitiya durant plus de quarante ans.
Nous ne bougeons pas de tout le reste de la cérémonie, qui dure jusqu'à la fin de la journée. Puis nous repartons en cortège et retournons au palais pour enterrer mon père dans la crypte.
Une fois le cercueil dans son coffre de marbre et le lourd couvercle reposé dessus après une dernière prière, tout le monde s'en va, nous laissant seules, ma mère ma sœur et moi, dans le froid couloir de pierre.
La crypte est en fait un long couloir où on peut voir sur les deux côtés tous nos ancêtres sur des générations et des générations. Tous les dirigeants et leurs familles sont enterrés ici depuis des siècles.
Je n'ai jamais aimé cet endroit, mais je ne me sens pas la force de rester seule à ce moment-là, je reste donc près de ma mère, sa main dans la mienne. Ma sœur a la tête posée sur mon épaule et pleure encore à chaudes larmes. Nous l'entourons toutes les deux de nos bras pour la réconforter du mieux que nous pouvons.
Après un moment, nous finissons par remonter, disant définitivement adieu à notre père.
Ma mère nous propose un repas en passant près des cuisines, que je refuse poliment. Je n'ai pas faim du tout, et même les odeurs alléchantes qui s'échappent des fourneaux ne me font pas changer d'avis.
Je monte directement me coucher, mais une fois dans mon lit le sommeil ne vient pas. Mon père est mort, et si cela me rend très triste, ce sont mes nouvelles responsabilités qui m'effraient. Je vais être intronisée dans quelques jours, et même si j'assumais déjà la plupart des fonctions qui seront miennes, je ne peux m'empêcher d'angoisser à l'idée d'être responsable d'autant de gens.
Mais les émotions épuisantes de la journée finissent par avoir raison de moi et je m'endors tout de même quelques heures avant le lever du soleil, me laissant une nuit convenable.
*Les Gardiels sont les prêtres de la religion de ce peuple, je vous en dirai plus si cela vous intéresse dans une prochaine parenthèse, faites-le moi savoir !
P.S. : je sais qu'il y a peu d'action en ce moment, mais ne vous inquiétez pas ça arrive... Commencez-vous à voir dans quelle direction se dirige l'histoire ?
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La poursuite (en réécriture)
FantasyCela faisait des jours que j'étais traquée par ces Yrrkshs. Mon corps commençait vraiment à atteindre ses limites. Je mangeais à peine et n'avais pas dormi depuis trois jours. Je ne pouvais pas m'arrêter. Mais malgré tous mes efforts, ils se rapproc...