Entretient

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Je pars avec Larina assez tôt le lendemain matin. Nous nous dirigeons vers la ville le plus discrètement possible, en évitant les routes et en prenant soin de rester hors de vue de la porte.

Nous sommes peut-être encore recherchées et il est hors de question que je me retrouve à nouveau sur une estrade avec ma sœur pour être vendue.

Nous finissons par arriver au port, et nous avançons vers le navire qui porte les couleurs d'Edonis. Le noble - dont le nom refuse obstinément d'entrer dans ma tête - n'a pas l'air présent.

– Larkan'Jol. Me souffle Larina, en échos parfait à mes pensées. Jason Larkan'Jol. Essaye de ne pas l'oublier.

J'esquisse un sourire en hochant la tête.

Nous nous arrêtons toutes les deux à quelques mètres du quai où est amarré le bateau. Je ne peux m'empêcher d'admirer la figure de proue. Elle représente une sirène, sculptée avec une précision et un réalisme stupéfiant. Je m'attends presque à la voir bondir pour retourner dans l'océan.

Quelques secondes plus tard, Ma sœur me ramène a la réalité d'un coup de coude dans les côtes et me désigne un homme qui arrive, accompagné de quelques gardes. C'est bien lui. Nous devons maintenant réussir à lui parler, mais avant cela à l'approcher. Nous sommes vêtues de haillons et personne ne nous croira si nous disons être des nobles d'une autre île.

Je perds mon temps à réfléchir mais je vois soudain Larina, très droite, s'avancer d'un pas majestueux vers le noble. Mis à part ses habits et nos mines affreuses, on pourrait la croire au milieu d'un banquet de la Cour.

Je la suis en me redressant à mon tour, et tente d'imiter sa démarche altière. Ma cadette a toujours été meilleure que moi à ce jeu-là, comme pour tout ce qui concerne la Cour et l'étiquette.

Les quelques personnes présentes s'écartent pour nous laisser passer et quand nous approchons des gardes, juste avant que le seigneur ne monte à bord, ceux-ci nous bloquent le passage.

Sans se démonter, ma cadette prononce d'une voix ferme :

– Nous voulons parler au seigneur Larkan'Jol. C'est une affaire de la plus haute importance.

Je comprends que je dois la laisser parler pour l'instant. Je n'ai rien contre ça. Je suis un peu trop impulsive pour ce genre de discussions délicates, et puis c'est plus "formel" que j'ai une intermédiaire. Non ?

Le soldat qui a l'air de commander cette petite unité nous toise de la tête au pied puis répond d'un air méprisant :

– Partez. Vous n'êtes rien, il n'y a aucune raison que monseigneur Larkan'Jol vous accorde une entrevue.

– Vous ne reconnaissez pas ma sœur ? S'indigne Larina. Comment osez-vous dire que nous ne sommes rien ?

Je prends moi aussi un air outré et avance d'un pas pour me mettre légèrement en avant de ma cadette.

Le noble, qui dépasse ses soldats - et moi par la même occasion- de quelques centimètres, leur fait signe de s'écarter pour passer entre eux.

Ils s'exécutent et leur patron s'avance en nous observant toutes les deux.

Je sais que nous l'avons déjà vu, mais je suis incapable de me souvenir à quand cela remonte. Dans tous les cas nous avons dû bien changer depuis ce moment-là, et je ne suis pas sûre qu'il nous reconnaisse.

Les quelques secondes durant lesquelles il nous fixe me paraissent un éternité, mais il finit par dire :

–Jana... Jana Heron'Dal ? C'est vous ?

La poursuite (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant