Chaos

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Je me réveille dans le même état que la veille, et les souvenirs affluent à la surface de mon esprit, entrainant une vague d'autres évènements passés à laquelle je n'ai pas la force de résister. Encore une fois, les larmes roulent sur mes joues et je ne fais rien pour les retenir.

Je sens que je devrais me battre, tenter de refermer la porte qui s'est ouverte dans mon esprit, mais cette partie de moi encore lucide n'arrive pas à se faire entendre à cause du flot d'émotions dans lequel je suis prise.

Je ne sais pas combien de temps je reste ainsi mais je relève la tête en entendant du bruit à l'extérieur. C'est d'abord un grondement sourd qui a l'air de se rapprocher, puis des cris se ont entendre.

Des cris de peur, voire de panique. Puis de douleur. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, et mon inquiétude augmente rapidement quand le grondement se transforme en bruits de pas titanesques. Titanesques et très nombreux.

Je mets quelques secondes à trouver quelque chose à associer à ce bruit. Et si mon hypothèse est juste, je peux abandonner maintenant, je n'ai aucune chance, enfermée.

Toutes les informations dont je dispose sur ces animaux défilent dans ma tête à toute allure : nous ne les avons jamais domestiqués. Ils sont grands. Très grands. Jusqu'à quatre mètres de haut. Ils peuvent peser des dizaines de tonne. Les dragons ressemblent à de vulgaires lézards à côté d'eux. Ils ont des cornes comme les ferdunosts, mais également des défenses qui peuvent mesurer plusieurs mètres. Et normalement il n'y a rien à craindre d'eux. Ce sont de placides herbivores qui vivent en grands troupeaux. La seule raison pour laquelle ils peuvent devenir fous - et aux bruits que j'entends ils le sont déjà -, c'est si on s'en prend à un petit, ou s'ils sont chassés par des prédateurs. Je ne pense pas  Orwill assez présomptueux pour espérer en chasser donc la deuxième hypothèse doit être la bonne. Ce qui veut dire qu'en plus de mastodontes capables de réduire le bâtiment dans lequel je me trouve en bouillie et moi avec, il y a très probablement une troupe de grands prédateurs en liberté dans la ferme. Ma situation pourrait cependant être pire car le seul danger pour moi est d'être écrasée, je ne serais pas chassée.

Je suis sortie de mes réflexions par un garde qui enfonce presque la porte de la cellule pour se mettre à l'abri et referme immédiatement derrière lui.

Le peu que j'arrive à voir n'augure rien de bon. La panique est totale, des gens courent partout, le troupeau s'est dispersé, maximisant ainsi les dégâts.

J'aperçois également de loin un des prédateurs dont je supposais l'existence. Une bête immense, à la mesure de sa proie. Et eux aussi chassent en groupe. Ils sont très malins, beaucoup plus que les géants dont ils se nourrissent.

Quelques secondes à peine après l'arrivée du garde, alors qu'il ne m'a même pas remarquée dans le noir, je suis forcée de me jeter à terre pour éviter une défense qui vient de décapiter littéralement l'aile de l'isolement. Génial.

Je me relève d'un bond et fonce sur l'homme qui, étonnamment, n'a pas eu le même réflexe que moi et s'est retrouvé projeté contre un mur.

Il n'y plus rien à faire pour lui et malgré la nausée que cela provoque en moi, je récupère les clés et un couteau qu'il avait sur lui. Je ne sais pas m'en servir mais on ne sait jamais. Et puis ça ne doit pas être si difficile.

Je m'aventure donc dans le chaos extérieur, d'abord très prudemment, ne sachant pas trop quelle attitude adopter.

Assez rapidement cependant je trouve un but : rejoindre Larina. Et puis partir. Personne n'y fera attention, c'est l'occasion rêvée.

Je me mets presque immédiatement à courir, plus ou moins au hasard, appelant de toutes mes forces ma sœur. Elle ne m'entends bien sûr pas avec le vacarme ambiant, mais je ne perds pas espoir.

Je longe le bâtiment principal quand je me retrouve nez-à-nez avec un des prédateurs. Immédiatement, je me fige.

Il a l'air plus curieux que menaçant au premier abord, mais assez rapidement ses oreilles se couchent sur son crâne, ses crocs se dévoilent très légèrement et il commence à se ramasser sur lui-même pour bondir. Cet animal est plus grand que moi au garrot, je n'ai aucune chance de gagner en tentant de l'intimider.

Je recule d'un pas, lentement, en priant pour qu'il ne me prenne pas encore pour une proie. Il avance d'autant.

Un filet de sueur glacée coule le long de mon dos et mon cœur bat la chamade. Je n'entends plus rien autour, toute mon attention est focalisée sur le prédateur en face de moi.

Je recule encore. Tente de reculer. Le mur de la vieille bâtisse m'en empêche. La bête est de plus en plus près. Moins d'un mètre maintenant.

Il est rejoint par un autre de sa race. Je tremble. Je n'ai plus aucune chance. Je perds une nouvelle fois espoir.

Les quelques secondes qui suivent sont les plus longues de toute ma vie. J'ai presque l'impression, au regard qu'ils échangent, que les deux animaux communiquent entre eux.

Le seul plan qui me vient à l'esprit est de me laisser tomber sur le ventre à la seconde où ils me bondiront dessus pour m'enfuir en courant ensuite.

C'était sans compter sur les quinze tonnes et les énormes pieds du géant qui écrasent l'un des deux carnivores et envoie l'autre voler à plusieurs mètres de là.

Je ne perds pas une seconde à réfléchir et dès que l'énorme animal est passé je m'éloigne autant que possible de cette partie de l'exploitation.

Quelques minutes plus tard, j'entraperçois la chevelure blonde de ma sœur, qui est cachée par un majio, les plus grands des animaux terrestres . Je me fraye un chemin jusqu'à elle.

Elle est plantée au milieu de toute cette pagaille, complètement tétanisée. Je la prends par la main et elle a l'air de se réveiller en me reconnaissant.

Nous échangeons un regard et partons en courant vers la sortie de la ferme.

J'aurais voulu pouvoir emmener d'autres personnes avec nous, mais le temps nous est compté : les animaux commencent déjà à partir, et l'ordre sera bientôt rétabli, avec l'appel, l'inventaire des dégâts, et les réparations à faire.

Nous courrons longtemps je crois, suffisamment en tout cas pour qu'au bout d'un moment nous nous écroulions presque simultanément au bord du chemin, haletantes, trempées de sueur et de pluie qui recommence à tomber.

Nous nous relevons pour nous mettre à l'abri dans un bosquet proche, et sans laisser le temps à Larina de se rasseoir, je la maintiens en activité : nous devons avant tout construire quelque chose pour nous protéger des intempéries pour la nuit. Puis nous aviserons de la suite du programme. Une fois que nous sommes à peu près au sec, nous discutons un moment pour décider de la direction à prendre.

Nous n'arrivons pas à une bonne conclusion, et même si la faim commence à se faire sentir, nous ne prenons pas le risque de ressortir pour chercher des baies potentiellement comestibles. En plus de se perdre, nous risquons de tomber sur des prédateurs nocturnes à présent, et bien qu'ils ne soient pas aussi impressionnants que ceux que nous avons croisés dans l'après-midi, ils n'en sont sans doute pas moins mortellement dangereux.

Nous finissons par nous endormir, ignorant le bruit de la pluie qui commence à se calmer et le souffle du vent dans les arbres au-dessus de nous.




Bonsoir à tous, je sais que ce chapitre a du retard, mais voilà, les cours, tout ça tout ça^^

Je voudrais aussi remercier deux personnes qui se reconnaitront pour m'avoir aidé à la relecture de ce chapitre, et je souhaite pour finir une très bonne soirée/journée à chacun d'entre vous !

La poursuite (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant