Secret

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La journée du lendemain passe comme dans un rêve. J'effectue mon travail mécaniquement, les gestes étant devenus automatiques. Je suis perdue dans mon excitation de la soirée qui va arriver. Mon taux d'adrénaline monte tout au long de la journée, et à la fin je n'ai qu'une hâte : terminer de servir le repas. Une fois cela fait, je récupère un peu de la viande de mon repas dans un petit baluchon que je cache sous ma paillasse avant de m'allonger avec les autres pour la nuit.

J'attends avec impatience que mes deux compagnons s'endorment. Je n'ai évidemment pas pu leur dire un seul mot de la découverte que j'avais faite, je ne peux pas prendre ce risque. Outre le fait qu'ils pourraient en parler,bien que je leur fasse suffisamment confiance pour croire que non, on pourrait surtout nous entendre. Et là ça serait problématique.

Après être restée allongée un temps à la limite du supportable pour mes nerfs, je me lève, récupère la viande et me mets en route le plus discrètement possible. Je jette un œil derrière moi avant de refermer la porte pour vérifier que mes deux amis dorment toujours. C'est le cas, aussi je parcours le couloir sur la pointe des pieds en guettant tout bruit venant de derrière moi.

Une fois sortie de la maison, j'accélère le pas, et je parcours le chemin presque en courant, tendue comme la corde d'un arc. Je m'arrête seulement pour récupérer des feuilles cicatrisantes dans le potager afin de changer son bandage.

Je suis inquiète soudainement. Et s'il n'avait pas survécu ? Si je n'avais pas été assez rapide et que sa blessure a eut raison de lui dans la journée ? Heureusement, quand j'arrive, je suis accueillie par un couinement apeuré. Il est en vie. Je pousse un léger soupir de soulagement en écartant les branchages et m'avance lentement vers le petit. Je m'arrête à un peu moins d'un mètre de lui, quand il se met à feuler. Il ne dois pas me reconnaitre. J'ignore ses protestations et enlève les vieilles feuille. La blessure est déjà en meilleur état que la veille, vu qu'elle est restée propre et saine. Rassurée, je mets le nouveau bandage. Je reste cependant attentive à sa tête et ses autres pattes pendant l'opération, histoire d'éviter un coup de dents ou de griffes.

Une fois cela fait, je sors la viande de son emballage de fortune sans gestes brusques et lui en tends un morceau en m'accroupissant devant lui.

Il redresse immédiatement la tête, intéressé mais toujours craintif. J'avance un peu la main et pose le morceau devant lui. Il l'avale d'un seul mouvement rapide du cou, comme un serpent.

Je pose le second morceau un peu plus loin. Le manège se reproduit. C'est la même chose avec le troisième morceau. Le quatrième, je le laisse dans ma main posée au sol devant lui. Il hésite, approche la tête, s'éloigne, recommence... Je ne perds pas patience. Il finit par l'attraper en un éclair, frôlant la paume de ma main au passage avec ses dents. Je contrôle le réflexe qui me disait de retirer ma main. Je ne dois surtout pas le surprendre ou lui faire peur.

Je continue à le nourrir ainsi, par petits bouts, et il finit par être rassasié. Il me fait confiance maintenant, ça se voit. Il n'hésite plus avant de me manger dans la main, il ne feule plus... et je m'étonne du fait qu'à aucun moment il n'ait essayé de me mordre ou de me griffer. Je ne m'en plains pas cela dit.

Je reste encore un moment avec lui, histoire qu'il ne m'associe pas seulement à la nourriture. Je le caresse délicatement en lui parlant doucement. C'est encore trop tôt pour que je bouge vraiment avec lui. Il finit par s'endormir. Je me relève lentement et sors de la grotte.

Je referme l'entrée, même si ça me rends triste de le laisser ici. Je me suis attachée à ce petit très vite. Peut-être trop. Mais la partie de moi qui rêve de liberté est comblée par ce petit être, même si l'autre partie, celle qui est rationnelle, est en ébullition. Mais elle n'arrive absolument pas à se faire entendre, et je me mets à réfléchir à un nom pour mon protégé.

Il y a des légendes qui circulent sur mon île natale selon lesquelles des gens volaient à dos de dragon. Aujourd'hui, plus personne n'arrive à les apprivoiser. Je me rends compte que c'est ce que je suis en train de faire, et que par conséquent ce n'est pas impossible. Certes il s'agit d'un bébé, certes il est blessé, mais je suis en train d'apprivoiser ce dragon. Je passe dans ma mémoire les noms des dragons mentionnés dans les légendes, mais aucun ne m'inspire vraiment.

Soudain, un nom sorti d'à peu près nulle part jaillit dans ma tête : Ashkore.

Je me le répète plusieurs fois, dans ma tête et à voix haute. Ashkore. Ashkore. Ça correspond parfaitement, je décide donc de le nommer comme cela. J'arrive devant le bâtiment moins de deux minutes plus tard, et j'entre sans bruit dans le dortoir. Je me couche et ferme les yeux. Encore une fois, le sommeil m'emporte rapidement.

Cette nuit-là, je rêve que je vole. Je suis loin, très loin au dessus des nuages, le soleil est dans mon dos, le vent froid fouette mon visage et emmêle mes cheveux, la vitesse me fait même pleurer. Je suis euphorique.

Et puis je tombe. Il fait noir autour de moi tout à coup. Je tombe simplement à l'infini dans le noir. Je me réveille en sursaut à l'instant ou quelque chose me rattrape. Qcuelque chose qui vient d'au-dessus de moi. Qui me tient dans ses pattes griffues avec beaucoup plus de délicatesse que ce que l'on pourrait croire.

Je suis haletante sur ma paillasse, les cheveux trempés de sueur, les bras moites... Il fait encore nuit noire. Je me couche sur le côté, espérant glaner encore quelques heures de sommeil. Je me rendors presque immédiatement, sans même m'en rendre compte.




Voilà, encore une fois j'espère que ce chapitre vous a plus, en tous cas j'ai adoré l'écrire !

Des théories sur la suite ? Des souhaits ? Dites le moi, je réponds à tous les commentaires (sans vous spoiler l'histoire évidemment)^^

La poursuite (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant