Les informations que j'ai apprises la veille me reviennent à l'esprit à la seconde où je me réveille. Je n'en reviens pas que Denoran m'ait reconnue après si longtemps. Il a dû voir un air de famille avec mes parents, ou alors je n'avais pas reùarqué que mon Anatare était visible au moment où j'ai failli être mise à mort. Je frissonne à ce souvenir. Les images stockées dans la pierre à mon cou reviennent, ces quelques jours de torture où j'avais été très près de sombrer définitivement dans la folie et ces quelques secondes où j'avais frôlé la mort. J'avais accepté mon sort à ce moment-là. J'espère qu'aujourd'hui ce ne serait pas le cas. J'ai une raison de me battre. Plusieurs même.
Je m'en veux d'avoir renoncé aussi facilement, et la peur associée à cet événement se transforme peu à peu en une colère sourde. Colère contre moi, contre ces gens qui nous ont menacées et aussi un peu contre les autres qui n'ont rien fait.
Je me lève sur cette pensée et réalise les tâches qui me sont assignée tout au long de la journée avec efficacité. J'ai beaucoup appris depuis mon arrivée ici, et je suis désormais complètement autonome sur tous les travaux à effectuer dans la ferme. Je me prends à espérer pouvoir apprendre tout ça aux gens chez moi, sur mon île natale. Je sais que les dragons sont adultes à environ cinq ans. Ashkore en a deux, je ne pourrai donc pas partir sur lui avant au moins trois ans.
Je me donne une petite claque mentale. Je ne peux pas me permettre de faire des projets sur le si long terme. Il peut se passer n'importe quoi d'ici-là et je ne sais pas du tout où je serais à mes vingt-quatre ans. Loin d'ici, dans mes rêves. Chez moi. À ma place de Shmitiyou. En paix avec les Yrrkshs. Avec ma sœur et mon dragon.
Ça, c'est le dénouement idéal. Mais je n'ai aucune idée des péripéties qui m'attendent entre maintenant et ce dénouement.
À nouveau les jours et les semaines s'enchaînent et la routine s'installe. Mon anniversaire arrive et repart sans que je n'en parle à qui que ce soit.
Je vois Ashkore grandir, devenir plus fort de jour en jour. Il ne cherche toujours pas à sortir de la grotte. Cependant il y a bien un moment où il va devoir apprendre à se nourrir. Les quantités qu'il demande sont toujours plus grandes, et je ne vais pas pouvoir les lui fournir éternellement.
Un soir cependant quand j'arrive, je trouve ma barrière de branches éparpillée devant l'entrée de la cavité, et mon dragon allongé devant, avec devant lui un amas de viande de cuite.
Il m'accueille comme à son habitude en venant vers moi en courant, et je caresse sa tête et son cou, ravie des progrès qu'il fait. Je vois aussi qu'il commence à perdre son duvet gris-brun. C'est bon signe. Cela prouve bien que je ne m'étais pas trompée sur son âge.Soudain il éternue, et une flammèche s'échappe de sa gueule. Je fais un bond en arrière, surprise, et me retrouve sur les fesses à environ un mètre du petit qui s'approche, sans doute intrigué par par ma réaction. Je le gronde gentiment en lui disant qu'il doit essayer de contrôler ses émissions brûlantes s'il ne veut pas que je finisse comme son repas, que je désigne du doigt.
Je vois donc qu'il a réussi à brûler quelques petits rongeurs. C'est sur ce genre d'animaux que les petits s'entraînent avant de passer aux oiseaux quand ils savent voler, ça ne me surprend donc pas.
Comme je montre son repas, il englouti une de ses victimes d'un coup, et le mouvement de sa tête de me fait éclater de rire.
Il se tourne vers moi avec un air offensé qui fait redoubler mon hilarité, puis il se jette sur moi pour jouer. Je me redresse et pars en courant, le dragon sur les talons. Il arrive à attraper mon pantalon dans sa gueule et je m'étale de tout mon long. Je me retourne aussi vite que je peux et le plaque au sol pour le maîtriser en faisant attention de ne pas lui faire mal.
Il mordille gentiment ma main et je me redresse pour le faire rentrer dans la grotte avant de repartir. Je sais qu'il ne se sauvera pas loin mais je veux qu'il garde ce lieu en tête pour nos rendez-vous.
Je lui donne un morceau de viande que j'ai apporté pour la forme et lui dit au revoir d'un signe de la main.
Je suis un peu déçue de ne pas avoir assisté à la première flamme de mon protégé, mais je suis heureuse de le voir grandir. Cela me rappelle mes premières années avec Dune. J'ai fais le même travail qu'avec Ashkore quand mon cheval n'était encore qu'un poulain, bien que ce fût un peu moins dangereux.
Je m'endors bercée par ces souvenirs heureux, le sourire aux lèvres. Je crois que vu la situation, je pourrais difficilement être mieux qu'ici.
C'est le seul évènement marquant jusqu'à la fin de la saison chaude, environ quinze semaines plus tard. Ashkore est à présent de la taille d'un très gros chien.
Il se met donc à pleuvoir, pas beaucoup plus souvent mais plus fort, et nous terminons régulièrement la journée trempés jusqu'aux os.
Il fait également beaucoup moins chaud, ce qui fait que Gastin tombe malade pendant plus d'une semaine. C'est ensuite moi qui suis obligée de rester allongée, et je me réjouis que mon dragon sache chasser à ce moment-là. Quand je reviens le voir quelques jours plus tard, il me fait une fête immense, me saute dessus en glapissant de joie. Dans son élan, il crache un petit jet de flamme qui vient me brûler la main. Je pousse un cri de douleur et Ashkore s'arrête immédiatement pour venir doucement caresser ma plaie du bout du nez. Je renonce presque immédiatement à le gronder, non sans lui avoir fait la morale encore une fois.
Je fais passer cela pour une brûlure alors que je ravivais le feu de la cheminée principale, et personne ne s'en formalise, sauf Denoran qui doit bien sûr se douter d'où vient ma blessure.
Mais elle guérit rapidement, et nous n'en parlons puisqu'elle ne me gêne pas pour travailler.
C'est quelques jours plus tard, lors d'un des plus gros orages que j'ai jamais vus, que je suis réveillée par une chaleur presque anormale dans la pièce où nous dormons.
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La poursuite (en réécriture)
FantasíaCela faisait des jours que j'étais traquée par ces Yrrkshs. Mon corps commençait vraiment à atteindre ses limites. Je mangeais à peine et n'avais pas dormi depuis trois jours. Je ne pouvais pas m'arrêter. Mais malgré tous mes efforts, ils se rapproc...