Poursuite

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Nous marchons une bonne partie de la journée du lendemain à un rythme soutenu afin de mettre le plus de distance possible entre nous et les esclavagistes. Il est hors de question que j'y retourne.

La bouffée de joie qui m'envahit quand je réalise qu'enfin je suis à nouveau libre me fait éclater de rire.

Nous marchons sans avoir d'objectif précis en tête, nous voulons juste rester à l'écart de la civilisation. Nous avons cependant toutes les deux conscience que nous devrons y retourner à un moment où à un autre pour quitter cette île. Mais pour l'instant, nous ne cherchons simplement la tranquillité.

Malheureusement, celle-ci est de courte durée.

Des aboiements retentissent bientôt derrière nous, encore à bonne distance.

C'est suffisant pour que nous partions en courant. Encore une fois sans réfléchir aux chemins que nous empruntons, nous tentons de semer nos poursuivants. Car même si nous ne les avons pas vu, les chiens que nous avons entendus sont forcément accompagnés par des hommes. Des hommes qui sont à notre recherche.

Courir nous maintiendra hors de portée un moment mais non seulement nous ne pouvons pas tenir à cette vitesse indéfiniment et en plus les animaux courent bien plus vite que nous.

Toutes ces pensées défilent dans ma tête en une seconde. Nous devons trouver une autre solution rapidement.

Larina court près de moi et je jette régulièrement des coups d'œil dans sa direction. Elle me suit, déterminée. Elle non plus ne veut pas être à nouveau enfermée.

Après un virage brusque du sentier que nous longeons, nous sommes forcées de piler net.

Une rivière rapide coule en bas d'une gorge d'une quinzaine de mètres de profondeur.

Le sentier continue vers la gauche, nous repartons donc sans nous attarder et suivons la rive.

Les aboiements se rapprochent. On commence même à en entendre venant de l'autre côté du torrent. Nous n'avons donc plus que deux directions pour fuir, dont l'une est obstruée par un haut talus au bord du sentier.

Cela fait un long moment que nous courrons, et si l'adrénaline nous permet de tenir, nos jambes se font lourdes, et un point de côté vrille mon flanc. Je commence à avoir du mal à garder un souffle régulier comme je me l'étais imposé au début de la course.

Le chemin se prolonge en un pont de pierre bordé d'un petit parapet, et nous nous engageons dessus.

Nous n'avons pas beaucoup d'avance et donc pas le temps de réfléchir. Cela me semblait la seule option que nous ayons jusqu'à ce que les chiens que nous avons entendus de l'autre berge nous bloquent le passage. Ils sont rapidement suivis de leurs maîtres.

Nous faisons volte-face mais la situation est la même de l'autre côté.

C'est là que la seconde option me saute aux yeux.

C'est risqué. Mais c'est ça où nous faire reprendre.

J'échange un regard avec ma cadette, et une lueur de peur se manifeste dans ses yeux quand elle comprend mon interrogations muette. Allons-nous sauter ?

Elle hoche imperceptiblement la tête.

Je prends sa main et m'élance avec elle. Nous n'avons aucun problème à franchir le garde-fous.

La fraction de seconde que dure la chute la chute me paraît beaucoup plus longue que cela, et le choc de la surface liquide glacée me coupe le souffle.

Je suis entrainée sous la surface, secouée dans tous les sens au point que je ne distingue plus le haut du bas.

Le seul repère qu'il me reste, c'est la main de Larina dans la mienne, que par miracle je n'ai pas lâché.

Par intermittence, j'arrive à aspirer une petite goulée d'air, mais mes poumons sont au bord de l'explosion quand nous arrivons enfin dans une partie plus calme de la rivière.

Je remonte à la surface et respire à pleins poumons. Je n'en reviens pas de m'en être sortie aussi bien. J'ai réussi la déesse sait comment à garder la bouche fermée, je n'ai donc pas avalé d'eau, et nous n'avons heurté aucun rocher.

Après quelques secondes, ma cadette ne remontant pas, je la tire à moi.

De pâle, je devient blême en voyant ses yeux clos. Sa poitrine ne se soulève plus.

Je nage frénétiquement vers la rive et l'allonge le plus délicatement possible sur les galets.

A genoux père d'elle, je commence par tapoter ses joues, puis plus fort. Elle ne réagit toujours pas. Paniquée, je me mets à appuyer sur sa poitrine comme j'ai déjà vu un médecin le faire un été sur une personne qui a faillit de noyer.

Après une dizaine de pressions, elle prend une grande inspiration puis expire en toussant et en crachant de l'eau.

C'est à ce moment-là que je me rends compte que l'eau sur mon visage n'est pas seulement celle de la rivière. Je ne cherche pas à cacher mes larmes. Cela n'aurait aucune utilité.

Larina ouvre les yeux et je me redresse, soulagée.

Je me retiens de la serrer contre moi tant qu'elle n'a pas reprit son souffle correctement, puis je me jette presque sur elle en disant :

– Ne me refais jamais une peur pareille ! J'ai cru que je t'avais perdue !

Elle esquisse un sourire, visiblement encore sous le choc elle aussi, et je me mets à rire, sans m'être arrêtée de pleurer. Le trop plein d'émotions avait besoin de sortir.

Nous restons là un moment, dans nos vêtements trempés, sans savoir où nous sommes. Mais nous n'avons pas la force de bouger.

Nous finissons par repartir en nous éloignant de la rivière le plus possible, et en priant pour qu'ils ne retrouvent pas notre trace après ce plongeon.

J'espère également que nous avons suffisamment peu de valeur pour qu'ils abandonnent les recherches rapidement, ou alors qu'ils soient persuadés de notre noyade. Enfin quelque chose qui les fasse renoncer à nous retrouver.

Nous n'entendons rien de suspect jusqu'au soir, et nous décidons de nous arrêter pour la nuit. Je commence à croire que mes vœux ont été exaucés puisque rien ne vient troubler la soirée, et nous nous endormons très rapidement, épuisées par notre course puis notre combat contre la rivière.

La poursuite (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant