La poursuite (en réécriture)

Jugement

Denoran fronce les sourcils et s'adresse à moi sévèrement :

– Jana, c'est vrai ?

– Non... Je me suis levée tôt pour vérifier que la clôture avait tenu justement... J'ai percuté votre fils en revenant pour commencer à préparer le repas. D'ailleurs je m'en excuse monsieur, j'improvise avec un petit signe de tête vers lui.

– Alors pourquoi tu avais l'air si pressée ? Rétorque Falek.

– Eh bien... Je...

Je suis en train de perdre pieds je le sens. Je n'arrive plus à mentir.

– Oui... ? Insiste Denoran.

– Je... J'espérais pouvoir glaner quelques minutes de sommeil en plus...

Un mensonge pitoyable. Je m'en rends compte à la seconde où les mots sortent de ma bouche, personne ne peut y croire.

Je baisse les yeux, honteuse. Je m'en veux de devoir voler de la nourriture, mais même maintenant que je suis prise au piège, je ne peux pas leur révéler ce que j'ai découvert. Ils le tueraient, et ça ce n'est pas envisageable.  Tant pis. Je vais assumer.

Denoran pousse un long soupir et dit doucement :

– Falek laisse-nous s'il-te-plaît. Je vais m'en occuper.

Le fils quitte donc la pièce, visiblement déçu de ne pas assister à la suite des évènement. Mais il n'insiste pas.

Je le suis des yeux puis reviens vers celui qui m'a sauvée. C'est cela qui me fait culpabiliser, je me sens toujours redevable envers lui. Mais je n'avais pas d'autre choix que de prendre de la nourriture pour Ashkore dans la réserve.

Le regard du vieil homme est plus affligé qu'irrité, ce qui m'étonne. Je m'attendais à une explosion de colère, mais quand il prend la parole, c'est sur un ton très calme, ses mains posées à plat sur son bureau :

– Jana, les rations sont calculées pour vous nourrir correctement, et je vois bien que souvent vous en faites un petit peu plus que ce qui est permit. Je le tolère parce que je sais que vous faites un travail physique qui vous demande de l'énergie. Tes rations ne suffisent pas ?

– Si, elles sont suffisantes...

– Alors pourquoi aller voler dans la réserve ? Tu nourris quoi avec cette viande ?

Je dois absolument trouver quelque chose de crédible. Tout de suite. Je ne peux pas révéler l'existence de mon dragon mais il faut que je trouve un prétexte qui justifierait mes rapines.

–Je... C'est compliqué...

Il pousse un soupir avant de reprendre calmement, comme s'il parlait à un enfant :

– Jana, je comprends que tu ais du mal à me faire confiance, mais si je t'ai achetée c'est qu'il y a une raison. Tu ne dois pas me cacher des choses comme ça, non seulement parce que je vais regretter mon geste, mais aussi parce que ça peut laisser penser que tu prépare un mauvais coup. Surtout à Falek.

Je relève les yeux vers lui, étonnée :

– Je n'ai absolument pas l'intention de vous nuire, je sais ce que je vous dois, monsieur. Je vous suis toujours redevable et je ne voulais pas vous faire de tort mais...

J'hésite quelques secondes avant de continuer :

– Monsieur, puis-je vous demander quelle est la raison qui vous a poussé à me sauver... ?

– Tu n'as jamais remarqué ?

Il porte la main à son cou lentement en ajoutant :

– Je sais qui tu es Jana Heron'Dal. Je t'ai reconnue à l'instant où je t'ai vue et je ne pouvais pas te laisser mourir. Tu ressembles beaucoup à ton père.