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Le mois de janvier a filé à toute vitesse. J'ai pris les quatre jours d'arrêt de travail donnés par le médecin en sortant de là-bas, et je me suis forcée à retourner au travail le lundi matin. Ça n'a pas été facile de se lever, croiser le regard des collègues se demandant où j'étais à nouveau passée pendant près d'une semaine. À ma mine, Hélène, la collègue avec qui je partage le bureau, m'a demandée si j'allais bien.

Répondre non aurait été honnête. Mais m'aurait obligée à lui dire pourquoi. Ou tenter d'inventer un mensonge mais je ne suis pas douée pour ça, je finis toujours par me faire prendre.

Répondre oui m'a permis de passer à autre chose et me replonger dans les dossiers.

Se retrouver occupée de 9h à 19h le soir, comme avant finalement, est au fond, sûrement, une bonne chose. Je n'ai pas le temps de penser à la tristesse de ma vie. À l'absence douloureuse d'amour dans ma vie.

Gaétan prend énormément de son temps pour moi. Il vient me chercher le soir au travail, m'amène au cinéma, à des concerts, boire des coups, faire un peu de shopping pour les soldes, me fait à bouffer et a jeté tous mes plats tout préparés polluant mes placards et congélo. Il m'écoute renifler et chialer la nuit, à travers le combiné du téléphone. Il fusille du regard les copains qu'on croise parfois quand ils me demandent où est Gilles. Si eux-mêmes ne le savent pas, alors je peux rien pour eux.

Elisa, mise dans la confidence, un peu par accident, je voulais lui épargner mon malheur, alors qu'elle est enceinte de 7 mois bien passés, m'invite souvent aussi chez elle, à boire du chocolat chaud et se gaver de petits gâteaux qu'elle a le temps de préparer, maintenant qu'elle est en congé maternité. On parle de tout sauf du sujet qui occupe à plein temps sa vie, la maternité. On regarde parfois de vieilles photos, où elle a pris soin d'enlever toutes celles où on le voit.

Elle m'a promis que lorsqu'elle ne sera plus enceinte, elle ira le chercher par la peau des couilles et lui fera bouffer le cordon ombilical qu'elle aura pris soin de conserver dans du formol après la naissance.

Je me sens tellement bien entourée, que parfois j'en viens à oublier qu'à presque 30 ans, je me retrouve seule, et bientôt sans appartement, j'ai envoyé la demande de préavis, en me disant qu'il serait simple pour moi de me retrouver un appartement. Mais non, les prix sont exorbitants et les locations que j'ai trouvées puis visitées, sont soit miteuses soit beaucoup trop petites pour que je tienne, ne serait-ce que debout sans me cogner la tête.

Dans 8 jours, je suis à la rue. J'ai bon espoir que la visite de programmée de ce soir soit la bonne. Et la dernière. Un charmant deux pièces, sur le papier en tout cas, vers Dupleix, avec cuisine équipée séparée, un salon, une chambre à part, charges comprises, 1150 €. Je devrais pouvoir m'en sortir, en me serrant un peu la ceinture. Comprenez, stopper le shopping compulsif. Et y a le métro à deux pas, avec ligne directe jusqu'au boulot me permettant de ne pas devoir partir de chez moi 2 heures avant, le matin.

- Justine, tu pourras m'apporter le dossier Levallois pour 18 heures ?

- Corinne, justement, j'allais venir te demander si je peux partir avant, j'ai une visite pour un appartement à 18h dans le 15e.

- Ça m'arrange pas. Alors tâche d'avoir fini le dossier avant de partir !

- D'acc' Chef !

Le problème, dans le métier que je suis, les assurances, un dossier à boucler selon le sinistre, les dégâts ou le recours d'un tiers, peut me prendre 1 heure comme 3 jours. Espérons alors qu'à 17h30 max j'ai bouclé ce dossier nébuleux, qui commence tout doucement, soyons sincères, à me courir sur le haricot !

RenaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant