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Point de vue Justine

En m'engouffrant dans le taxi venu nous récupérer devant l'appartement de Théo, je me réjouis à la seule idée de rejoindre enfin mon lit et m'y caler jusqu'à demain. J'espère ne pas en sortir avant quinze heures. Je suis claquée, j'ai dû prendre sur moi pour faire bonne figure et ne pas squatter en loucedé la chambre des deux amoureux.

-          Putain, je vais pouvoir enfin dormir, je raille en laissant mon corps vibrer dans un long frisson de froid et de fatigue.

-          Je t'ai trouvé bizarre, j'ai fait quelque chose de mal ?

S'il fait allusion au fait que je n'ai pas touché une goutte d'alcool ni une clope ce soir, alors oui je peux paraître bizarre. S'il pense aussi, en disant ça, à toutes mes tentatives pour l'éviter ce soir, je ne peux que le comprendre, et me sentir con de lui avoir fait subir ça. Mais j'ai rien voulu aborder chez le membre du S, j'estime que ce n'était ni le lieu ni le moment. Alors j'ai choisi l'option, certainement pas la meilleure, mais c'est tout ce qui m'est venu, Esquive. Pourtant, vous n'avez pas idée à quel point ça m'a brûlé les lèvres, tout le long de la soirée, de tout lui raconter. Encore maintenant, j'ai comme un goût de fumé sur le bout de la langue. J'ai su me retenir tout ce temps, il peut attendre qu'on soit chez nous. Et j'ai pas envie de balancer une info pareille dans un vieux C-max à l'odeur régnant dans l'habitacle plus que discutable.

Mais il a raison, y a bien quelque chose qui ne tourne pas rond chez sa Juju. J'ai senti son regard foncer sur moi quand j'ai dit « non merci » à Deen qui me tendait un shot de Tequila. Une première ! J'ai senti ses billes cacao, trahissant sa surprise quand je me suis levée d'un bond vers les toilettes, en emmenant presque avec moi Sneaz, calé sous le plaid avec moi.

En sortant de la petite pièce, j'ai repensé à ce moment, quasi deux ans en arrière, que je n'ai jamais oublié. Alors qu'on se côtoyait à peine et que je voulais le tenir éloigné de ma vie parce que je pensais qu'avoir à nouveau des sentiments pour un homme n'était plus fait pour moi après le fiasco de mon histoire avec Gilles, on s'était retrouvés collés l'un à l'autre contre la même paroi de ces toilettes. Je me suis rappelé la multitude de sensations agréables fourmillant dans tout mon corps quand le sien avait frôlé ma poitrine.

Ce soir, en tombant nez à nez avec lui, ma main essuyant encore le pourtour de ma bouche, je me suis trouvée tellement injuste de l'éviter et de passer sous silence ce qui m'était arrivé deux heures plus tôt et ce que j'avais appris. Mais je ne voulais toujours pas aborder le sujet, encore moins devant la porte des toilettes.

Il m'a encore demandé si ça allait bien, j'ai prétexté une petite indigestion passagère parce que je me suis jetée sur des pâtisseries avec Gaga dans la soirée. Et qu'il fallait que j'arrête de manger que sucré à l'heure du diner. Il ne m'a pas cru mais a fait l'effort de me faire croire l'inverse. Il sait très bien que je lui ai menti, et n'en démords pas. Il avait peut-être déjà écouté le message laissé par Gaga, l'informant que j'étais aux urgences. Et quand je l'entends me dire ces quelques mots, je comprends qu'il n'a pas encore rallumé son portable de la soirée.

-           Si c'est pour ne pas avoir été joignable ce soir que tu m'en veux, alors je vais m'acheter demain un nouveau bigo avec une batterie qui tient sa mère !

-          Ken, je sais très bien que quand tu t'enfermes en studio, ça peut prendre plus de temps que prévu...

-          Mais alors quoi ? J'ai fait quoi, putain ?

Il est temps que le taxi nous dépose, je sens Ken perdre patience. Et mon « secret » devient trop lourd à porter seule. Il a le droit de savoir. Plutôt deux fois qu'une.

RenaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant