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Je suis restée cinq bonnes minutes aux toilettes. Sans rien y faire de spécial. Mais j'ai eu besoin de me retrouver seule. De souffler un peu. De me dire qu'il faut pas que je fasse une montagne avec ce Ken. Je vais le remercier, je ne sais pas encore comment pour le coup de main qu'il m'a filée, ça va durer cinq minutes, dix tout au plus, et j'en parlerais plus jamais. Je continuerais ma vie de meuf, seule, désespérée, et touchée dans sa chair par le comportement de mufle fini de son ex petit ami. Qui aurait pu devenir un jour mon mari, et surtout le père de mes enfants.

Finalement, je me dis, heureusement que ça n'a jamais marché.

Il serait peut-être parti alors qu'on aurait un enfant, ou deux. Deux, c'est bien, c'est ce qu'on s'était d'ailleurs dit une fois, en abordant le sujet, pour la première fois, et de façon sérieuse.

Je retourne au salon, débarrassée de mon petit gilet qui recouvrait mes épaules, par-dessus mon chemisier. J'ai chaud. La vodka me fait cet effet à chaque fois. Sensation de me retrouver dans le désert, à midi pile, en plein mois d'août.

J'ai à peine le temps de m'installer dans le canapé, avec mon verre que je ne toucherais plus d'ici un moment, histoire que le mercure interne redescende d'un cran, que Ken vient s'installer à côté de moi. D'abord installés à l'aise, deux narvalos se rajoutent sur la banquette, et je me retrouve vite coincée entre l'accoudoir et Ken.

- Santé, à ton appartement, il me lance en pointant son verre vers le mien.

- Yes, je réponds, heureuse malgré tout de fêter ma nouvelle location, ma nouvelle vie.

- Alors, t'as déjà réfléchi à des idées pour me remercier ?

- Je n'y ai pas encore pensé. Je peux te proposer un rendez-vous dans le cabinet d'assurances ou je travaille pour une étude complète et t'offrir une couverture optimisée ? Ou alors me porter garante pour toi le jour où tu subis un sinistre chez toi ou pour ta voiture ?

Il éclate de rire. Le son qui sort de sa bouche est frais, et agréable pour mes oreilles.

- Ça ira, merci. Me porte pas la poisse, ça fait un moment que j'ai pas eu besoin d'assurance pour un dégât ou un bail du genre. Et j'ai de toute façon pas de voiture.

- Mince, on propose vraiment de bonnes garanties, avec réduction de franchises si tu te tiens à carreaux pendant 3 ans, je précise avec une moue dépitée.

Re-éclat de rire. J'adore toujours autant ce bruit. Je dois veiller à ne pas m'y habituer.

- Je pensais plutôt à un verre ? Ou un diner ?

Ah merde, prise au dépourvue, je bégaye, malgré moi :

- Euh... o..ouais.. pour...quoi pas ?

Merde, je vais où là, si ce n'est dans le mur ?

- Deal, il dit en me checkant.

Bon, maintenant que je me suis mise toute seule dans la merde, esquiver.

- Sinon, à part de super garanties et des franchises réduites, tu fais quoi dans la vie, me demande Ken, les yeux rivés dans les miens.

C'est mal barré.

- Rien de spé.

Voir la vie m'échapper ? Une première fois. Une seconde. Et une troisième, fatale.

- Justine tout Court, qui ne fait rien de spé. T'es un vrai mystère ma parole !

J'ai juste pas envie de parler de ma vie, ducon. Finalement, je me ressers une longue gorgée de mon verre de vodka, dans l'espoir de trouver dans l'alcool quoi lui dire pour lui faire comprendre que j'ai pas envie de parler de moi. Aussi simplement que ce que je vais lui dire. Que suis-je bête :

RenaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant