Rentrer chez moi n'a pas été une mince affaire. J'ai eu la bonne idée de m'en aller à minuit moins cinq. Le temps de descendre, vomir, il a été minuit.
La première personne à m'avoir souhaité la bonne année a été ce mec que j'ai bousculé au prénom étrange, Ken.
Puis entre l'appart de ce grand black au bébé, et le mien, j'ai dû traverser des groupes de fêtards allumés, et pas qu'au champagne-saumon sur canapé si vous voulez mon avis. Je me suis fait prendre à parti par un autre groupe, pas loin de mon quartier quand mon bus m'a lâchée. Tout ça parce que je suis une vieille réac' dans le corps d'une jeune, qui va se coucher juste après minuit, comme les petits vieux. Je ne les ai pas écoutés, ça leur aurait donné raison.
Maintenant, allongée dans mon pieu, à minuit et cinquante-neuf minutes, seule, et étrangement redevenue sobre -ça doit être le vomi - je peux leur dire qu'ils ont au fond raison. Mais parce que moi, j'ai les miennes.
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Seule. Je me suis sentie si seule aujourd'hui. Beaucoup plus que les deux premières fois. Et c'est encore plus douloureux, se sentir délaissée, laissée tombée. Alors que ce genre de choses dans la vie d'une femme, on le vit au minimum à deux.
Mais faut croire qu'il a estimé que je saurais gérer ça de mon côté, dans mon coin, sans lui. C'est faux, et archi faux. Mais il a bien fallu.
Je regarde autour de moi, dans cette petite chambre mansardée, qu'on avait redécorée ensemble, et observe les vestiges d'une longue histoire, que je peux malheureusement conjuguer au passé. Cette photo, prise à Barcelone, alors qu'il m'y avait emmenée par surprise, pour mes 25 ans. Ou celle-ci, dans notre camping sauvage de fortune, quelque part derrière la Dune du Pilat, l'été de nos 19 ans, alors qu'on venait de se mettre ensemble.
D'un bond, je me lève, les arrache du mur, les punaises volent derrière moi, ce n'est pas grave. Au pire, je serais fakir le temps d'une nuit, jusqu'à ce que je me décide à sortir l'aspirateur. Je rassemble tous ces souvenirs sur papier argentique, mats ou brillants, à bords blancs ou sans, et je vais dans la salle de bains, jette le tout au fond de la baignoire. Dans ma cuisine, je cherche mon gros briquet, celui pour la gazinière, attrape une cuillère, un pot de Cookie Dough de Ben's et Jerry et mon reste de Tequila de notre dernière soirée Tacos, puis je retourne devant ma baignoire. Je saisis la première photo, une de mes préférées, fut un temps, celle où il me regarde, de ses belles billes bleues, raccord à la mer juste derrière, avec tout l'amour qu'on peut lire à travers les iris d'une personne encore amoureuse. La flamme embrase immédiatement la photo, que je jette avec les autres. J'arrose le tout de tequila et observe le bûcher improvisé dans ma salle de bains.
Spectatrice, je m'assieds dans le coin carrelé de la baignoire, apporte à ma bouche une énorme cuillère de glace, laisse le froid de l'aliment rafraichir mon palais, m'anesthésier un peu et éclate en sanglots.
C'est parce que je vois tous ses souvenirs s'échapper en infimes cendres ? Ou parce que cette glace est décidément la meilleure sur le marché ?
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Fakir et Pyromane, j'aurais déjà bien vécu ce début d'année, et en fanfare !
Mon téléphone, sur la table de nuit, n'arrête pas de vibrer. On peut me souhaiter la bonne année, me souhaiter des tas de trucs, je m'en fous, rien de ce qu'il s'écrira en 160 caractères dans ces messages ne les ramènera.
Et comment croire à une belle année 2018, merveilleuse, remplie de joie et de bonheur quand on voit comment a fini celle-ci ?
Vous avez 4 heures.
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Renaissance
FanficDes fois, dans la vie, tout ne se passe pas comme on l'aurait imaginé. Ne le dites pas à Justine, elle risquerait de ne pas vous vouloir que du bien. Elle l'a bien compris, qu'on n'a pas toujours ce qu'on veut. Et vit avec cette foutue idée comme e...