Je reste interdite, presque immobile alors qu'on vient de m'annoncer que je portais la vie.- Vous pouvez répéter, je bégaye.
- Votre malaise est une conséquence des symptômes du premier trimestre couplé avec...
Il marque un temps d'arrêt, se pince les lèvres et me fixe d'un regard presque réprobateur :
- Vous avez mangé aujourd'hui ?
Le cœur battant, les pensées confuses, je tente de me remémorer mes... pardon, je reprends, mon repas de la journée. Je regarde honteusement Dr Mamour et lui avoue, penaude :
- Une tartine, un café et une orange pressée.
- C'est tout ? Pas de déjeuner ? Un goûter au moins ?
Aie, je sens que je vais passer un sale quart d'heure.
- Pas eu le temps. Le sucre dans le café ça compte ?
En l'écoutant, à peine, me reprendre sur mes habitudes alimentaires plus que limites, je réalise, petit à petit que je repartirais d'ici, pour une fois, accompagnée. J'avais pourtant pris l'habitude de repartir d'une chambre identique à celle-ci le ventre vide et le cœur las. Mais pas ce soir. Pourtant je vis accompagnée depuis... putain, je sais même pas depuis quand... Un nouveau relent de panique monte en moi. Je l'assomme de questions :
- J'en suis à combien ? Vous connaissez le sexe ? Tout va bien ? Vous allez pas m'annoncer dans la foulée que le foet...
- Du calme, mademoiselle.
J'inspire longuement et me sers un grand verre d'eau que je trouve sur ma table de chevet amovible. J'aimerais me mettre à pleurer, à rire, à chanter ou même à danser. Mais pas tant qu'il ne m'aura pas dit que tout va bien.
- D'après votre taux de HGC, vous vous situez vers dix semaines de grossesse, donc on y est pas tout de suite au sexe et je me suis contenté d'une prise de sang pendant que vous étiez dans le gaz...
Donc d'après mes stats très personnelles, rien n'est joué. Mais alors pas du tout. La panique gronde en moi. Et grandit d'un cran quand je l'entends me poser une question :
- Vous prenez la pilule ?
- Depuis le rejet de mon stérilet cet été, oui...
Pardon, petit être poussant en moi, tu n'as rien demandé et j'ai continué à t'empoisonner avec cette saloperie. Mais je n'étais au courant de rien, sinon crois-moi, j'aurais tout stoppé net. Mais tu t'es pas manifesté avant... Ce soir crois-moi, mes trois boites de secours passent à la poubelle !
- J'ai dû l'oublier... avec le décalage horaire, je souffle à voix basse pour moi-même.
Flash. Illumination. Je resitue parfaitement la scène. C'était le premier soir, à notre arrivée à Tokyo. Un peu chamboulée par le jetlag, le vol et la fatigue, j'ai zappé ma plaquette, persuadée que j'avais déjà pris le comprimé quotidien avant de partir.
- Mais alors, je reprends, le bébé... la pilule... dix semaines, je balbutie à l'attention du médecin.
Cette fois-ci, impossible de la ravaler, cette grosse larme venue rouler sur ma joue. Même s'il m'était impossible à savoir qu'une vie future prenait doucement place en moi, parce que j'ai continué à avoir des cycles normaux et parce qu'avant aujourd'hui, je n'avais aucun symptôme, je me hais tout de même pour avoir infligé cette saloperie chimique à l'embryon. Et si ça a tout foutu en l'air, une nouvelle fois ?
![](https://img.wattpad.com/cover/131174266-288-k716181.jpg)
VOUS LISEZ
Renaissance
FanfictionDes fois, dans la vie, tout ne se passe pas comme on l'aurait imaginé. Ne le dites pas à Justine, elle risquerait de ne pas vous vouloir que du bien. Elle l'a bien compris, qu'on n'a pas toujours ce qu'on veut. Et vit avec cette foutue idée comme e...