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Point de vue Ken

Moi, Ken Samaras, je demande cash le numéro à une go croisée une fois, et qui me fait la gueule parce que j'étais sur le même dossier qu'elle ? Putain, 2018, l'année de tous les possibles ou quoi ? C'est tellement pas mon genre. Si elle savait qu'en vrai, je mets 10 plombes à me décider à demander un 06 à une meuf.

En vrai, je kiffe cet appart. Il fait un peu plus de 30 m2, y a de la place dedans pour tout mon bordel, qui a pris une ampleur ouf après mon retour du Japon en décembre. Je suis à trente minutes en métro du label et du studio. Et je resterais dans le 15e, mon Paris Sud de cœur. Celui qui m'a vu grandir, faire des conneries, débuté avec les gavas, le S et 1995... Tous mes potes habitent dans le coin. On y a tous nos petites habitudes, nos restaus, nos bars, nos cafés... Comme des petits vieux, ouais.

Mais elle m'a fait trop pitié avec sa petite bouille de meuf au bord de la dépression si elle n'avait pas l'appart. Je sais pas si c'est de la comédie, mais c'était foutrement bien fait si c'est le cas. Et je me serais fait foutrement bien avoir.

Qui se cache derrière cette Justine tout Court ? Une meuf qui se pointe à une soirée du Nouvel An ou elle ne connaît personne, elle passe la moitié de la soirée collée au bar, sapée comme si elle sortait d'un entrainement de foot, et se tire avant minuit, sans me dire qui elle est vraiment.

J'ai pas l'habitude que les meufs me calculent pas trop. Je dis pas ça parce que je fais du rap et qu'on voit ma gueule à la télé, ou aux concerts, mais avant même que je sois connu, quand je tapais la discut' avec une fille, j'avais toujours un retour. Souvent positif, c'est clair mais on s'en fout de ça. Là, elle m'a vite dit qu'elle s'appelait Justine et s'est taillée. Bonjour, au revoir.

Bon, p'tet qu'elle était pas dans son assiette, elle avait l'air bien arrachée, et elle a bégère en plus en bas. Elle était trop réebou pour construire une discussion.

On va dire ça.

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Point de vue Justine

Le téléphone, posé devant ma pile de dossiers au bureau, reste muet. Il m'a baladé l'autre Ken de mes deux. Il a fait genre, tout ça pour avoir mon téléphone. Voir ma sale gueule le soir du réveillon l'a pas refroidi ? Et puis j'pensais avoir accroché à mon front la pancarte "lâche moi je veux plus de mec dans ma vie".

Hélène ma collègue, n'arrête pas de me demander d'arrêter de remuer nerveusement ma jambe, comme une foldinguo sortie de HP.

- J'attends un coup de fil important.

- Ouais, bah calme toi, il finira par sonner ton téléphone !

Elle est d'un soutien sans faille, elle aussi.

- Je sors me fumer une clope !

- Je croyais que tu avais arrêté ?

C'est vrai. Pendant 2 mois, 3 semaines, 5 jours et quelques heures... mais plus rien ne me retient maintenant. J'ai le droit d'infliger à mon corps une dose de nicotine sans avoir peur de faire du mal.

- Ouais, bon, je suis stressée, ça va me faire du bien. Ça te profitera aussi, donc...

Je descends jusqu'au patio. Il fait froid, je regrette de n'avoir pris qu'avec moi que mon petit blazer. Je prends sur moi le temps de pomper sur ma clope, tout en me maudissant d'avoir aussi oublié mon portable.

Je remonte, et comme une gamine le jour de Noël, je me jette sur mon portable. Un appel manqué et un message, du propriétaire !

J'écoute, et à mesure que les mots défilent dans le combiné, je sens mon sourire s'étirer jusqu'à craquer. On en est pas loin en tout cas. J'ai l'appart !

RenaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant