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Point de vue Justine

Je sais pas pourquoi je me suis pointée chez lui, lui proposer cette sortie, plutôt incongrue au vu de notre relation.

Surtout au vu du tournant qu'elle a pris hier soir, avec ces baisers. Mais je me focalise pas la dessus, et lui aussi semble les avoir « mis de côté » dans son esprit, puisqu'on fait comme si de rien. On parle, on rigole, on se vanne, on s'arrête boire un café au Starbuck, et il se met à râler quand on se pointe devant le premier magasin.

J'adore sa bouille quand il râle. Il en est que plus craquant en fait. Mais je culpabilise quand même de lui infliger ça. J'aurais préféré 10000 fois y aller avec Gaga, mais bon, monsieur m'a bien fait comprendre qu'aujourd'hui, il n'était pas dispo. Il a intérêt à m'appeler et me raconter tout ça, avant que ce soit moi qui le lui réclame.

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Point de vue Ken

J'en reviens pas de rentrer là-dedans, mais elle me lance une sorte de regard suppliant. Comme si c'était écrit sur mon front que je kiffe moyen l'idée. Surtout qu'on m'a repéré :

- Wech, Feu, bien ?

- Salut les gars.

Toujours saluer les gens qui vous reconnaissent dans la rue, principe de base. Sans eux, je serais rien. C'est donc un minimum de m'arrêter les checker. Ils réclament une photo. Justine a l'air un peu décontenancée par la scène. Les trois petits gars aussi, visiblement, quand je les vois lorgner sur l'enseigne du magasin. Putain. Ça sent encore un putain d'article à la con dans leur torchon, là.

- Merci, mec !

Ils repartent en chuchotant un truc entre eux, je préfère ne pas y prêter attention, et invite Justine à rentrer.

- Zou, Princesse, je crois que y a des bodies qui t'attendent !

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Faut la suivre, la miss dans le magasin. Bientôt mes bras seront tellement chargés de grenouillères, doudous, pyjama et je sais pas trop quoi encore, que je ne verrais plus devant moi en marchant. Mais je vois bien que dès que je ralentis le pas et la laisse seule dans le rayon, elle me cherche aussitôt du regard. Comme pour se rassurer, ne pas sentir une seule seconde seule ici.

Elle aurait dû faire son shopping sur le net, ça lui aurait évité des angoisses. Mais elle a peut-être voulu aller au-devant de tout ça, prendre sur elle et prouver qu'elle peut tenir le coup dans un magasin pour bébé.

Pour accéder aux chaussures, qu'elle tient absolument à checker, il faut passer devant le rayon grossesse. Des bandeaux, des soutifs, des robes, des futes, des coussins pour je sais quel truc... Je la vois vouloir passer à côté, ignorer les étals de fringues. Mais c'est plus fort qu'elle, elle s'arrête. Et s'effondre, la seconde suivante.

Mon cœur en prend un coup, bordel. Je pensais pas qu'elle pouvait en souffrir à ce point. Putain, je fais quoi moi ?

Je lâche tout mon boxon que je laisse tomber par terre, tant pis je ramasserais et fonce sur elle. Accroupie au sol, elle pleure. En silence, comme si elle voulait éviter d'ennuyer les autres clients, qui l'observent déjà bizarrement.

- Viens par là.

Je m'accroupie avec elle et prends son visage contre mon torse. Mes bras, un peu ballants pour le coup, se retrouvent noués autour de ses épaules. Je sers le plus fort que je puisse, sans la blesser, pour lui montrer qu'elle n'est pas toute seule.

Pour être honnête, j'aimerais être loin d'ici, et n'avoir jamais à vivre cet instant troublant et poignant. Je suis un petit babtou fragile, faut pas me faire un coup comme ça à moi. Ses larmes chaudes mouillent mon tee-shirt. C'est le bronx dans sa cage thoracique. Et mon cœur donne l'air de vouloir faire la course avec le sien.

RenaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant