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Point de vue Ken

Je n'arrive pas à stopper mon genou qui, survolté, a plus la bougeotte qu'un épileptique sous acide. Je me mords les petites peaux autour de mes ongles à en sentir le goût métallique du sang dans la bouche.

C'est quoi ce bordel ?

Je me reconnais pas. Je m'en veux d'avoir réagi comme ça, aussi durement. Mais elle m'a gonflé grave avec son insta de merde à commenter mes vieilles photos de quand j'étais jeune et con. C'était pas le moment, je voulais rester avec elle jusqu'à son départ, pas son foutu bigo et ma chetron de puceau en 2012.

Sneaz, je le retiens celui-ci.

Après je suis qui pour l'empêcher d'être connectée ? C'est p'tet moi le mec en retard de dix ans sur toutes ces merdes. Autant à l'époque, je trouvais ce truc super, pour montrer nos gueules ou nos exploits aux gens qui nous suivent, mais avec les années, j'ai appris à m'en méfier.

Et j'ai cru revoir Andréa, quéeblo sur son écran pendant des heures à regarder des vidéos de merde et à me bassiner avec des gens sans intérêt à mon sens et leur millions de followers. Mais qu'est-ce que je m'en branle ?

Bref, j'ai tout gagné en m'excitant après elle. Elle a sa part de responsabilités, mais reste que maintenant, je suis censé lui faire la gueule. Alors qu'elle me manque déjà.

Putain, je suis grave.

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Point de vue Justine.

Mon bagage enregistré, mon corps passé aux rayons X, mon stock de magasines refait, je me retrouve à la porte d'embarquement.

Et j'ai bien le temps de me repasser en boucle la scène du métro. J'ai beau faire des ralentis sur image, je comprends pas à quel moment j'ai merdé. Si tant soit peu je sois 100 % fautive. Oui ? Sûrement, en réalité. Mais ça me fait chier de l'admettre.

Si j'avais capté plus tôt que ça l'emmerdait, que je regarde et commente de vieilles photos sur son fil Instagram, je m'en serais abstenue et réservé la découverte de son passé en image pour plus tard et en silence.

Le mal est fait, et je n'ai aucune idée de comment je pourrais me faire pardonner, ni s'il acceptera de le faire. Même pas trois semaines complètes de relation sérieuse, et déjà on se prend la tête.

C'est censé me foutre les boules et m'obliger à me demander si je fais bien de m'engager dans quelque chose de nouveau avec lui. Je le connais pas tant que ça, on en est qu'au début, même si parfois j'ai l'impression qu'on se connaît depuis toujours, mais avec cette scène, je me rends compte qu'il est un rien possessif. Pas jaloux mais possessif. Ça peut surement s'expliquer par son passé, ses échecs et les épreuves qu'il a traversé dont il m'a parlé. Mais c'est juste d'un putain de portable dont il est question.

De mauvaise foi, moi ? Tss.

Je le fais d'ailleurs tourner, coincé entre mon pouce et mon index, la rotation provoquée par mon second index. Les yeux rivés au loin, sur le tarmac, se perdant entre les différentes carlingues se mouvant entre elles sur la piste.

Mon écran est noir de notification, mais je n'y prête pas attention plus que ça. Je pense trop à Ken, ses mots durs, son geste brusque pour m'arracher mon téléphone. Sa manière, méprisante presque, de me souhaiter de bonnes vacances, avant de me tourner le dos et rejoindre le quai d'en face pour rentrer chez lui.

Résultat, je me retrouve bien seule, me haïssant d'avoir eu l'idée faramineuse d'avoir choisi ce banc. Coincée contre une mère seule et ses trois marmots qui développent à eux trois autant de décibels qu'un 747 au décollage.

RenaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant