Sibylle (Chapitre 14)

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Sibylle eut l'impression qu'une déflagration retentissait dans son âme. Était ce possible que derrière cette supplique et cette défense d'amitié se trouve autre chose ? Pourquoi ce doute tout à coup ?

Carlys, insaisissable, philosophe... La princesse n'avait jamais même pu imaginer qu'il puisse tomber amoureux. Alors pour quelle raison le fixait elle ainsi, brusquement déstabilisée et sans retrouver ses repères ? Elle chercha en quelques secondes à se comprendre elle même et compris avec peur que quelque chose venait de céder en elle.

Brusquement dans son esprit il devenait possible que le jeune homme l'aime. Une pensée complètement folle qui amenait une question qui n'avait jamais eu lieu d'être jusque là... Pouvait elle ressentir pour lui plus que de l'amitié ? Avec une anxiété grandissante, elle se rendit compte que oui, maintenant qu'elle ne pouvait plus compter sur sa muraille intérieure bâtie sur la certitude acquise depuis toujours que jamais il ne pourrait aimer, encore moins elle même !

Ils étaient différents... Tellement ! Mais peut être que c'est cela qui la fascinait, et surtout, il n'y avait jamais eu dans son coeur de personne qu'elle comprenne aussi bien et dont elle se sente également comprise de cette façon.

Sibylle secoua la tête intérieurement. Ces pensées n'avaient pas de sens... Pour une simple phrase lâchée ainsi. Et pourtant elle ne parvenait plus à le regarder comme quelques instants auparavant encore... Il fallait qu'elle revienne à leur rapport habituel, mais elle n'y parvenait pas, quelque chose ayant définitivement changé soudain.

Mais et même si c'était vrai... Elle ne pouvait pas se permettre de laisser le moindre espoir au jeune homme mais le connaissait mieux que personne. Elle s'enfonçait dans sa douleur mentale et physique depuis des mois... Personne ne pouvait plus rien pour elle.

Tout ce qu'elle pourrait dire ou faire ne le convaincrait cependant jamais de l'abandonner, et c'était peut être justement cela qui la touchait et la séduisait chez lui sans qu'elle puisse s'y laisser aller.

— Carlys, je...

Il ne lui laissa pas le temps de poursuivre. D'un bond il se rua en avant et la fit violemment tomber à terre en hurlant.

— Au sol ! Une patrouille !

Ça, ce n'était pas prévu. Les aéronefs de surveillance de l'AM.Erica ne survolaient les montagnes que deux fois par semaine généralement, et ils étaient déjà passées...

Tachant d'ignorer le pic de douleur intolérable qui traversait son organisme et la douce chaleur du corps de Carlys plaqué contre le sien, Sibylle se rencogna dans l'ombre des rochers et pris le risque de jeter un coup d'œil au ciel lorsque les appareils les survolèrent dans un bruyant son de moteur.

Quatre aéronefs de surveillance.

C'était trois de plus que de coutume.

— Quelque chose ne tourne pas rond...

Carlys l'empêchait de se relever, comme s'il avait peur qu'elle ne soit assez stupide pour s'exposer. La conduite du garçon exaspérait Sibylle en même temps qu'elle attirait son ironie. Il la connaissait mieux que personne, et aurait dû savoir que si elle était prête à mourir, jamais elle ne mettrait ses camarades en danger.

Ce ne fut que lorsque les appareils eurent disparus au loin que le jeune homme s'écarta et se releva, hésitant à proposer sa main à la jeune femme pour l'aider à se remettre debout. Il ne semblait pas savoir exactement comment se conduire, comme s'il prenait conscience presque maintenant que quelque chose, sans qu'un mot précis n'eut été échangé, avait changé pour toujours. Sans un regard pour lui, n'ayant aucune idée de comment retranscrire ses pensées bouillonnantes, elle se releva seule, lentement, son regard gris toujours fixé sur le ciel.

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant