Aileen (Chapitre 2)

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Les journalistes parurent alors sortir d'un songe. Malgré les hurlements d'Andrei à ses gardes pour les pousser hors de la salle immense, les flashs se mirent à crépiter de tous côtés. Certains hurlaient, de peur et de colère, et d'autres s'étaient carrément précipitamment éloigné, apeurés face au monstre.

Aileen se sentit violemment soulevée de terre, empoignée avec une dureté qui ne tenait visiblement pas compte de sa faiblesse. Son garde du corps la toisait d'un regard flamboyant et plein de haine.

— Qui est-ce ? demanda t-il.

Elle secoua la tête sans répondre, le coeur sans dessus dessous.

— Qui est-ce ? cria alors Damien, haussant violemment la voix.

Elle glissa un regard au loup qui tenta de s'approcher d'elle. Son garde dégaina son arme et la braqua sur l'animal.

— Toi tu fais encore un pas, tu es mort !

Aileen retrouva alors tout l'usage de ses facultés et s'interposa en hurlant à son tour.

— Non ! C'est mon fils ! Tu n'as pas le droit de le toucher !

— Ton fils ? Et celui de qui d'autre ?

Un journaliste qui lutait contre deux soldats qui tentaient de l'écarter saisit la question et cria à son tour :

— Mensonge ! La reine est une traître au service d'Astra ! Mort au prince et au fils de l'empereur !

La jeune femme s'immobilisa, plus pâle que les dalles de marbre blanc. Son visage parlait de lui même et James cloué à son siège quelques mètres devant elle s'exclama en même temps que Damien.

— Non ! Ça ne peut pas être son fils !

Aileen, emplie de colère, de fureur et de désarroi, ne se maîtrisa alors plus et redressa la tête d'un mouvement plein de fierté et de provocation.

— Eh bien, et si ça l'était ? C'est le mien aussi, et il n'y a que cela qui compte ! Je ne vous laisserai pas toucher à un cheveu de Theobald, fut-il prince d'Astra aussi !

Un pesant silence envahit toute la salle, prenant le pas sur les cris et les débattements des journalistes qui résonnaient encore quelques minutes. Tout le monde les fixaient, elle et Theobald, et Aileen se prit soudain à se demander qui ils considéraient maintenant comme un monstre. Son fils, ou elle même ?

***

— Majesté ?

Aileen releva lentement la tête. Assise sur la couchette de la chambre, les coudes appuyés sur ses genoux et la tête entre ses mains, elle jeta un coup d'œil sombre mais décidé à Andrei.

— Ne venez pas me dire que j'ai eu tort d'agir ainsi... Mais va-t-on enfin me laisser sortir d'ici ? Andrei je... je dois parler à Theobald. Comment réagit-il ? Sa blessure n'est pas grave n'est ce pas ? Andrei, il faut que je le vois ! Ils n'ont pas le droit de m'arracher mon enfant... Et ils ne peuvent pas le condamner. Ils ne peuvent rien lui faire ! Pas vrai ?

Elle se leva lentement pour s'avancer jusqu'à son commandant qui entra dans la petite pièce avant de refermer la porte derrière lui. Les murs étaient peints en bleu pâle, une étagère garnissait un mur, une table de travail un autre, et sinon le sol était composé de bois brut. Seule signe d'enfance : un mobile accroché à une poutre apparente en hauteur. Il représentait des poissons colorés et Theobald avait toujours refusé qu'on le détache malgré le fait qu'il avait grandis.

Ce mobile lui avait été offert par Edward, et Aileen sentait toujours le même pincement au cœur l'envahir lorsqu'elle le contemplait. Son fils admirait cet oncle sans l'avoir beaucoup connu, parce que toutes les personnes que la galaxie tout entière ne l'avait jamais vu autrement que comme le plus généreux des princes eriquiens.

La jeune femme avait envie de tenir, de rester forte, mais cela faisait déjà au moins trois heures qu'elle était consignée dans cette petite pièce sans visite ni aucune nouvelle de l'extérieur. Elle était à bout, affolée pour son fils, et en même temps n'avait jamais été aussi décidée à se battre.

Son commandant passa une main dans ses cheveux maintenant complètement blanc – cela le vieillissait considérablement depuis qu'il avait renoncé sans que l'on sache pourquoi à sa coloration – avant de pousser un lourd soupir.

— Theobald va bien, lâcha-t-il enfin. Sa blessure est sans gravité... En se précipitant devant vous et en vous sauvant la vie, il se l'est prise dans l'épaule, ce qui est facile à soigner.

Aileen laissa échapper un sourire, extrêmement soulagée.

— J'aurais tout risqué pour lui vous savez... Et s'il m'a fait une peur bleue, je crois que je suis heureuse de savoir qu'il m'aime autant que je le lui rends. Mais...

Andrei devina la crainte d'Aileen avant qu'elle ne termine. De toute façon elle s'en sentait incapable, n'osant pas mettre les mots sur ce qu'elle ressentait.

— Vous avez peur qu'il ne vous aime plus tant que cela maintenant qu'il a découvert la vérité de ses origines et ce que vous lui cachiez ? murmura avec douceur le vieux soldat.

Elle avait détourné la tête, faisant quelques pas, amenant son regard à rencontré le joli mobile pendu au plafond. Elle étendit la main pour effleurer l'un des poissons avant de se retourner vers son commandant.

— Oui, avoua-t-elle dans un souffle. Il pourrait m'en vouloir de tous les ennuis et les peurs que cette identité révélée va lui causer.

— Majesté, laissez moi être franc avec vous. Theobald est un enfant intelligent qui sait pertinemment que vous avez toujours tenté de faire au mieux pour lui... Il ne vous en voudra jamais de son identité. Quant à sa réaction qui doit vous inquiéter... Il est sous le choc indéniablement, mais il devait s'en douter. Je ne suis pas sûr qu'il en était conscient en revanche, et c'est clairement une sacrée surprise. Mais s'il existe un enfant capable de surmonter ce choc... c'est bien le vôtre.

Un sourire amer étira les lèvres d'Aileen qui laissa son regard descendre jusqu'au sol et observer les irrégularités du plancher.

— Certes, je l'ai éduqué pour en faire un solide petit prince eriquien... mais ils ne voudront plus de lui à partir d'aujourd'hui.

— Je n'en serais pas si sûr à votre place... Les journaux sont en train de se déchaîner et beaucoup réclament déjà votre libération pour entendre ce que vous avez à dire. Les gens sont curieux, et la foule facile à séduire avec une belle histoire d'amour. On aime le tragique qui entoure la naissance de Theobald, et les secrets... Quant au conseil, ils n'arriveront à rien sans vous. Ils sont en train de se déchirer entre eux et personne n'aura jamais la majorité sans votre voix pour faire pencher la balance.

— Que proposent-ils ? demanda t-elle d'une voix où renaissait un espoir qu'elle ne tentait pas de cacher.

Andrei fit quelques pas de long en large dans la pièce derrière elle.

— Certains veulent la condamnation immédiate de « l'héritier astrayen », d'autres demandent à ce qu'il soit au contraire maintenu dans ses droit de prince de l'AM.Erica, d'autres encore refusent de croire qu'il est le fils de l'empereur malgré votre aveu devant les journalistes...

Aileen sentait chacune des pulsions de son coeur dans sa poitrine. Elle était pâle mais fiévreuse, et un visage auquel elle n'avait plus pensé depuis bien des années revenait se frayer une image dans son esprit, bousculant ses certitudes, ses doutes, pour ne laisser que l'amère souffrance du manque et du regret.

— Si le conseil se déchire autant... Je vais peut-être bien pouvoir sauver mon fils en effet. En revanche, si la nouvelle déchaîne actuellement les médias... A-t-on des nouvelles de... de l'empereur d'Astra ? Ce ne serait pas une première qu'il s'exprime publiquement par caméras interposées...

Elle avait rougi et son front la brûlait, mais son besoin de savoir ce que Rodolphe pouvait avoir dit, cet homme qu'elle avait tant aimé, était plus fort que tout.

Son regard rencontra celui posé et calme d'Andrei, à l'opposé de la fièvre qui s'emparait d'elle. Elle le pressa de répondre.

— Alors ? Sait-on quelque chose ?

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant