Rodolphe (Chapitre 25)

88 20 33
                                    

Dans le centre de l'énorme vaisseau spatial, une tension monstrueuse avait envahit chacune des personnes présentes.

Rodolphe se tenait debout, sur la plus haute des coursives, et les astrayens sous son commandement s'étaient tous réunis une heure plus tôt sur les autres couloirs donnant sur le vide central de la navette.

Tous les regards étaient tournés vers l'une des alvéoles, à quelques pas de Rodolphe. Le jeune homme sentait son coeur tambouriner dans sa poitrine, et il regretta une fois de plus de n'avoir pas mis des vêtements moins chauds que le pantalon moulant, les hautes bottes et la cape de côté qu'il portait à l'heure actuelle.

Il sentait la sueur dégouliner le long de son épiderme, mais il savait en même temps qu'il avait eu raison de se vêtir ainsi. Il rappelait ainsi à tous les jeunes présents qui pourraient l'oublier qu'il était l'empereur...

Sur la coursive où il se tenait, il n'avait autorisé qu'à quelques gardes de se tenir, parce qu'il ne voulait pas accueillir par un tir leur jeune visiteur...

Saskia l'accompagnait, parce que sa seule présence signifiait aussi quelque chose, qu'il savait ce qu'il devait à son peuple. Un héritier, bien astrayen...

Elle avait revêtu une robe courte et coiffé ses cheveux avec une broche d'argent, simple, mais élégante. Un présent de sa mère, qu'elle n'avait sorti qu'à de rares occasions jusque ici...

Emma, Ralph et Eden formaient le reste du comité d'accueil.

L'empereur regretta une fois de plus que le silence soit si lourd dans l'immense espace, et reporta son regard sur la lumière près de la porte de l'une des alvéoles.

La navette venait de finir son approche et son accolage visiblement, puisque la lampe avait cessé de clignoter.

Une voix grave et neutre ne tarda pas à se faire entendre.

— Majesté ? Puis je ouvrir ?

Eden venait de s'avancer d'un pas, beau comme toujours avec sa veste et son pantalon sombre. Son regard glissa vers Saskia qui ne fit aucun effort pour le lui rendre, puis revint à Rodolphe qui inclina froidement la tête.

Ne pas montrer ses émotions... Ne pas céder à ce violent besoin de courir ouvrir lui même le battant de l'alvéole.

Ils guidaient Theobald depuis un jour par messagerie cryptée pour qu'il parvienne jusqu'à eux, ce n'était pas le moment de tout gâcher. Rodolphe n'avait aucune illusion à ce sujet : les astrayens acceptaient à contre coeur la venue du prince eriquien... Et à la condition que lui même ne se montre pas dépendant de celui ci, qu'il donne l'impression de le diriger et surtout pas que le fils d'Aileen puisse avoir de l'influence sur lui.

Eden déclencha l'ouverture manuellement puis recula. Quelques secondes... C'était tout le temps qu'il restait à attendre.

Rodolphe eut l'impression de retenir sa respiration lorsqu'il entendit un pas dans le court couloir de liaison de l'alvéole, puis lorsqu'une silhouette se devina... et enfin lorsqu'un adolescent s'extirpa de l'ouverture.

Il était revêtu d'un pantalon beige, d'une chemise déchirée, et avait les cheveux hirsutes. Le jeune homme paraissait n'avoir ni dormi ni mangé depuis deux jours, et il demeura quelques secondes immobile, surpris par la vive lueur du hall et par sa taille.

Personne n'avait rompu le silence, et Rodolphe moins que quiconque. Il était sous le choc, incapable de détacher son regard de ce fils qu'il avait tant désespéré de retrouver...

Le moins qu'on puisse dire, c'est que Theobald lui ressemblait. Il avait les mêmes traits réguliers, le même menton un peu carré donnant cette impression de sévérité et d'autorité lorsqu'il ne souriait pas, et surtout ces yeux bruns, chocolats, incroyablement doux et pailletés d'or... Le devenant même carrément au grès des émotions le traversant, ce qui donnait une étrange impression d'impossibilité de le saisir au prince.

L'adolescent semblait s'être remis de son éblouissement, et ses yeux glissaient maintenant sur chaque visage présent, s'attardant sur Eden, puis sur Ralph et Emma, jetant un bref regard aux astrayens réunis dans tous le hall, avant d'enfin se tourner vers sa droite.

Il découvrit d'abord Saskia, et esquissa une légère moue que Rodolphe nota. Visiblement, son fils avait pris la peine de se renseigner sur son entourage... Et savait que la jeune femme était la remplaçante de sa mère.

Au regard méprisant de l'adolescent,la fiancée de l'empereur se ferma, et effaça tout début de sourire qu'elle avait pu former sur ses lèvres, visiblement blessée, même si elle avait l'air de s'y attendre.

— Theobald...

Rodolphe n'y tenait plus. Il savait qu'il aurait dû s'attarder auprès de Saskia, même faire un simple de geste de réconfort, mais elle pouvait bien attendre. Cela faisait trop longtemps qu'il désespérait d'une telle rencontre.

Il s'avança d'un pas, et le jeune homme se retourna d'un bond vers lui, semblant aussi choqué et ému que lui même.

— Alors c'est bien vous mon père !

Sa voix porta loin dans la salle, mais il ne parut pas s'en préoccuper. Tous les regards les fixaient, attendaient la réaction de l'empereur, cherchait un faux pas, ou une violente dispute toujours possible entre ces deux princes si puissants.

— Theobald... répéta Rodolphe d'une voix rauque. C'est bien moi... Et je te remercie de m'avoir rejoint aujourd'hui. Tu m'as manqué... Tu m'as tellement manqué...

Saskia toussa fort derrière lui et il retint un geste d'agacement. Elle ne faisait que le prévenir, lui rappeler qu'il ne devait pas trop montrer en public son amour pour son fils, mais c'était déjà trop. Il n'avait pas envie de se restreindre, pas maintenant.

Les yeux de Theobald virèrent complètement à l'or, en même temps que ceux de son père, et il n'y eut plus que l'enfant et le père, aussi heureux l'un que l'autre, d'un bonheur simple de se retrouver qui ne s'expliquait pas.

Sans laisser à la garde le temps de réagir, le jeune adolescent se précipita à son tour en avant et bondit au cou de Rodolphe. Il vint lui donner une tape sur l'épaule, puis répéta pendant que son père lui rendait son étreinte :

— Oh, vous aussi, vous m'avez tellement manqué...

Les larmes glissaient sans bruit sur ses joues, et ce fut l'instant que choisit le peuple d'Astra pour l'accueillir. Les mouvements de foule ne s'expliquent pas toujours, eut le temps de songer Rodolphe tandis que les applaudissements éclataient de toutes part, avant de céder de nouveau simplement à son émotion.

Theobald venait de les conquérir, en montrant juste ses sentiments. Mais ce que hurlaient les Astrayens était bien plus inattendu...

— Longue vie aux princes d'Astra !

— Vive le fils de l'empereur !

— L'étoile, le dragon d'Astra, le prince Theobald... Qu'il soit guidé par la justice à nos côtés !

Tout cela ressemblait à un accueil, à un début d'intégration. Mais tout en serrant son fils contre lui, Rodolphe se demanda si ce dernier serait d'accord pour cela. Être l'héritier d'Astra, si par un miracle totalement improbable cela devenait possible, l'accepterait il ?

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant