Aileen (Chapitre 21)

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James avança son fauteuil roulant dans la pièce sans attendre de permission et sa sœur, seule dans son salon, ne fit pas un geste pour témoigner qu'elle l'avait entendu.

Elle se tenait debout face à l'une des grandes fenêtres ouvertes, et un filet de vent soulevait les fins rideaux transparents et ses cheveux coiffés en queue de cheval sur son épaule droite.

Elle était habillée malgré l'heure tardive, visible incarnation de l'anxiété.

— James... Il est parti il y a quatre heures maintenant.

Les étoiles brillaient au-dessus d'eux dans le ciel mais il semblait à la jeune femme qu'elles ne pouvaient à cette heure lui apporter le moindre réconfort.

Son frère s'approcha encore dans un léger crissement de roues pour venir se placer juste à sa gauche devant la fenêtre ouverte. Il n'eut pas besoin de l'interroger pour savoir de qui elle parlait.

— Je sais... Theobald est quelque part dans l'espace loin de nous maintenant mais il te reviendra, sois en sûre Aileen.

La jeune femme tourna alors lentement la tête vers lui, ne cachant plus ses yeux illuminés de larmes contenues.

— Oh James ! Comment peux tu le croire ? Nous savons tous deux que la galaxie est en train d'exploser. Tu as entendu la toute dernière nouvelle ?

Elle vrilla son regard dans celui de son frère qui ne détourna pas la tête.

— Les nouvelles se succèdent en ce moment... Comme tout le monde je tente de suivre. La situation est grave, Mars vient de déclarer qu'ils allaient soutenir Astra et offraient asile au prince Theobald...

— Et Nepsys vient de suivre. Les Astrayens viennent de s'allier deux planètes parmi les plus puissantes du système après nous. Il est temps d'augmenter nos recrutements de soldats... Il ne doit plus y avoir de dispense et nos chantiers d'armement doivent d'urgence accélérer la cadence. S'il le faut, on fera travailler les enfants, dans des conditions décentes bien entendu, mais enfin il faudra bien qu'ils œuvrent à notre défense... Ceux d'Astra l'ont bien fait en temps et en heure.

James eut un sourire las qui n'échappa pas à Aileen.

— Nous ne sommes pas des Astrayens. Je veux dire, nous nous en voulons à nous-même, nous ne trouvons pas cette guerre juste, nous n'arrivons plus à avancer...

Ces réflexions, la jeune femme les avait eu des dizaines de fois sans trouver de solutions, et cela la fit exploser de colère contre son frère.

— Ah non ! Si cette guerre est si injuste que ça, alors rendons leur Astra et n'en parlons plus ! N'est ce pas tout ce qu'ils veulent ?

Aileen commençait à penser qu'il n'existait plus d'autres solutions pour permettre à l'AM.Erica de s'en sortir. James parut cependant blessé de la dureté de son ton et lui aurait répondu si quelqu'un n'avait toqué à la porte du salon à cet instant.

Elle fronça les sourcils mais ne parvint pas à s'inquiéter car il lui semblait qu'elle avait atteint les limites de l'anxiété possible à ressentir.

— Bon... Je suppose que ça va encore être de mauvaises nouvelles. À cette heure ci je ne vois pas ce que ça peut être d'autre de toute façon...

James ne chercha pas à la détromper, partageant visiblement ses craintes, et elle haussa le ton en direction du battant :

— Entrez !

Celui ci coulissa sur le côté quelques secondes plus tard pour livrer passage à son garde du corps, Damien.

— Tiens, on dirait qu'il y a réunion de famille ici... murmura ce dernier en pénétrant dans la pièce d'un pas ferme à larges enjambées.

— Nous ne sommes que deux, objecta James d'un air agacé.

Lui non plus n'aimait pas vraiment le soldat génétiquement modifié.

Damien n'y prêta aucune attention et fit quelques pas de long en large sans daigner leur expliquer la raison de sa présence avant de s'immobiliser devant Aileen et de s'y décider, en ignorant au passage James qu'il ne portait pas non plus dans son coeur.

— Revelatum s'est ralliée aux Astrayens. Tireros vient de suivre. Et la station orbitale Vatican a annoncé qu'elle serait une terre d'asile et d'accueil pour tous dans cette nouvelle guerre... Mais qu'il était grand temps de rendre leur planète aux Astrayens. Ils espèrent que le conflit se réglera pacifiquement.

La reine baissa la tête, retenant son souffle et songeant qu'ils étaient tous au bord d'un dangereux abîme qui se dessinait au fond de la route qu'ils suivaient tous.

Sans tenir compte de son frère ou de son garde elle releva les yeux brusquement et murmura pour elle même :

— J'aime ma patrie... J'ai toujours tenté de faire le meilleur pour chacun des Eriquiens. Le savent ils tous ? Ils refusaient de céder Astra pour ne pas avoir l'impression d'avoir mené une guerre inutile mais s'en voulaient à côté de cela pour les assassinats perpétrés... Sont ils donc fous ! Ne peuvent ils choisir une ligne de conduite et s'y tenir ?

Elle se tourna vivement vers Damien, rencontrant son brillant regard.

— Quel est ton conseil ?

— Affronter au plus tôt l'empereur... Cela ne pourra se faire que sur sa planète. Maintenant que tout le monde sait que Sibylle est sauve et qu'il y a des dragons, sans compter le fait qu'il dispose désormais de soutiens... Il va vouloir rentrer chez lui.

La jeune femme ne répondit pas tout de suite, songeant que le temps qu'elle avait passé aux côtés de Rodolphe ressemblait de plus en plus à un rêve lointain.

— Et toi James ? questionna-t-elle finalement.

— Arrêtons tout ceci... Nous le pouvons encore. Redonnons définitivement Astra aux enfants...

— C'est la première fois que je t'entends dire une telle chose !

— Et toi, c'est ce que tu as toujours secrètement rêvé de faire, n'est ce pas Aileen ?

La reine haussa les épaules puis d'avança de quelques pas dans la pièce. James et Damien échangèrent un regard presque complice, eux qui d'ordinaire se détestaient, et ce fut ce dernier qui reprit la parole d'une voix étrangement douce.

— Comment était il ? L'empereur ?

Aileen stoppa net sa marche vers la porte de son salon, la respiration soudain sifflante et le sang affluant à ses joues.

— Il... Il était là. Toujours présent... Loyal, sans soucis de qui j'étais... J'avais l'impression de compter plus que tout au monde à ses yeux. C'était la première fois qu'il me semblait que j'étais aimée autant que Papa m'aimait... C'était grisant... D'autant que je n'ai jamais adoré quelqu'un autant que Rodolphe depuis.

Damien renchérit.

— Il te manque ?

— Ça, ça ne regarde que moi.

Aileen reprit sa marche sans se retourner et James cria.

— Attends ! Où vas tu ?

— Au siège du conseil restreint... Je vais tenter de sauver ce qui peut l'être encore.

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant