Rodolphe (Chapitre 3)

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Les pas des jeunes gens résonnaient dans le couloir spacieux de la ville de Xi'an. 

Rodolphe marchait à l'avant, vêtu d'un uniforme sombre mais dépourvu du moindre signe distinctif, suivi de près par une femme de son âge, aux cheveux bruns ramené en queue de cheval sur son épaule droite.

Elle portait un pantalon kaki militaire, un pistolet à sa ceinture, des boots noires et une veste de tissu assortie.

Les deux autres étaient Eden, un garçon aux cheveux pâles, grand et musclé, armé lui aussi, le dernier étant Ralph, petit et gringalet à côté de son camarade.

— J'espère vraiment que ce n'est pas un piège... C'était imprudent d'atterrir sans précaution supplémentaire sur Nepsys, lança alors l'unique femme du groupe.

Rodolphe se contenta de lui jeter un bref coup d'œil en biais avant d'accélérer le pas dans le couloir désert.

— Je ne crois pas que ce soit un piège. L'émissaire envoyé par cette planète nous a fait atterrir sur une plateforme privée, ou il n'y a personne, et on nous fait maintenant venir dans une base militaire déserte pour un rendez vous secret avec la présidente. Franchement, s'ils voulaient me capturer pour me livrer à l'AM.Erica, autant le faire dès que notre vaisseau se serait posé...

Son amie ne parut pas totalement tranquillisée pour autant et il ajouta avec un sourire :

— Détends-toi Saskia, on est en sécurité pour une fois...

Eden grogna derrière lui, visiblement pas d'accord, mais Rodolphe n'en tint pas compte. L'organisateur n'était jamais d'accord avec lui, ce qui était indéniablement dû à l'attirance affichée qu'il éprouvait pour Saskia... Qui ne se détournait pas une seconde de l'empereur.

Ralph était heureusement toujours là pour temporiser avec sa bonne humeur inateignable.

— De toute façon puisqu'on a déjà eu cette discussion dix fois depuis qu'on a reçu à bord leur émissaire, et qu'on a décidé de venir sur Nepsys, qu'est ce que vous diriez de passer à autre chose ? Le vaisseau spatial est hors de danger, et à part nos quatre vies et la petite navette spatiale... nous ne risquons rien de plus. Et quoi que ce soit ce risque, on a décidé de le prendre, alors stop !

Personne ne répondit et Rodolphe songea que le petit informaticien était décidément l'un des meilleurs soutiens qu'il aurait pu avoir.

— Au fait, je parle chinois, commenta Saskia trois minutes plus tard lorsqu'ils arrivèrent devant l'unique porte terminant le couloir.

Rodolphe avait levé la main pour toquer au battant, mais il immobilisa son geste pour se tourner vers la jeune femme.

— Tu parles chinois ?

Difficile de masquer sa surprise. Elle baissa les yeux, regrettant d'être ainsi mise sous le feu des projecteur, elle pouvait parfois brusquement se montrer timide, avant de relever la tête pour affronter le regard des trois jeunes gens.

— Oui. Lorsque j'ai été adoptée par une famille eriquienne... Je m'ennuyais à mourir. Je ne les aimais pas et ils ont finis par me le rendre... Je me suis intéressée à Nepsys après avoir lu un livre sur ce sujet. Depuis je rêvais de venir un jour visiter cette planète... même si je ne m'attendais pas que ce soit en tant que garde de l'empereur ! J'imaginais plutôt ça une fois la paix rétablie... Quitte à venir passer un an ou deux ici, j'ai voulu parler la langue. C'était difficile... vraiment. Mais c'est devenu un défi personnel et j'ai voulu me prouver à moi même que j'en étais capable. Dorénavant c'est chose faite alors... Nous n'aurons pas besoin d'un traducteur si jamais c'est bien le président qui nous attend pour l'entrevue comme les gardes qui nous ont laissé à l'autre bout du couloir l'ont dit.

Elle était belle ainsi, s'échauffant à mesure qu'elle parlait et saisie d'enthousiasme. Elle rappela presque l'espace d'un instant à Rodolphe la femme qu'il avait jadis aimée, avant qu'il ne se reprenne et qu'il laisse son sourire s'agrandir sur ses joues.

— Parfait alors Sas', ça va nous être utile je pense.

Il n'attendit pas davantage cette fois-ci et toqua à la porte, d'un geste ferme et sans hésitation. Le président était il réellement derrière ? Malgré ce qu'il avait dit quelques minutes plus tôt, la crainte le tenaillait d'être venu dans un piège mais pire que cela d'y avoir attiré trois personnes qu'il appréciait et estimait.

La porte s'ouvrit, mais pas de la façon à laquelle il s'attendait. Sur Astra comme sur l'AM.Erica, les portes coulissaient électriquement sur le côté.

À Nepsys cependant le système était différent. Les portes s'ouvraient manuellement, sans coulisser, ce qui était toujours un peu perturbant lorsque l'on redécouvrait la planète immergée.

Rodolphe croisa le regard de l'homme qui avait ouvert. Un asiatique évidemment, en tenue simple de tous les jours.

L'inconnu eut un sourire chaleureux et tendit une main que le jeune empereur s'empressa de serrer.

— Seigneur Rodolphe, bienvenue sur Nepsys...

— Merci à vous de m'avoir envoyé votre émissaire m'invitant à me rendre sur votre planète.

L'homme hocha la tête puis s'écarta pour le laisser passer avant de serrer la main de ses camarades.

Rodolphe regarda tout autour de lui, pour découvrir une grande pièce aux murs tendus de teintures rouges à l'exception de celui qui lui faisait face, constituée d'une baie vitrée avec vue sur l'océan qui les entourait. L'ombre d'un prédateur marin se devinait proche mais l'animal ne tarda pas à s'éloigner et Rodolphe s'attarda plus à l'endroit lui même.

Le sol était couvert d'un tapis blanc, et de larges fauteuils formaient un cercle à la droite de la porte. À gauche il y avait une longue table de travail, entourée de plusieurs chaises.

C'est dans l'un des fauteuils que se trouvait la présidente. En l'apercevant, Rodolphe sentit enfin la tension qui l'habitait se dissoudre entièrement. Elle avait tenue la parole donnée à travers son émissaire : être là sans le trahir et le vendre aux Eriquiens.

Elle se leva en croisant son regard, pour l'approcher d'un pas gracieux. Elle était vêtue d'une tenue traditionnelle chinoise qui la mettait en valeur, du haut de ses quarante-cinq ans. Ses cheveux noirs courts bouclés artificiellement autour de son visage, ajoutant une touche de fraîcheur à l'ensemble qui aurait pu paraître guindé sinon.

Elle tendit la main, et Rodolphe se pencha, faisant le baisemain après une hésitation.

La femme laissa ensuite échapper un rire.

— Excusez-moi, mais j'ai toujours aimé cette archaïque coutume occidentale... expliqua-t-elle dans un parfait astrayen.

Rodolphe ne s'y trompa pas : derrière l'air amusé et la plaisanterie, la présidente le détaillait attentivement, guettant le moindre de ses gestes.

— Je suis heureux d'avoir pu vous faire plaisir. Nous n'avons pas beaucoup de temps en revanche et je tiens à aller droit au but... Qu'attendez vous de moi ? Votre émissaire a laissé entendre que Nepsys pouvait aider les derniers Astrayens à reprendre ce qui leur appartenait de droit... Rien n'est jamais gratuit en politique, alors que désirez vous obtenir ?

La jeune femme fit un geste en direction du soldat qui leur avait ouvert et celui ci sortit monter la garde dans le couloir après avoir fermé la porte. Elle s'approcha alors d'un plateau posé sur la table au centre des canapés et leur proposa de s'asseoir, se servant elle même une tasse de thé brûlant. Rodolphe s'en servit une après s'être installé en dernier dans l'un des fauteuils technologiques, attendant anxieusement sa réponse.

Elle eut un sourire, amusé et presque ironique, avant de se tourner de nouveau particulièrement vers lui.

— Et si justement nous n'attendions rien ? Et si ce geste gratuit était le premier de l'Histoire ?...

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant