Rodolphe (Chapitre 19)

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Les jours et les nuits ne s'écoulaient qu'au rythme artificiel instauré par le vaisseau de bord. Actuellement, il devait être une heure du matin par rapport à ce qu'affichait le standard.

Rodolphe avait les yeux grands ouverts, et ne parvenait pas à dormir.

Allongé sur la couchette qu'il partageait avec Saskia, sentant la jeune femme contre lui, ses longs cheveux bruns éparpillés sur sa poitrine, il ne pouvait s'empêcher de douter comme toujours de lui.

Theobald... Les enfants d'Astra avaient plus ou moins accepté l'existence de cet enfant à l'autre bout de la galaxie, mais le prince savait qu'ils attendaient de lui un autre héritier. Une idée que l'empereur haïssait.

Il jeta un regard à la jeune femme endormie à ses côtés dans la pénombre et s'écarta légèrement pour venir s'assoir sur le bord de leur large couchette. Il avait beau posséder l'un des plus grands compartiments personnels, celui ci n'était pas grand et il évita de se lever, posant ses coudes sur ses genoux nus. Il ne portait qu'un léger short et ses muscles se dessinaient sur sa poitrine à chaque nouvelle inspiration torturée.

Il leva les mains vers sa tête et commença lentement à se masser les tempes, tentant de se détendre sans y parvenir.

Qu'était en train de dire le conseil de l'AM.Erica en ce moment même ? Il devait faire jour là bas à cet heure ci vu leur fuseau horaire... Que disait Theobald ? Reniait il ce père qu'il venait de découvrir ?

Ah, ce mal de tête qui ne voulait pas partir ! Certain que sa migraine ne passerait pas ainsi, le jeune homme voulut ce lever lorsqu'un appel résonna derrière le battant fermé de son espace privé.

— Rodolphe !

Seul ses proches co-équipiers l'appelaient par son prénom et non par son titre. Vu son humeur, le jeune homme était prompt à l'anxiété et il se leva d'un bond, débloquant l'ouverture en passant son poignet sous le détecteur.

Dans le couloir regroupant les compartiments individuels, à l'avant de l'énorme vaisseau spatial et proche du cockpit, les lumières avaient été mises en mode nuit, ne permettant que de petites veilleuses illuminant l'espace d'une lueur bleuâtre.

Rodolphe n'eut cependant pas besoin de plus de lumière pour distinguer le visage méprisant d'Eden. Même si le jeune homme restait fidèle à sa cause, l'empereur savait qu'il le détestait à cause de Saskia.

Le regard du garçon se porta d'ailleurs à l'intérieur de la chambre, première pièce du compartiment, pour tomber sur la jeune femme uniquement recouverte d'un drap dénudant ses jambes, ses bras et ses épaules.

Regrettant d'avoir laissé percevoir l'intimité de Saskia, Rodolphe sortit dans le couloir et actionna la fermeture de la porte, feignant de ne pas remarquer l'éclair de douleur qui venait de traverser le regard du jeune homme.

Il était toujours en short, torse nu, et il croisa les bras sur sa poitrine pour dévisager d'un regard neutre celui qui venait de le déranger mais qui semblait avoir perdu le fil de ses idées.

— Alors ? Que se passe-t-il pour que tu viennes me voir au milieu de la nuit ?

Le garçon au cheveux pâles ne répondit pas directement.

— C'est immonde de ta part d'être avec elle juste... juste pour avoir des gosses.

Rodolphe haussa les épaules. Eden n'était certes pas le premier à se faire cette réflexion, et il savait combien elle était vaine.

— Je n'ai pas trop le choix, figure toi. Et devine qui m'a forcé la main au départ ? Les Astrayens et Saskia. Je ne crois pas qu'elle se sente martyrisée. À vrai dire, ce serait plutôt à moi de me plaindre de ce que vous m'imposez tous. Donc... Puis je savoir la raison de ta présence ?

Eden ne baissa pas les yeux, tentant visiblement de surmonter sa colère sans complètement y parvenir.

— J'ai toujours détesté cette mission qu'elle pensait avoir...

— Tu as été au courant avant moi.

— Je sais.

Il passa sa main dans ses cheveux d'un geste las et Rodolphe avisa la barbe de quelques jours qui lui mangeait les joues, signe qu'il était à bout. Il voulut esquisser un geste de réconfort mais ne sut quoi dire, n'étant toujours par doué pour gérer les relation humaines. Gêné du silence il insista d'un ton froid pour cacher sa compassion qu'il savait déplaire à l'organisateur :

— Alors ? C'est la troisième fois que je te demande !

— Très bien, ton gosse...

Une étincelle illumina le regard d'Eden, comme s'il avait du mal à cracher ses mots.

— ... Il a pris fait et cause pour toi. Il se déclare du côté d'Astra... Tu étais occupé à discuter avec le gouvernement de Nepsys lorsqu'on a appris que Theobald avait fuit le palais d'AM.Erica, et Ralph a préféré attendre d'avoir plus de nouvelles avant de t'en parler. Il savait que ce serait un sujet sensible pour toi, acheva Eden avec un brin de sarcasme.

Un déluge d'émotions diverses parcourut Rodolphe des pieds à la tête, l'empêchant d'analyser la situation. Son fils le reconnaissait comme son père ! Mieux, il se rangeait à ses côtés ! Même dans ses rêves les plus fous, jamais le jeune homme n'en avait espéré tant.

— Qui... Qui est au courant ? Ou est il en ce moment ? Est il en danger, arrêté ?

Le regard d'Eden se durcit un peu plus, se portant malgré lui sur la porte derrière Rodolphe qu'il désigna du doigt en fronçant les sourcils.

— Arrête de t'en soucier. Tu ne devrais y attacher qu'une importance d'aspect politique... C'est d'elle dont tu dois te préoccuper, pas de ton ancienne femme et de son gosse. Tu entends ? C'est comme si tu trompais Saskia !

— C'est ridicule !

Rodolphe serra les poings et Eden fit de même. Les deux hommes se jaugeaient du regard, fou furieux et incapables de réfléchir.

— Arrêtez tous les deux ! cria alors une voix à l'autre bout du couloir au moment où l'empereur attrapait par le col son adversaire pour le plaquer contre le mur avec violence.

Rodolphe se retourna face à Ralph qui accourait et les rejoignit en quelques pas, l'ai agacé et inquiet.

— Arrête ça Rodolphe. Le bruit court déjà dans tout le vaisseau... Tout le monde peut écouter la radio et dès qu'ils ont su que c'était ton fils qui s'exprimait, eh bien, plus personne n'a vraiment dormi.

— J'ai donc été le seul à ne pas l'entendre, observa d'une voix dangereusement calme Rodolphe tout en relâchant Eden qui parut furieux et lissa son tee-shirt avec un regard glacé.

Ralph parut encore plus énervé et incendia l'empereur du regard.

— Tu es vraiment à cran toi en ce moment pour être aussi insupportable... On s'en fiche de ce qui s'est passé ou non. Ce qu'il faut c'est qu'on se mette d'accord le plus vite possible sur ce qu'on va annoncer demain matin. Pour le moment c'est le bazars dans les dortoirs du vaisseau mais ils discutent simplement... Demain ils vont te demander ce que tu comptes faire. Ton fils – mais celui d'Aileen aussi – veut te rejoindre. Tu as pris un engagement envers eux, celui de renoncer à cet héritier et d'en avoir d'autres avec Saskia. Tu ne peux pas prendre cette histoire à la légère.

Le battant du compartiment privé de Rodolphe coulissa alors pour livrer passage à la jeune femme les cheveux en bataille, pieds nus, et vêtue d'une courte robe enfilée à la va vite.

— J'ai raté quelque chose visiblement... Vous m'expliquez ?

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant