Saskia (Chapitre 50)

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Elle ne se trompait pas. Au bout de l'avenue leur petit groupe tourna à gauche, laissant derrière eux les soldats de toute nationalité et les leurs, pour gagner la hauteur la plus au nord de la ville et les décombres du palais séparé des premiers immeubles par un parc laissé à l'abandon.

Aux grilles et aux vieux murs à demi tombé les attendait une femme en uniforme, asiatique, et deux jeunes gens poussiéreux, mais visiblement aguerris au combat, ainsi qu'un vieil homme dur et diverses autres personnalités.

Saskia devina instinctivement qu'ils se trouvaient devant les chefs de leurs alliés parvenus si juste à temps pour les secourir. Elle ne repéra Ralph qu'après, lorsqu'il s'avança vers eux.

Il désigna l'ombre des arbres derrière lui, ignorant le grand feu qu'ils avaient allumé pour éclairer et se réchauffer.

— On a le commandant de la reine là bas, Andrei d'après lui. Enfin, elle l'aurait destitué de son poste un peu avant la bataille. On a quelques Astrayens pour le surveiller. Et environ un milliers d'autres prisonniers, de même bien encadrés.

— Où est Rodolphe ? questionna Saskia, s'avançant malgré elle.

Elle sentit qu'elle n'était pas à sa place, qu'elle n'avait pas la carrure de s'imposer comme elle venait de le faire. Elle jeta un coup d'œil en arrière sur la souveraine de l'AM.Erica et se maudit intérieurement de ne pas parvenir à se sentir même à sa cheville.

Ce fut une jeune femme blonde qui repondit dans un mauvais astrayen.

— Je suis l'une des dirigeantes de l'armée de Mars, Loreleï. Votre empereur est parti à la recherche de son fils, qui a été retrouvé blessé un peu plus au sud...

Saskia ne sut que dire. Sibylle était toujours sous sa forme de loup et elle gronda soudain, rappelant sa présence.

Ralph lui jeta un coup d'œil, habitué à deviner ce qu'elle cherchait à exprimer lorsqu'elle était sous cette forme précise.

— Il est à trois rues de l'ancien hôtel Raymond. Celui dont on voit encore trois lettres de l'enseigne.

La louve hocha la tête, se détourna et désigna de la tête la reine évanouie.

Saskia songea que dans le groupe présent c'était à elle de prendre les choses en main, mais se prit soudain conscience que le fait même la glaçait. Elle n'en était pas capable, face à tant d'officine.

Sibylle devait le savoir car son regard se vrilla sur celui de la Martienne qui hocha la tête, devinant facilement la pensée de la princesse.

— Nous veillerons à ce que personne n'attente à sa vie. Dépêchez vous, et revenez avec votre frère et son fils... Il y a des décisions que nous devons prendre très vite.

La louve acquiesça avant de se détourner et de s'élancer de nouveau en avant, disparaissant rapidement dans les décombres des premières rues sous la pâleur lunaire.

Saskia frissonna, tandis que le soldat portant Aileen allait la déposer plus loin, aux côtés de l'homme qui avait aidé à la retrouver.

— Loreleï... Et Caldion, n'est ce pas ? demande-t-elle en se tournant vers ce dernier.

Il hocha la tête, calme et neutre en apparence. Elle les connaissait de réputation. Ils avaient pris le contrôle de Mars et fait chuter le tyran... La présidente de Mars, la femme en uniforme, se rapprocha alors à son tour.

— L'Empereur est parti il y a plus d'une heure... Ce serait bien qu'il revienne rapidement.

Saskia devina l'inquiétude qu'elle ne montrait pas et sentit une angoisse sourde s'emparer d'elle. Si Theobald était mort... Comment réagirait Rodolphe ? Elle ne parvenait même pas à l'imaginer.

Alors qu'elle restait là, les bras ballants, sans trop savoir quoi dire ou faire ensuite, ils se réinstallèrent tous autour du feu, avant qu'un pas ne se fasse entendre derrière eux.

— Sas' !

Elle se retourna vivement, ses yeux fouillant l'obscurité, soulagée d'avoir quelque chose de tangible sur lequel focaliser son attention et ainsi échapper au poids des regards la fixant.

Carlys émergea alors de l'ombre de la nuit. Sa tenue était déchirée par endroit, il avait du sang sur la joue, le regard un peu fou.

Saskia se rappela que Rodolphe avait voulu lui éviter le combat, le conserver à ses côtés pour le protéger comme le voulait Sibylle. Mais personne ne pouvait retenir un esprit libre comme le sien, et il s'était échappé pour aller aider à secourir les blessés, de tous les camps, ce qui sur le moment n'était pas passé si facilement. Au cœur de la bataille il n'avait priorisé personne mais c'était peut être cela qui était si admirable chez lui.

— Quoi ? Qu'y a t il ?

— Bouge toi, il faut que tu viennes !

— Mais je...

Elle s'interrompit, se tournant vers le feu et les ruines du palais d'Ivy en arrière plan. Elle était là plus proche de l'empereur, elle aurait dû rester ici pour le représenter. Mais les autres de toute façon ne lui prêtaient plus aucune attention, comme s'ils avaient tous saisi à quel point elle ne se sentait pas de taille à affronter la situation.

Tant mieux si elle pouvait s'échapper.

— Très bien, je te suis.

Carlys, comme d'habitude, ne donna aucune explication supplémentaire. Elle dû le suivre, regagner les rues pleine de monde, circuler de nouveau au milieu de cette euphorie étouffante.

— Carlys, moins vite !

D'ordinaire pourtant elle courrait bien plus rapidement que lui. Mais là elle était épuisée de la journée, alors que lui semblait avoir retrouvé une incroyable motivation.

Il ne prit même pas la peine de lui répondre mais obliqua dans une ruelle où il avait moins de monde puis dans une autre encore un peu plus déserte, et rapidement Saskia se rendit compte qu'il l'entraînait vers les zones de combat que tout le monde avait déserté mis à part les équipes volontaires de secouristes.

Son cœur se serra et un tremblement la saisit.

La première chose qu'elle distingua dans la nuit fut un projecteur branché sur une batterie portable, éclairant un petit groupe de cinq ou six personne.

La silhouette de Rodolphe se détachait dans la nuit. Il était agenouillé, près d'un homme étendu, sans mouvement à terre.

— Non !

Pas Theobald. Pas lui, jamais il ne s'en remettrait, jamais il...

Lorsqu'elle parvint à eux et que son regard tomba sur le jeune immobilisé après que les autres se soient écarté pour la laisser passer, tout le sang reflua de son visage.

Carlys s'était glissé dans le groupe, mais elle ne se souciait plus de le suivre ou quoi que ce soit. Elle comprenait pourquoi il était venu la chercher.

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant