Aileen sentit le choc secouer l'énorme vaisseau avant même de se rendre compte de ce qui arrivait.
Debout en pantalon et veste militaire, arme à sa ceinture et cheveux ramenés en une haute queue de cheval lui dégageant le front, elle se tenait debout une minute auparavant auprès d'Andrei sur la coursive de la salle centrale des commandes du vaisseau, contemplant les dizaines de pilotes et de tireurs devant leurs postes de commandes, dans le brouhaha ambiant des ordres qui s'échangeaient et des cris, pour maintenant être tombée au sol, violemment projetée contre le mur.
— Qu'est-ce que c'était que ça ?
Elle venait à peine d'ordonner d'amorcer la manoeuvre d'atterrissage mais ne s'attendait pas à une réaction semblable.
— Andrei ?
Elle se releva plus vite que lui et tendit sa main pour l'aider à se remettre debout. Il l'accepta et ensemble ils revinrent s'appuyer contre la barre de sécurité de la coursive pour se pencher vers la salle de commande.
— Jeoff ! hurla le commandant. Que se passe t il ? On avait dit atterrir, pas bousiller le matos.
Le militaire blond parut paniqué lorsqu'il leva la tête vers eux, leur accordant quelques secondes de son attention visiblement concentrés sur les messages qui parvenaient dans son oreillette.
Aileen songea qu'elle devrait réactiver là sienne au lieu d'attendre le rapport de la salle.
Elle n'écouta donc pas la réponse du soldat mais appuya sur le minuscule appareil dans son oreille droite et accéda rapidement à l'information circulant sur le canal de transmission.
Alerte, alerte, attaque à tribord et bâbord. Les vaisseaux de Mars, Tireros, Revelatum et Nepsys viennent de lancer la première salve de tirs, Adrole-XI, Carcera-VI et Gruzy-III sont détruits. Avaries sur le vaisseau principal.
Avarie sur le vaisseau principal ? C'était le leur ! Et cela expliquait le choc que venait de ressentir Aileen. Elle coupa la communication pour pouvoir se concentrer et blêmit.
Visiblement, l'atterrissage était compromis, et en quelques minutes ils venaient de perdre trois de leurs appareils et surtout une quantité non négligeable d'hommes. Des gens qui avaient remis aveuglément leur vie entre ses mains.
La respiration d'Aileen s'accéléra à cette idée mais elle parvint de justesse à contenir son émotion et ne pas se laisser aller. Elle ne pouvait pas céder maintenant, surtout pas.
Elle comprenait également pourquoi aucune flotte ennemie n'était présente sur Astra à leur arrivée.
Visiblement, ceux ci avaient choisis d'attendre de se trouver réunis avant de faire route vers l'ancienne tête d'alliance et prendre le risque de les affronter...
Un bip entêtant dans son oreille convainquit la reine de rouvrir le canal, devant un appel, et elle le déverrouilla d'un clic pour entendre son interlocuteur direct cette fois, Damien.
— Majesté, ils sont moins nombreux que nous. On peut les avoir mais il faut très vite se coordonner. Leurs vaisseaux sont plus petits que les nôtres donc plus compliqués pour nous à avoir, mais nous sommes supérieur en nombre...
— D'accord. Bon, il nous faut réfléchir très vite. Des idées ?
— A part tirer dès qu'ils entrent dans notre rayon d'action... Mais l'onde de choc ne doit pas déstabiliser notre propre flotte, c'est là où cela devient dangereux.
Aileen secoua la tête, négativement. Tirer avec la puissance de feu de leurs énormes vaisseaux risquaient à une si faible distance avec le retour de l'onde de choc de les projeter les uns contre les autres, ce que leur ennemi avait visiblement parfaitement appréhendé.
— Il faut écarter nos vaisseaux. Ne conserver que le minimum, quitte à être en sous nombre, histoire que l'onde de choc ne nous projette pas les uns contre les autres.
Andrei la dévisagea une seconde avec un petit sourire et elle haussa les épaules avant de le lui rendre, cachant sa nervosité.
— Je dis n'importe quoi ? questiona-t-elle.
— Au contraire. Je me disais que votre père avait eu on ne peut plus raison de faire de vous la reine de l'AM.Erica. Vous êtes définitivement celle qui a le mieux profité de ses leçons de stratégie, mais de plus la plus adaptable aux situations innatenues...
Il se détourna pour reposer son regard sur la coursive et activa son micro pour commencer à transmettre les ordres.
— Nous ne laissons qu'une dizaine de vaisseaux, mais les plus puissants, ils doivent s'éloigner d'une distance minimale de 500 mètres et quant aux autres, nous allons les faire reculer, enfin les éloigner d'Astra pour limiter le risque de...
Aileen s'avança vers lui d'un pas et posa une main sur son épaule en secouant la tête.
— Non, Andrei. Je n'ai pas fini de t'expliquer.
Il tourna son regard vers le sien, interrompant sa communication.
— Attendez un instant, la reine me communique un nouvel élément.
Dans la salle de commandes en contrebas les ordres d'Andrei résonnaient dans les hauts-parleurs, comme dans les autres vaisseaux, tandis que la jeune femme terminait d'énoncer sa pensée.
— Les autres vaisseaux ne vont pas se contenter de se mettre à l'abri. Nous avons déjà trop attendu...
— Quoi ?
— Donne leur l'ordre de ma part d'amorcer la manœuvre d'atterrissage. Au sud d'Ivy, près de notre première base. Je veux que nous soyons sur Astra d'ici quelques minutes.
Andrei coupa son micro, commençant soudain à comprendre.
— Vous ne pensez pas que les vaisseaux que nous laissons derrière vont maintenir en respect la flotte qui nous fait face ? Êtes vous en train de sacrifier nos hommes majesté ?
— Leurs vaisseaux sont définitivement plus maniables. Chaque minute de plus passée dans les airs nous met TOUS en danger. Alors oui, je nous sécurise histoire de pouvoir faire atterrir nos autres appareils. Et si pour sauver les trois quarts de nos soldats il faut en laisser certains en arrière, je suis prête à en endosser la responsabilité.
Elle ne respirait plus, ne pensait plus. Elle s'était transformée à cet instant en ce que son père avait mis des années à l'entraîner : la reine froide, capable de toutes les décisions.
Envolées ses peurs, sa dépendance à Rodolphe, son amour, le moindre de ses sentiments.
Il n'y avait devant elle que la situation d'urgence, ce vide qui menaçait de la submerger, et cette nécessité d'agir, comme une droguée, sans plus s'accrocher à des valeurs désuètes, pour maintenir la tête hors de l'eau.
Faire ce que tous attendaient d'elle, et oublier pour eux qui elle aurait voulu être. Des idéaux d'hier.
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Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]
Science FictionTome 5 : L'enfant des deux mondes La guerre fait rage. Les enfants d'Astra ont passé des années dans l'espace à survivre comme ils le pouvaient... Il est maintenant temps pour eux d'entrer dans la dernière phase du plan. Il est temps de rentrer chez...