Aileen (Chapitre 48)

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Tout détruire. Oh ! Évacuer cette immense souffrance. Cette sensation de ne plus rien avoir. Cette absence totale de pensées et sensation à part ce noir, cet abime sans nom. L'enfer.

Elle raffermit sa poigne sur son arme, un fin pistolet à rayons, arme très recherchée et rare car possédant une forte autonomie.

— Ahhh...

Elle se retourna sur sa gauche vivement, les traits défaits, pour voir s'effondrer la femme à ses côtés.

Touchée près du cœur. Aileen n'était peut être pas médecin mais lorsque l'autre tenta de se redresser et cracha du sang en laissant échapper un nouveau gémissement de souffrance, elle sut que c'était fini pour elle. Chanceuse. Ne plus avoir cette crampe intérieure, ne plus sentir la tension de la souffrance mentale, enfin remplacée par une autre uniquement physique...

— S'il vous plaît... Aidez moi... J'aime...

Qui ? Un enfant ? Un mari ? Un homme rencontré un jour auparavant ? Elle s'effondra sans avoir pu terminer ni sa phrase ni son histoire et Aileen avec une douceur étonnante face à la dureté de son cœur à cet instant vint lui fermer les yeux et réarranger d'un geste rapide sa tenue avant de reculer et de lui prendre son arme.

Elle avait vu que le soldat à sa droite en recherchait. La jeune femme la lui balança et ils échangèrent un regard fou, dément, qui n'avait plus de sens.

Elle se repositionne, toute cette opération n'ayant pas pris plus de quelques secondes, et recommença à tirer, cherchant une visibilité tout en se protégeant plus par instinct qu'autre chose.

Ce fut à ce moment précis qu'une explosion plus violente que les autres eut raison de leur faible muraille de protection.

Aileen se retrouva violemment projetée en arrière, en même temps que de lourds monceaux de gravats. Elle entendit les hurlements des attaquants qui s'élançaient en avant pour profiter de la brèche, ceux bien plus horribles des leurs qui s'effondraient, et heurta le sol en même temps que d'autres projectiles.

Elle sentit sa tête heurter une poutrelle, le choc atténué par le premier coup qui l'avait redirigée et s'effondra, luttant un instant contre la chaleur et la douleur pour rester lucide avant de céder à l'évanouissement.

***

Il faisait nuit. Tout son corps suppliciait Aileen lorsqu'elle rouvrit les yeux. Un vent frais s'était élevé dans la plaine, ranimant la jeune femme. Si sa tête la heurtait, lui donnant une violente migraine, elle constata en levant la main qu'à part un peu de sang séché et une bosse elle semblait aller relativement bien.

Elle voulut se relever mais en fut alors incapable. Son regard tomba sur ses jambes ankylosées et elle constata qu'un gravât empêchait le mouvement de la droite. Il pesait sur elle, pas suffisamment pour avoir totalement coupé sa circulation, mais assez pour que la sensation soit très désagréable.

La fatigue physique la rendait groggy en plus de toutes les émotions de la journée et elle eut du mal à rassembler ses pensées pour parvenir à la conclusion qu'il fallait qu'elle essaie de se dégager.

Les étoiles brillaient dans le ciel, aussi insolente que le soleil triomphal de la journée. Porteuses d'un espoir qui n'existait plus.

Il régnait partout un lourd silence incompréhensible. Des hommes gisaient un peu partout, et seul dans le lointain sur sa droite se faisait entendre le gémissement d'un soldat qui devait encore être en vie.

Aileen aurait pratiquement voulu le supplier de se taire. C'était un rappel à la réalité et la vie alors qu'elle en était si loin.

Elle fronça les sourcils, se redressa péniblement en position assise, et entreprit de tenter de soulever la masse qui la bloquait. Elle échoua une première fois, s'y reprit de manière différente et en essayant d'y mettre plus de force, mais retomba de la même façon, complètement épuisée et lasse.

Elle se battait encore, et ne savait même pas pourquoi.

Ce fut au moment où sa volonté se raffermissait, luttant contre l'envie d'abandon, parce qu'elle avait toujours été une battante, qu'elle entendit se rapprocher les premiers bruits de pas et de voix.

— Elle est là. Je vous avais bien dit que c'était elle.

— Vous êtes sûr ?

— Son commandant, Andrei, nous a aidé à la retrouver. Il voulait qu'elle soit soignée et il a peur pour sa vie.

— Ce sera fait. Deux hommes pour dégager les gravats, je la prendrai moi même.

C'était une voix féminine qui s'exprimait ainsi. Aileen hésita, se remémorant de vieux enregistrements de ses prisons. Un prénom s'afficha alors dans son esprit. Sibylle. Sibylle Astra.

Elle avait beau avoir repris conscience, elle était dans un état à moitié éveillé.

Elle sentit que l'on dégageait sa jambe, ce qui eut pour effet de rétablir sa circulation sanguine, entraînant une série de picotements extrêmement désagréables.

Une jeune femme s'approcha ensuite, passa une main sous ses épaules, une autre sous ses jambes, et la souleva de terre.

Bien sûr. Une mutante, plus forte. Elle leva péniblement la tête et croisa deux prunelles grises et crut entrapercevoir l'ombre d'un curieux sourire avant de se laisser retomber.

Elle devait mille fois souffrir... Le Ravageur pulsait au coup de la princesse, et Aileen sentit quelque chose comme un coup de poignard là traverser. En plus de tout le reste, elle n'avait même pas aujourd'hui l'énergie de l'empêcher de l'aider.

Elle aurait voulu pouvoir griffer ces bras qui la portaient, juste pour se dégager, retomber sur la terre moite, tenter de se maintenir debout, se redresser et lever le menton en signe de défi. Qu'ils en finissent. Mais qu'elle se soit battue jusqu'au bout. Là, elle était encore en vie, elle devait encore tenter l'impossible, pour se respecter elle même.

Elle dû s'agiter parce que les bras de Sibylle se resserrèrent sur elle. Un soldat, ou un jeune Astrayens, était ce identique ?, s'approcha et grogna dans la nuit.

— Je peux la prendre. Ça ne devrait pas être vous, Altesse.

Ce respect... Non disparu alors qu'Aileen avait passé des années à expliquer que les royaux n'étaient plus rien.

— Si. Laissez-là moi. Certaines personnes le méritent.

Sibylle se mit en marche suivie de ses hommes et Aileen sentit le peu d'énergie qui lui restait lui échapper.

Elle aurait aimé parler, dire quelque chose. Penser même. Mais il n'y avait plus rien qu'un immense vide et la sensation d'être parvenue au bout d'un chemin si effroyablement long et court à la fois.

D'être arrivée à la fin de la partie d'échec.

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant