Aileen (Chapitre 29)

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— Aileen...

— Oui ?

— Essaie de sourire, de paraitre plus confiante en l'avenirs... Nos hommes en ont besoin.

La reine tourna son regard changé par les prunelles violettes vers son frère à sa droite, jeta un coup d'oeil au passage à la dizaine de personnes haut gradées rassemblées en haut du gigantesque escalier extérieur du palais, puis acquiesça, forçant un sourire faux à envahir ses traits.

— Une fois de plus tu as raison grand frère.

En bas, dans la rue, le martelage des bottes de cuir ne cessait de se faire entendre depuis une demi-heure, ainsi que les encouragement de la foule parquée le long de la route derrière les barrières de sécurité.

Les soldats, au pas cadencé et sans s'autoriser le moindre ralentissement dans leur marche, s'avançaient par rang de dix vers la zone d'embarquement, profitant de ce dernier moment en sécurité loin des combats pour défiler au rythme sinistre et régulier des tambours.

— Il me semble n'avoir jamais autant eu conscience du fait que la galaxie s'apprête à basculer de nouveau dans les flammes... murmura entre ses dents Aileen, faisant fi des dignitaires et conseillers qui pouvaient l'entendre, s'adressant uniquement à James, faussement souriant et détendu dans son fauteuil roulant.

— Les vaisseaux de Nepsys, Tireros et Revelatum font déjà route vers Astra... Et ceux des astrayens aussi sans le moindre doute, même si nous ne les avons pas repéré puisqu'ils ont coupé depuis bien longtemps leurs signaux, alors que les autres ne songent même pas à se cacher. Nos nouveaux appareils de guerre sont plus rapides, surtout les petites navettes de transport de troupes, mais si nous voulons être là-bas en même temps qu'eux... Il est plus que l'heure. Effectivement petite soeur, c'est le dernier grand feu d'artifice !

Il avait prit un accent dur, sombre, et la jeune femme ne répondit rien, sachant qu'ils pensaient la même chose de l'énorme gâchis en train de se préparer sous leurs yeux.

— Majesté, je vais rejoindre nos soldats maintenant si vous le permettez... annonça alors la voix grave d'Andrei qui venait de s'avancer, se décalant de sa gauche, suivi de près par Damien qui inclina la tête en même temps que lui.

La reine les dévisagea tour à tour, évitant de s'attarder sur le visage de son garde du corps, toujours incandescent lorsque leurs regards se croisaient, puis répliqua d'une voix forte qui résonna sur l'esplanade :

— Bien sûr que je vous en donne ma permission... Nos troupes doivent être entourées de la meilleure façon possible. Et...

Elle jeta un bref coup d'oeil à James qui se tendit soudain, mais ne lui laissa pas le temps d'intervenir, achevant calmement et dignement d'énoncer sa pensée.

—... C'est également pour cette raison que je vais me joindre à vous. Je ne resterais pas à l'arrière pour donner les ordres tandis qu'une partie de mon peuple affrontera les coups de nos ennemis. Je viens avec vous, et c'est sur le terrain que je donnerais mes ordres, à vos côté.

Un léger tic agite la joue gauche de Damien, seul signe visible de son exaspération, mais une femme d'une quarantaine d'années en tailleur impeccable laisse tomber les dossiers qu'elle avait en main et se détourna du défilé pour dire en même temps qu'un homme d'allure chevronnée, chef militaire majeur :

— Majesté, vous ne pouvez pas faire ça ! Il est tout simplement totalement hors de question que vous vous mettiez en danger ainsi...

— Je ne vous laisse pas le choix, comtesse. Et ce n'est pas vous non plus, Bailar, qui pourrez m'en empêcher. Je serais plus utile aux côtés de nos soldats que terrée au fond de ce palais de pierres au milieu de personnes apeurées. James ?

L'expression inquiète et en désaccord de son frère avait laissé place à une moue amusée devant la vue des dignitaires à la fois choqués mais admiratifs sans se l'avouer. La plupart des personnes présentes n'envisageait en effet pas de quitter la ville, mais dirigerait la bataille à venir à travers écrans et autres outils perfectionnés de communication.

Aileen ne trouvait pas cela méprisable, de tout temps il est normal de protéger les chefs de guerre, mais trouvait que ce n'était pas du tout dans son caractère d'agir ainsi et n'y réfléchissait pas davantage. Sans compter le fait qu'elle... Elle ne pouvait pas rester loin de son fils, le perdre encore davantage et mourir à petit feu sans rien pouvoir faire en le pensant perdu au milieu des combats. Peut-être aurait-elle l'occasion de l'aider, de le retrouver, si elle se rendait là bas... Son coeur lui renvoya alors l'image de Rodolphe et elle pâlit légèrement, ce que personne ne parut remarquer, furieuse qu'après tant d'années l'empereur puisse encore éveiller en elle de tels émotions et sentiments.

— Oui petite soeur ?

— Tu deviens à partir de maintenant le dirigeant en mon absence. Tâche de mettre un peu d'ordre sur cette fichue planète et... Prends soin de toi.

Sans attendre qu'une nouvelle personne tente de l'arrêter, elle commença à descendre les grandes marches régulières d'un pas ferme, ne se retournant même pas lorsque son frère lui cria :

— Toi de même Aileen !

La reine avait revêtu un pantalon renforcé de cuir et une veste serrée comportant des poches spéciales pour ranger des plaquettes de survie, comportant des cachets extra-hydratant ou nourrissant, et portait une arme à sa ceinture. C'était un pistolet à fusée, finement ouvragé et commandé chez l'un des meilleurs armuriers du pays. Pour beaucoup, ce n'était qu'une arme de décorum enfilée pour rendre hommage aux soldats, mais Aileen ne l'avait pas pensé ainsi en s'habillant le matin même.

Au contraire, chaque détail de sa tenue était pensé pour le combat et les longues semaines qu'elle s'apprêtait à vivre. Quant au reste de ses affaires, il était déjà en train d'être chargé dans l'une des imposantes mais élancées navettes de guerre.

Des pas un peu précipités la rejoignirent et quelques minutes plus tard Damien apparut à sa droite tandis qu'Andrei se positionnait à sa gauche, adaptant leurs pas au sien pour descendre les marches.

Le haut commandant de la garde paraissait avoir beaucoup vieilli ces derniers mois, mais peut-être plus encore depuis les quelques jours qui les séparaient maintenant de la fuite de Theobald. Ce n'était certes pas son fils, mais faire semblant d'être son père pendant des années, lui dispenser l'entraînement spécial des meilleures recrues et l'aider à grandir et à maîtriser ses mutations avait forcément créé un lien particulier entre les deux hommes.

— C'est à vous que j'aurais dû donner des leçons de combat, on dirait, votre Majesté, murmura-t-il avec son regard admiratif.

La jeune femme lui répondit d'un sourire et sauta gracieusement une nouvelle marche, tout en ne quittant pas des yeux les soldats qui continuaient imperturbables leur lente avancée vers l'enfer.

— Croyez vous ? Je n'en ai pas manqué, Damien m'a aidée...

Le commandant fronça les sourcils mais Aileen haussa les épaules. Cacher les écarts de protocole était désormais le cadet de ses soucis.

Les enfants d'Astra T5 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant