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La réunion dure longtemps, et est particulièrement ennuyeuse, mais je préférerais la revivre dix fois que de retourner voir ma famille avant au moins un an.

Lorsque nous sortons de la pièce, je me précipite vers l'ascenseur, espérant naïvement échapper aux griffes de Peter, qui, comme de bien entendu, se referment sur mon bras.

— Ah non, mademoiselle Grey, nous deux, nous n'en avons pas finis. Dans mon bureau, et tout de suite.

Sa voix ne laisse entrevoir qu'aucune discussion n'est possible. Il est en colère et déterminé à avoir des réponses à ses questions.

Cette fois, il vaut mieux que je m'enfuis, ou m'extirper de son emprise sans tout lui avouer sera particulièrement difficile.

— Non, je n'ai pas le temps, j'ai un rendez vous important, je rétorque.

Je me dégage de ses griffes.

— Quand il s'agit de s'envoyer en l'air, vos rendez vous importants ne le sont plus tant que ça, mademoiselle Grey, alors vous allez cesser de me prendre pour un con et vous allez me suivre. Inutile d'essayer d'y échapper, vous n'avez pas le choix.

Je ferme les yeux et soupire.

Fait chier.

Il m'entraîne jusque dans son bureau. J'adresse désespérément un regard de détresse à la secrétaire, auquel elle répond un sourire gêné, puis me retrouve enfermé dans une cage dorée, dont le père de mon futur enfant verrouille la seule issue (du moins à ma connaissance).

— Soit tu m'explique soit je trouve tout seul, et ce sera pire, lance ce dernier.

Je serre les dents.

— Tu es infernal avec ta curiosité mal placé, Peter, je poignarde avec fureur. Mêle toi de se qui te regarde ce sera déjà bien.

Il attrape un stylo sur lequel ses doigts se referment avec colère.

— Et toi c'est ta colère qui est mal placé ! Essaye de communiquer, sinon rien ne pourra s'arranger !

— Je n'ai rien à te dire.

Je détourne mon regard vers la baie vitrée. C'est plus apaisant.

— Faux. Tu m'as fais perdre quatre vingt millions de dollars.

Mon regard s'éveille. Aussitôt je me sens revigorée.

— Cent trente, je rectifie fièrement.

Il semble perdu.

— Cent trente quoi ?

— Tu n'as pas perdu quatre vingts millions de dollars tu en as perdu cent trente.

Il casse son stylo.

— Bon chaton, je me lance, cette perspective m'a remise de bonne humeur, et je suis prête à te parler de ma famille, du moins un petit peu.

Je me débarrasse de mon sac que je jette sur le divan, puis m'installe confortablement dans un fauteuil.

Point de vue de Peter Clarke :

Elle n'est pas croyable. Comme je le pensais, il a suffit que je lui parle de l'argent qu'elle m'a fait perdre pour la remettre d'aplomb. Cette perspective me réjouie autant qu'elle me désole car c'est la preuve que je la connais par cœur mais aussi que c'est une vrai garce.

Elle s'assied, puis s'éclaircit la gorge.

— Bon, qu'est-ce que tu veux savoir ? , entame t'elle avec désinvolture.

Tout est le premier mot qui me vient en tête, mais connaissant Katherina, c'est une mauvaise réponse. Elle semble disposée à s'ouvrir, il ne faut pas tout gâcher, sa colère n'est pas bien loin, guettant la moindre étincelle qui ravivera la flamme qui fera tout brûler.

— Pourquoi n'y a t'il aucune photo de ton père dans la maison dans laquelle t'as mère redise ? , j'engage.

Elle fronce les sourcils, comme surprise. Ce n'est pas ce à quoi elle s'attendait.

— Il est mort. Laisser des photos de quelqu'un de mort c'est morbide. Ma mère les a toutes retirées.

Elle semble décontractée, mais je sais qu'elle ment.

— C'est faux, et même si tu disais la vérité, je serai prêt à parier que même avant sa mort il n'y avait quasiment aucune photo de lui nul part.

Ele déglutit difficilement.

— Il...

Il était complètement paranoïaque au point de ne s'afficher nul part au cas ou ses ennemis imaginaires ne le trouve !

Elle et moi connaissons tout deux la vérité mais aucun d'entre nous n'ose la dire à voix haute.

— Il y avait des photos, tu te trompe.

Elle ment. Facile, je n'ai aucun moyen de vérifier. Tant pis.

— Si tu le dis. Ton père, après être rentré de la guerre, a séjourné dans un hôpital psychiatrique n'est ce pas ?

Elle contracte la mâchoire.

— Oui.

— Et, plus précisément, celui là même où ta mère travaillait en tant que psychiatre.

Cette fois, je ne prend même pas la peine d'énoncer ma phrase de manière à ce qu'elle sonne interrogative . Elle sait que je sais et je sais qu'elle sait que je sais. Nous nous comprenons.

Je souris, et me redresse, avant de faire les cents pas.

— Tu sais, récemment, j'ai vu un film, un Marvel, et bien que j'ai trouvé la fin assez médiocre, je dois reconnaître qu'un passage m'a particulièrement intéressé. C'était une histoire d'amour, néanmoins peu conventionnelle, je dois bien le reconnaître, entre une psychiatre et un de ses patients. Leur situation me semblait assez mal partie, mais l'amour n'est pas illégal, après tout, loin de là.

Point de vue de Katherina Grey :

Il arrête de parcourir la pièce, et sa voix devient glaciale.

— Mais tu sais ce qui l'est par contre ? Faire libérer un homme évalué comme inapte à vivre en société et potentiellement dangereux pour autrui en falsifiant des rapports psychiatriques.

Ma tête se vide de son sang.

Merde Maman, la bombe est lâchée, et je n'y suis pour rien.

Only Me Où les histoires vivent. Découvrez maintenant